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Grèce

« Syriza était le parti de la défaite du mouvement » -

Interview du Mouvement Antiautoritaire (AK) sur Syriza, le référendum et ce qu’il faudrait faire

lundi 10 août 2015, par admi2


« Syriza était le parti de la défaite du mouvement » - Interview du Mouvement Antiautoritaire (AK) sur Syriza, le référendum et ce qu'il faudrait faire

Qui êtes-vous et quelle est votre relation avec le mouvement extraparlementaire et avec Syriza ?

AK est un réseau d’assemblées antiautoritaires fondé en 2003, qui sont basées sur l’anti-hiérarchie, la prise de décision par la démocratie directe et l’abolition du pouvoir. Nous luttons contre totalitarisme parlementaire et nous n’a jamais eu de relations avec les partis parlementaires quels qu’ils soient. Nous avons créé des alliances sociales et politiques avec de nombreux collectifs, citoyens, assemblées populaires et organisations politiques qui luttent pour une société autonome émancipée auto-organisée contre l’État et le Capital.

Syriza était ‟le parti du mouvement”. Quelle sorte de relation Syriza a-t-il avec le mouvement maintenant ?

Syriza était le parti de la défaite du mouvement et de l’incapacité de poser en son sein des alternatives viables au cours du cycle de luttes dans la crise.
Plus SYRIZA s’approchait de la possibilité d’obtenir la première place de la représentation parlementaire, plus il se distançait par lui-même des pratiques de mouvement. L’incorporation de nombreux ex-politiciens populistes du PASOK dans le parti a clairement signifié que SYRIZA était le produit de la défaite de mouvement des places dans la mise en avant d’une alternative de démocratie directe plutôt qu’une dialectique de l’épanouissement d’un mouvement socialiste. Les membres de SYRIZA se sont comportés comme de vrais héritiers du Stalinisme qui caractérise tous les partis de gauche en Grèce, en défendant toutes les absurdités de leur direction au lieu de les critiquer et de promouvoir un ordre du jour plus mouvementiste. Cela est devenu encore plus clair après les derniers développements, où une partie des membres de Syriza quittent le parti parce qu’ils ne peuvent plus faire face aux conséquences de leurs choix tandis que d’autres soutiennent le gouvernement avec des arguments TINA [There is no alternative]. La vérité est que quiconque soutient maintenant SYRIZA a déclaré la guerre au mouvement.

Aviez-vous des espoirs ou des attentes quand Syriza est arrivé au pouvoir ? A-t-il changé après le référendum ?

En tant qu’organisation, nous luttons contre la politique de délégation et le parlementarisme. On n’a donc pas eu de faux espoirs sur ce que ferait Syriza une fois au pouvoir. Il y avait une partie du discours de Syriza qui était aligné avec les ambitions des mouvements et dans ce domaine nous avons cru que nous pourrions faire chanter le gouvernement pour qu’il fasse quelques réformes qu’ils avaient eux-mêmes proclamé (abolition des prisons de haute sécurité, abolition des camps de détention pour les réfugiés, abolition de travail du dimanche dans le secteur commercial), mais nous n’avons obtenu que quelques modifications mineures. En fait, les mesures récentes [l’accord avec la Troïka] ont également annulé certaines des réformes effectuées au cours du dernier semestre et les ont remplacées par d’autres dans une orientation néolibérale.

Comment la société grecque réagit-elle avec les espoirs qu’elle avait placée dans la possibilité d’un changement ?

Nous avions averti la société grecque que « sous un grand espoir s’étend une profonde déception » et cela s’est vérifié. La société grecque était largement convaincue que, sous le discours patriotique populiste de Syriza, simplement en votant pour eux, leurs salaires et les emplois seraient protégés et tout irait bien. Aujourd’hui, la plus grande partie de la société grecque se trouve dans le désespoir et la colère, et une partie significative se prépare à prendre ses affaires en main, en organisant des luttes contre les mesures à venir et en développant des structures auto-organisées qui ont l’ambition de satisfaire les futurs besoins sociaux.

Le référendum grec concernant la politique d’austérité de l’UE a été rejeté par la grande majorité qui s’est prononcé pour le « Non ». Quels secteurs de la société ont été mobilisés pour le Oui et pour le Non ?
Comme les choses ont été vraiment polarisées, on pourrait affirmer que les partisans du « Oui » étaient les grands et les petits capitalistes grecs, les classes moyennes et une partie des classes inférieures qui étaient pris de panique à l’idée d’un Grexit. Les supporters du « Non » étaient clairement les classes inférieures, les partisans de Syriza, les gens du mouvement et l’extrême droite.

