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Grèce  : espoir et illusions d’une « Gauche  » au pouvoir.

vendredi 20 mars 2015, par ocl-lyon

Les médecins de la troïka européenne se sont penchés au chevet de la Grèce avec pour tout remède « la saignée  ». La saignée administrée est profonde, le malade est à bout de force et la maladie gagne du terrain. Les « diafoirus  » du libéralisme avaient-ils l’intention de la guérir ou de seulement en faire un cobaye  ?


 {{Bilan de la saignée.}}

Résultat de la thérapie appliquée par la troïka européenne. Baisse des investissements de 60%, de la productivité de 10%, de la Construction 80%, des salaires entre 20 et 40% et des retraites de 45%. Un chômage multiplié par trois dont 50% chez les jeunes. Des Baisses de l’indemnité de chômage (300 euros) de 22% sachant que seuls 10% y ont droit.
Au début était la dette publique  : 140 % du PIB grec. Effacée de moitié début 2012, elle est aujourd’hui autour des 175%. Les effets de cette thérapie de choc ont aussi été dénoncé par la ligue internationale des droits de l’homme qui y voit une atteinte aux droits humains fondamentaux  : logement, santé, travail, éducation ... La théorie du choc appliquée au prétexte de réduire la dette a plongé dans la misère la population, mais bien nourrit les préteurs, les banquiers européens. Elle avalisait l’attaque et la destruction de tout le code du travail et des lois de protection sociales et cassait ce qui était « l’état de droit  ». Les « mémorandums  » de L’U.E, imposés à la Grèce contrevenaient à la constitution grecque elle-même. Notons que les mesures d’austérités de ce pays, n’ont pas commencé avec la crise mais ont été accélérées avec sa mise en tutelle par la troïka. Loin d’être abattu, le corps social, le peuple grec a réagit et combattu le diagnostic et la thérapie imposée. Une résistance avec la montée des luttes sociales auto organisées et le mouvement « d’occupation des places  ». En 2011  : grève générale et révoltes populaires comme lors de la fête nationale accompagnée d’affrontements violents contre les forces de répression étatiques mais aussi contre les agressions de l’extrême droite d’Aube Dorée. Après cinq années d’austérité dévastatrice et quoi que l’on pense de l’outil (électoral) utilisé, ce 25 janvier marque un tournant pour le peuple grec. Certes c’est la victoire de Syriza, mais par ces élections, l’Europe des Hollande, des Merkel and Co a été défiée et humiliée. Les partis politiques responsables de la saignée de la Grèce via la dénommée Troïka (Union européenne, Banque centrale européenne - BCE, Fonds monétaire international - FMI) ont eux aussi subi cette défaite. Dans le pays, le Pasok, (Parti socialiste grec) chute de 44 % des voix en 2009, à 4,68 %. Le parti dissident de G.Papandreou, (ex-premier ministre du Pasok) qui a introduit les programmes d’austérité, n’a recueilli que 2,46  % des voix. Nouvelle Démocratie (opposition de droite) atteint les 27,81 %, mais 9 % de moins que Syriza. La montée électorale des fascistes d’Aube Dorée a été contrée à 6,28%, bien qu’ils aient conservé, des députés. Ceux-ci étaient combattus dans la rue par le mouvement populaire de gauche ce qui démontre que les luttes sociales contre des mesures gouvernementales impopulaires ne font pas le jeu des populistes. Il est vrai que le parti Syriza y participait aussi. Par ailleurs, suite aux agressions violentes (assassinat) contre des immigrants et militants de gauche, la bourgeoisie au pouvoir qui couvrait ses exactions a rejeté Aube Dorée est mis ses leader en prison.

Syriza.

