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Après Charlie

L’ECOLE AU SECOURS DE LA RESTAURATION DE L’ORDRE REPUBLICAIN

vendredi 20 mars 2015, par ocl-lyon

Le gouvernement, s’appuyant sur l’union nationale qui a duré quelques jours après les attentats à Paris et à Montrouge les 7 , 8 et 9 janvier, s’est efforcé de prolonger ce climat de cohésion apparente en avançant des mesures destinées à renforcer le rôle d’embrigadement de la jeunesse dévolu à l’école.


L’école s’est vue impliquée à son corps défendant dans un événement dont le gouvernement, les médias, l’opinion cherchent à la rendre en partie coupable. Les réticences, grossièrement montées en épingle, de quelques élèves face au rituel imposé et quasi religieux d’une minute de silence, ont été dénoncées comme le signe d’un défaut d’intégration d’une catégorie de jeunes à une prétendue communauté nationale. Etablir un lien causal entre terrorisme et défaut d’intégration, cela conduit à ce que la « mobilisation de l’école  » décrétée par le gouvernement cible les enfants des prolétaires issus de l’immigration, eux que leur origine et leur leur religion rendent suspects et qui sont considérés comme insuffisamment francisés. Ainsi, la vision identitaire de la laïcité aux relents colonialistes, qui gangrène une large partie de la classe politique et des médias bien au delà de l’extrême droite, prend pied de plus en plus fermement à l’école, et de façon très officielle. La communauté éducative est alors sommée d’être plus efficace dans la transmission des « valeurs républicaines  » et la formation de citoyens fiables et dociles.

Silence dans les rangs

Dès le 8 janvier, les enseignant-es ont été propulsés en première ligne par la ministre de l’éducation nationale, Vallaud- Belkacem, au nom de « la guerre contre le terrorisme  », avec la minute de silence décrétée dans tous les établissements scolaires. Puis, le 12 janvier, le gouvernement lançait son grand plan de « mobilisation de l’école  ».
Dès le début, la ministre, tout en incitant les personnels à organiser des débats autour des évènements, demande que soient « signalés  » les élèves qui auraient des « réactions inadaptées » (1).
Les directeurs et chefs d’établissement ainsi que les personnels sont transformés en auxiliaires des services de renseignements, chargés de détecter « des signes précurseurs des pratiques de repli et de radicalisation  ». Et, apparemment, certains adultes obéissent aux consignes rectorales et ministérielles, parfois même avec l’appui des syndicats....
Une semaine plus tard, la ministre se fait plus autoritaire en tenant des propos scandaleux au parlement : « Il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves, et nous avons tous entendu les “oui je soutiens Charlie, mais”, les “deux poids deux mesures”, les “pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là”. Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école ». Elle ajoute que quelque 200 cas de contestation lui ont été signalés (sur près de 13 millions d’enfants scolarisés en France et 64 000 établissements scolaires), dont 40 jugés « suffisamment dangereux  » pour être entendus par les services de l’État.

Un écho très médiatisé est fait à ces incidents somme toute peu nombreux et qui font figure de petits faits inciviques.
Pourtant, dans un climat digne de la paranoïa la plus aigüe, des enfants et des adolescents ont été dénoncés à la justice et pour certains convoqués dans les commissariats ou les gendarmeries, accusés d’avoir perturbé la minute de silence, ou d’avoir refusé de la faire, ou encore d’avoir fait, pour des propos tenus à cette occasion, "l’apologie du terrorisme". Le piège s’est refermé sur les premiers visés : les élèves des quartiers populaires, et plus particulièrement ceux dont l’apparence pourrait laisser penser que ce sont des musulmans ou des enfants d’étrangers. La stigmatisation et la discrimination qu’il subissent au quotidien à l’école et dans l’ensemble de la société se voient dès lors justifiées par leur comportement contestataire (cf. encart 2).
Des enseignants aussi sont sanctionnés (cf. encart 3).
Imposition, délation et dénonciation rendues légitimes, mesures expéditives, bourrage de crâne, culture de la soumission... Pour défendre la liberté d’expression, selon la ministre, il faudrait commencer par interdire les questions. C’est un bon exemple de la contradiction entre les valeurs que l’école se targue de transmettre, dont la très respectée liberté d’expression, et la voie autoritaire et répressive qu’elle emprunte dès que cette liberté ose s’exercer. Belle leçon aussi qui fait apparaître la liberté d’expression à la sauce républicaine pour ce qu’elle est : encadrée par la loi (qui décide de ce qu’il est autorisé de dire et ce qui doit être tu), à géométrie variable dans une société inégalitaire d’oppression et d’exploitation.
La minute de silence imposée à des enfants dès le primaire a servi à pointer du doigt et à faire passer pour des partisans du terrorisme celles et ceux qui ont émis des doutes ou des refus à « être Charlie  » alors que l’Etat leur intimait de l’être, ou qui ont pu poser des questions propres à servir le débat : par exemple, l’absence de condamnation des propos racistes et islamophobes qui irriguent régulièrement les discours publics, les médias et les institutions ; une émotion médiatico-politique très sélective ; une liberté d’expression réservée à quelques-un-es ; les récupérations politiciennes des attentats ; l’impact des interventions militaires et le rôle néo-colonial joué par la France en Afrique et au Proche-Orient hier et aujourd’hui...