Comment Syriza a essayé de mobiliser ses électeurs ? Quels ont été les arguments communs qui ont été utilisés ?

Syriza a essayé de faire du référendum une arme de négociation. Ils ont fortement insisté sur le fait qu’ils ne voulaient pas d’un Grexit et qu’un vote important pour le « Non » enverrait un message à l’UE disant que la politique d’austérité ne sera plus appliquée. Ils ont également insisté sur le fait que les ‟valeurs européennes” de solidarité et de démocratie devaient être respectées.

Comment le mouvement antiautoritaire a-t-il réagi au référendum et à son résultat ?

Le référendum a été une question difficile. La majeure partie du mouvement antiautoritaire a voté « Non », car de cette manière les classes inférieures pourraient montrer qu’elles s’opposent aux réformes néolibérales extrêmes et aussi que cela pourrait être le début d’un redémarrage du mouvement. Une autre partie du mouvement s’est opposé au référendum en tant qu’il est une procédure parlementaire et constitue un faux dilemme. Toutes les parties du mouvement sont maintenant en train d’analyser et de discuter des problèmes et des opportunités qui nous attendent depuis que SYRIZA a déclaré la guerre au peuple, en continuant ce que les gouvernements précédents ont fait.

Comment la société grecque a-t-elle réagie au fait que le gouvernement est maintenant en train de mettre en œuvre de l’austérité et ainsi de nier le résultat du référendum ?

Le sentiment général est le désespoir. C’est un processus ambivalent qui peut soit conduire à l’apathie et à la reddition au dogme TINA, soit à la construction d’une conscience qu’il n’y a pas d’espoir dans le parlementarisme et la politique de parti, et que donc nous devons prendre les choses dans nos propres mains.

Quelle est la situation avec Aube Dorée ? Profitent-ils des récents développements au sein du gouvernement et de SYRIZA ? Ou la répression de sa direction les place dans l’impossibilité de réagir ?

Il y a une crainte commune qu’Aube Dorée puisse capitaliser l’effondrement de l’image sociale du gouvernement. Ce n’est pas une peur absurde, si l’on garde à l’esprit que le discours patriotique et populiste de Syriza de ces dernières années a légitimé une telle rhétorique qu’Aube Dorée peut mettre en avant avec discipline et sans contradictions. Il est vrai cependant qu’Aube Dorée en tant que parti – et comme mouvement pourrait-on dire – est encore étourdie et désorientée par les coups judiciaires qu’elle a subi et par des tensions internes fractionnistes. Personne ne peut prédire les résultats politiques de l’issue judiciaire du procès nazi – un procès qui est attendu depuis plus de 18 mois mais jusqu’à présent le parti n’a pas été capable de convaincre au-delà des 5% de sa base l’électorale. Je pense personnellement que le populisme d’extrême droite peut être exprimé, et s’exprimera, par d’autres parties du spectre politique, des ex-membres du parti Nouvelle démocratie. Le principal bénéfice des pertes du capital politique de Syriza sera recueilli par les ‟extrémistes du centre”, la coalition de Potami, du Pasok et de la Nouvelle-démocratie, qui font l’autopromotion de représenter la « force politique responsable contre tous les extrémismes, de gauche comme de droite ».

Une partie de la gauche européenne avait l’espoir que les développements en Grèce ouvriraient la possibilité de rompre avec le « bloc » néolibéral. Est-ce encore réaliste ? Après tout, les mêmes espoirs avaient été placés en Amérique du Sud il y a 10 ans.

Nous pensons que les développements récents parlent d’eux-mêmes. Cela n’a jamais été notre rêve ou objectif de ressembler à des projets populistes latino-américains. C’est donc à ceux qui soutiennent ces politiques et ces théories qu’il faudrait poser la question. L’Union européenne était l’enfant de parents de la droite conservatrice et elle ne peut pas changer fondamentalement. Nous pensons que le totalitarisme européen qui émerge aujourd’hui ne peut pas être combattu dans ses propres institutions, mais dans la rue et à travers des structures d’un mouvement d’émancipation antiautoritaire transnational qui combat pour l’autonomie sociale et individuelle.

En Allemagne, le Grexit était principalement une idée la de droite (nationaliste), mais elle est de plus en plus avancée par des segments de la gauche radicale. Ils critiquent Syriza de ne pas avoir établi de manière adéquate un Plan B comme un moyen de négocier, mais aussi comme une véritable option (émancipatrice), laissant ainsi l’architecture de l’Europe capitaliste intacte. Pourriez-vous décrire brièvement le discours autour du Grexit en Grèce et décrire votre position en tant que groupe priorisant l’auto-organisation contre l’État ?