Dans la décomposition politique des partis au pouvoir et l’irruption sociale du peuple, c’est sans surprise, pourrait-on dire, que Syriza a gagné les élections et que son leader Tsipras est devienu chef du gouvernement. Est-il surprenant que les dénigrements pré électoraux de la gente politique européenne deviennent, après cette victoire du 25 janvier, d’hypocrites lauriers tressés par nombre de chefs de gouvernements  ? Pas étonnant non plus cette standing ovation française de l’extrême droite à l’extrême gauche. Pas de méprise. La clameur des uns ou des autres se différencie selon leurs objectifs politiques et le socle idéologique auquel ils se référent. Syriza était avant tout un rassemblement social, écolo, associatif, allant du centre droit avec des transfuges du Pasok à l’extrême gauche dont des anciens du KKE  : le parti communiste. N’ayant pas obtenu la majorité parlementaire dont il avait besoin, Syriza a formé un gouvernement avec le Parti des Grecs Indépendants (AN-EL). Mélange de populisme et de valeurs traditionnelles de droite, en liens avec des fractions de la bourgeoisie d’affaire et l’Église grecque. Eux aussi ont toujours été opposés à l’austérité depuis qu’ils ont quitté Nouvelle Démocratie. Les Grecs Indépendants ne sont pas anti-Union européenne ni anti-euro. N’oublions pas que le mouvement de résistance sociale qui animait le peuple grec, se nourrissait aussi de nationalisme, de fierté identitaire, de souverainisme national y compris dans ses représentations de gauche. Si l’on prend en compte le tournant « réaliste  » des dirigeants de Syriza, la coalition devrait fonctionner, en tout cas au début. La direction de l’actuel gouvernement se présente, pour le peuple grec comme une coalition nationale anti-austérité, et pour l’Europe,internationalement, comme un gouvernement de gauche pragmatique et responsable.
Syriza est situé à gauche du parti Socialiste grec  : Pasok qui s’est partagé le pouvoir en intermittence avec la droite depuis la chute des colonels. D’agglomérat de petits partis coalisés en 2004 (1), après maints soubresauts, « Syriza  » devient le parti en 2013. Par ses discours et positions il capte vers lui les ouvriers et les couches intermédiaires que la crise va déclasser et paupériser. Ouvrier, populaire et réformiste (à ses début du moins) Syriza prend corps électoralement dans le contexte des luttes de résistances sociales. Luttes qu’il saura canaliser, vider pour s’en nourrir et se renforcer. Il n’est en rien d’extrême gauche, ni radical, ni socialiste de par son programme. Ce parti n’est donc pas la gauche radicale que les éditocrâtes et autres formateurs d’opinions voulaient nous faire croire. Du moins en France. Ou alors, si radicalité il y a, (ce qui en soi ne veut rien dire) ce ne peut être qu’en comparaison du vide politique laissé par les partis grecs institutionnels  : dits socialistes puis sociaux démocrates, désertés puis désavoués par leur propre adhérents et électorats. Partis soumis et dévoués au capitalisme libéral. Dans ce vide, Syriza peut être une illusion de radicalité par les quelques promesses et mesures sociales annoncées avant son accession au pouvoir mais n’est en aucun cas anticapitaliste. Il ne présente aucun programme réformiste de transformation sociale basé sur des conquêtes de pouvoir aux moyens des élections. Ce n’est qu’un parti qui s’oppose aux dérives libérales du capitalisme, pour en corriger les excès et le rendre de nouveau humain. Il porte plus les espoirs de la bourgeoisie sociale et de la petite bourgeoisie déclassée et paupérisée qui lutte pour sa survie que ceux des travailleurs saignés par la crise imposée. En absence de perspectives révolutionaires et d’une prise de conscience collective de classe, il est logique que certains parmi le peuple y aient cru, y aient vu une solution à leurs problèmes. Alors que la victoire de Syriza n’est portée que par 36,34 % des 9, 8 millions d’électeurs, il serait intéressant avec plus d’infos de comprendre le taux de 36,13% d’abstentionnistes, dans ce pays où le droit de vote est théoriquement obligatoire. Chacun peut apprécier Syriza pour ce qu’il y trouve, pour notre part nous saluons la claque que le peuple grec assène aux affameurs. Notre profonde solidarité, sympathie revient au peuple grec, celui de la rue, celui des luttes sociales auto gérées. Il s’agit, certes par délégation électorale, de la revanche d’une société qui a souffert et qui a lutté contre les responsables de ces souffrances.

De l'opposition au pouvoir.