Au garde-à-vous pour la République

La « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République  » engagée par la ministre a pour but, selon elle, d’apporter « des réponses nouvelles  » à « ces circonstances exceptionnelles (les attentats, ndlr). Il faut qu’il y ait un avant et un après.  »
Le « plan d’action  » mis en place n’est qu’une resucée idéologique de ce qui existe de longue date, dans les textes et dans les pratiques.
Il se traduit d’abord dans des mesures sécuritaires. L’intention est pesamment affichée de punir, comme autant de déviances, les écarts à la pensée officielle. Pour coller à l’air du temps, l’« autorité  » de l’école sera garantie par cette formule menaçante  : « [Chaque fois que sera prononcé] un mot qui met en cause une valeur fondamentale de l’école et de la République, il y aura une réaction.  » La tolérance zéro s’institutionnalise : « Aucun incident ne sera laissé sans suite . Tout comportement « ettant en cause les valeurs de la République ou l’autorité du maître fera l’objet d’un « ignalement systématique au directeur d’école ou au chef d’établissement (2), suivi d’un « dialogue éducatif  » avec les parents et, éventuellement, d’une sanction. Les sanctions brutales prononcées récemment aussi bien contre des élèves que contre des enseignants donnent déjà l’image de ce que pourrait être une école fondée sur la surveillance généralisée, les menaces et la peur. Les classes dangereuses, celles qui répugnent à se dire Charlie, il s’agit de les repérer, traiter, rééduquer, intégrer ou réintégrer dans la communauté nationale selon un modèle standardisé et docile.
Un enseignement moral et civique, hérité du prédécesseur Peillon, sera obligatoire dès la rentrée prochaine pour tous les élèves ; ce « parcours éducatif citoyen  » sera évalué à la fin de la scolarité obligatoire. Pour assurer cet enseignement, qui remplacera l’actuelle Education civique, sociale et juridique (ECJS) (3), les professeurs devront être formatés par 1000 formateurs, eux-mêmes exceptionnellement formés d’ici la rentrée prochaine. Une épreuve sera intégrée plus systématiquement aux concours de recrutement des professeurs visant à « évaluer la capacité des candidats à faire partager les valeurs de la République  », ce qui ouvre la porte à toutes les soumissions et à tous les arbitraires. Il s’agit bel et bien d’un enseignement politique qui, sous couvert d’un discours aseptisé et moralisateur et sur fond d’évacuation du politique, vise à inculquer une morale d’Etat qui tend à fabriquer du consentement, complément indispensable à la violence de l’Etat.
Les élèves pourront avoir la visite de volontaires, puisés dans « une réserve citoyenne d’appui  » constituée dans chaque académie sur le modèle des réservistes militaires, qui viendront leur parler des valeurs de la République … (4)
Les religions seront enseignées, comme c’est inscrit dans les programmes scolaires depuis plusieurs décennies.
L’éducation aux médias et à l’information sera reconduite et renforcée.
Une instance représentative d’élèves sera instituée dans les écoles et les collèges et elle sera renforcée dans les lycées ; là, le constat est que les jeunes s’engagent très peu dans la vie de leur établissement. On peut s’attendre donc à diverses actions pour les « inciter  » à ne plus s’abstenir et à être plus participatifs.... (5).
La laïcité sera célébrée chaque 9 décembre – date d’anniversaire de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat -, de même que les rites républicains et les symboles de la République, comme La Marseillaise, la devise nationale et le drapeau tricolore ...
Et, pour que l’école soit « un sanctuaire de civilité  », le règlement intérieur et la charte de la laïcité – affichée dans tous les établissements depuis la rentrée 2013 –, seront obligatoirement signés par l’élève et ses parents… comme c’est déjà le cas partout.
Patriote et disciplinée, c’est ainsi que l’Education nationale cherche à formater la jeunesse. Prétention chimérique, bien heureusement.
Ces mesures idéologiques ont un coût annoncé de 71 millions pour 2015 – 250 millions pour les trois prochaines années ; autant d’argent qui ne servira pas améliorer les conditions de travail des personnels et des élèves ...
Quant à l’épineuse question de la mixité sociale dans les établissements scolaires, qui n’est pas dissociable des politiques de la ville et du logement (encart 3), de l’aggravation des discriminations et du racisme structurel, du recul des services publics, du chômage endémique, de la misère croissante, le ministère ne s’en tient qu’au stade du « constat  », et qui plus est au collège seulement. Comme si les maux n’étaient pas déjà connus. Aucune mesure n’est évidemment avancée pour réduire les inégalités sociales ; en particulier, pas de remise en cause de la sectorisation des écoles dès la maternelle (carte scolaire), ni de la mise en concurrence entre établissements dont les effets sont ravageurs en termes d’égalité du droit à l’éducation (encart 4).