Le Grexit a toujours été adopté par une large partie de la gauche, à l’intérieur de Syriza, le KKE [PC grec], Antarsya [extrême-gauche] et aussi quelques collectifs anarchistes-communistes, comme une première étape pour s’émanciper de l’hégémonie néolibérale de l’UE. Bien sûr, toutes ces positions parlent de la monnaie nationale et de l’abolition de la dette. Beaucoup de gens du mouvement pensent également que la faillite d’un Grexit offrirait une période fructueuse en termes d’intervention sociale pour le mouvement. La vérité est que cette position surestime le potentiel d’un État dans la promotion du changement social. Bien qu’il soit clair aujourd’hui qu’il ne peut pas y avoir la moindre transformation sociale sérieuse sous le totalitarisme institutionnel de l’UE, nous devrions garder à l’esprit que le choix d’un système monétaire et la mise en place des relations avec les autres Etats est un choix fait par les patrons pour les patrons et qui n’a jamais été demandé à la société (ou, même lorsqu’on le demande par référendum, son opinion ne compte pas !). L’Argentine, le Royaume-Uni et beaucoup d’autres pays ont une monnaie nationale, mais ils sont loin d’être un projet libertaire ! Donc, au lieu de discuter sur ce qu’un État pourrait faire pour promouvoir la liberté – ce qui ne serait rien de moins que lui faire commettre un suicide à ses institutions, quelque chose qui n’arrivera jamais – nous devrions discuter sur notre réel potentiel, à travers la généralisation, le renforcement et la défense d’institutions auto-organisées dans notre société qui, à travers un processus de luttes et d’autocritique et d’améliorations constantes, sera en mesure de faire valoir leurs intérêts contre les appareils d’État nationaux et transnationaux.
Juste pour donner un exemple de cette conception, imagine si nous n’avions pas un seul VIO.ME, mais 1000 entreprises auto-organisées qui coordonneraient la production à travers la mise en réseau de centres sociaux et un système de monnaie auto-organisé qui remplacerait la monnaie nationale dans une partie plus ou moins grande des transactions ; dans un tel contexte, de Grexit ou pas Grexit, d’effondrement financier ou de faillite organisée, cela aurait des conséquences qui ne nous affecteraient pas beaucoup.
Ce projet est loin d’être réalisé aujourd’hui, mais les fondations ont été construites et il y a une voie possible, lente mais régulière vers ce type de réalité de mouvement constituée.

Est-ce que l’opposition extra-parlementaire a encore la capacité de mobiliser maintenant que le réformisme semble avoir échoué de nouveau ? Y aura-t-il de nouveau plus d’auto-organisation et d’intérêt pour une politique de mouvement ? Ou bien cela va-t-il conduire à une dépression politique ?

La question décrit le principal pari politique de la période à venir. Notre objectif est de transformer le désespoir en colère, la perte de l’espoir en créativité et la délégation en engagement. Le mouvement est de nouveau réveillé et le monde de l’auto-organisation et de l’autogestion est prêt à prendre ses responsabilités historiques.

Où allez-vous à partir de maintenant ?

Il y a une initiative importante sur laquelle nous allons mettre tous nos efforts dans les jours qui viennent pour répondre à cette nouvelle attaque capitaliste. Elle s’appelle « Non, cela veut dire Non, Vous ne pouvez pas / Nous pouvons », inspiré par le principal slogan de VIOME. L’objectif est de :

1. Produire une résistance de masse et militante contre les mesures d’austérité et promouvoir l’autodéfense sociale face aux attaques de l’Etat (expulsions, travail du dimanche, etc.).

2. Promouvoir des projets auto-organisés et autogérés, des initiatives d’attention sociale [‟social care” : soin, assistance] et mettre tous ces éléments en communication et en coordination.

3. Coordonner, unifier et intensifier à la fois les projets de résistance et les projets auto-organisés de base sur le terrain de la reproduction sociale.

4. Promouvoir la coopération et la solidarité transnationales contre le populisme patriotique qui se développe dans la société grecque.

Le Camp ‟Beyond Europe” [Au-delà de l’Europe] contre l’exploitation minière destructrice de l’or en Chalcidique est une occasion très importante pour que le mouvement international puisse discuter, analyser et organiser les premières étapes de la stratégie d’auto-organisation contre l’Etat et le Capital.


Source : http://beyondeurope.net/447/syriza-...

Traduction : MP (OCL)

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