La principale initiative de la politique de SYRIZA, une fois au pouvoir, se devait d’être, d’après leurs déclarations d’avant les élections l’application du programme de Salonique  : la création d’une sorte de « filet de sécurité sociale  » en augmentant le salaire minimum à son ancien niveau de 751 euros, en réinstaurant les droits élémentaires de négociation collective, en mettant un terme à la diminution du nombre de fonctionnaires, en apportant une aide immédiate aux 300 000 familles qui vivent sous le seuil de pauvreté, en créant des emplois, et en augmentant les pensions de retraite. Il ne fait aucun doute que ces mesures répondaient à une urgence populaire. Mais à mesure que l’échéance électorale se rapprochait, Syriza s’en éloignait. Ses dirigeants abandonnaient leur revendication d’une abrogation immédiate du mémorandum (les conditions imposées et liées aux accords de prêt), qui était un argument majeur de leur campagne de 2012. Ils se sont délestés du  : « pas de sacrifice pour l’euro  » et de La nationalisation du système bancaire. Etc. Dans les faits à l’approche d’un pouvoir assuré, SYRIZA s’est affirmé pour ce qu’il est  : mettre fin à l’austérité tout en restant dans le cadre institutionnel, monétaire et financier de l’Euro-zone et de l’Union européenne.
Quelle marge de négociations avec l’Union européenne, en sachant que celle-ci maintiendra sa pression pour la poursuite des politiques d’austérité sinon elle renierait son dogme, son message  : que personne ne peut se soustraire à la norme libérale fixée pour l’UE. A l’opposé, pour maintenir sa politique progressiste, Syriza devra abroger les réformes néolibérales imposées à la Grèce dans les dernières années. N’ayons pas d’illusions. De telles démarches des uns contre les autres, mèneront inévitablement à la confrontation. N’oublions pas que la Grèce ne représente que 2% du PIB européen. Elle est un petit pays face aux pays impérialistes infra européens que sont la France et l’Allemagne.

 Espoirs et désillusions

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La pression populaire pourra-t-elle contraindre SYRIZA à tenir ses propositions  ? La crise sociale et politique en Grèce, offre aussi cette possibilité  ? Le sujet qui nous interroge n’est pas Syriza et ses stratégies mais où en est le mouvement social  ? Que reste –t-il de ses expériences alternatives basées sur l’auto-organisation, que reste –t-il des liens horizontaux, et démocratiques acquis dans ces luttes passées et récentes  ? Que reste-t-il du désir collectif des gens qui ont mené ces luttes de résistance contre la troïka européenne et l’ex gouvernement  ? N’oublions pas le Parti Communiste  : KKE, (5,47%des voix), certes sectaire, mais décrivant et dénonçant Syriza comme une alternative pour le système. Le premier geste du Premier ministre A.Tsipras après avoir prêté serment n’a-t-il pas été de se rendre dans un lieu où 200 communistes furent exécutés le 1er mai 1944. La gauche radicale anti-Union européenne, anticapitaliste est aussi représentée par Antarsya-Mars (0,64 % des voix). Autres réalités, autres échos au sein des mouvements sociaux. Syriza n’est que la représentation politique et électorale, du moment lié aux bouleversements qui ont fait suite non seulement à la crise, mais aussi au long cycle de luttes contre l’austérité. Ces années de luttes ont-elles fait immerger de nouvelles identités, forgées de nouvelles formes d’appartenance  ? Syriza en est- il la fin, l’essoufflement politique  ? Ce mouvement populaire avec ses différentes composantes aura-t-il la capacité, la possibilité d’imposer une politique plus radicale, non pas en simple lobby de gauche extra institutionnelle mais en acteur direct imposant par ses dynamiques de luttes ses propres solutions  ? Sans une unité populaire autonome, de classe, engagée dans la lutte, dans des pratiques collectives de résistance et de transformation, le risque est grand de voir l’espoir suscité dériver alors vers les replis identitaires, nationalistes qu’attendent et cultivent l’extrême droite d’Aube Dorée.
Il semble que c’est aussi ce mouvement populaire grec de résistance sociale qui envoie le message politique d’une possibilité de changement à l’ensemble de l’Europe ! Lors des prochaines élections en Espagne « PODEMOS  » sera t-il une autre réponse  ?
Oublions Syriza et combattons les icônes qu’utilise et fabrique la bourgeoisie comme seules incarnations d’avenir. La victoire de Syriza a pu être une bonne nouvelle avant les désillusions prochaines que ce parti ne manquera pas de susciter. L’espoir ne réside pas dans l’élection de « sauveurs  » mais dans la volonté des peuples à poursuivre la lutte pour leur émancipation.

MZ Caen le 10 02 2015

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