Du mythe de la communauté nationale à celui de la communauté scolaire

Telle est la boîte à outils « antiterroriste  » qui est présentée pour l’école. On met en scène la peur et on propose les remèdes : les « valeurs de la République  », la laïcité, comme si elles n’étaient pas enseignées depuis des lustres et comme si elles étaient un totem ou un talisman susceptible de conjurer une épidémie de contestation antirépublicaine chez les adolescent-es. D’ailleurs de quelle République s’agit-il ? Celle qui peuple les prisons de jeunes gens pauvres ? Celle de l’empire colonial ? Celle qui s’est construite sur la négation des peuples et des cultures enracinées sur son sol ?... Et de quelle laïcité ? Celle aux couleurs d’une société qui vit au rythme du calendrier catholique ? Celle qui est mobilisée comme argument de maintien de l’ordre et qui est utilisée de façon discriminatoire contre les musulmans ?...
L’école a beau clamer la devise "Liberté, Egalité, Fraternité", chacun de ces mots est nié par ceux-là même qui s’en gargarisent. Les jeunes ne sont pas dupes du double langage de la société : on enseigne aux élèves le respect, mais il y en a qui sont maltraités, stigmatisés, contrôlés pour la couleur de leur peau, et cela au sein même de l’école. On les fait travailler sur l’intégration, les métiers, mais ils sont discriminés quand il s’agit de choisir une filière scolaire, de rechercher un stage, puis un emploi. On invoque l’égalité des chances, mais les élèves voient bien que l’école crée des gagnants et des perdants, que non seulement elle reproduit les inégalités mais accroît les mécanismes de ségrégation.
Imposer le catéchisme de la laïcité, la référence effrénée aux symboles nationaux et aux discours à connotation identitaire, bassiner les élèves avec la supériorité de la civilisation française, faire croire que la république est menacée, tout cela accompagne la brutalité sociale et l’ordre répressif instauré dans et hors de l’hexagone et ne fait que renforcer les discours et actes xénophobes et racistes.

Hors les murs de l'école aussi

Les débats politiciens sont allés aussi bon train pour imaginer comment prolonger au mieux l’embrigadement des jeunes amorcé à l’école : retour du service militaire, pour mieux les dresser ? service civique obligatoire pour créer un pseudo moule commun ? Le gouvernement a opté pour l’extension du service civique à 200 000 jeunes/an d’ici 2017 (cf. encart 5). Le coût serait de 1,2 milliard. On ne sait pas avec quel argent l’Etat compte financer cette extension ; faute de crédits, trois quarts des demandes ont été refusées en 2014 (6). Duplicité encore : ces missions sont des travaux sous-payés, qui habituent les jeunes à accepter des sous-emplois précaires et mal rémunérés et qui permettent d’économiser la création de postes ; pourtant elles sont dites utiles, puisque, à la différence d’autres tâches, elles sont présentées comme étant « au service de l’intérêt général  »...

Une école et une société mises au pas

Sous couvert d’antiterrorisme, le gouvernement met l’école au premier plan et prend pour elle quelques dispositifs en urgence. C’est peut-être parce qu’ils semblent de pure forme et sans nouveauté que les personnels ne se sont guère manifestés pour les contester. Pourtant, ces mesures ne sont pas si banales ni insignifiantes. Si elles servent à rassurer ce que’on appelle l’opinion, elles cherchent avant tout à réaffirmer l’autorité de l’Etat sur son école, ses enseignant-es et sa jeunesse, à les mettre au pas.
Ce qui se passe à l’école est le reflet de ce qui se passe au dehors, une société plus militarisée, plus fliquée, où les gouvernants cherchent à imposer une forme d’état d’exception, avec pour obsession de “surveiller et punir ". C’est un combat idéologique qu’ils mènent, qui cible en priorité les tensions religieuses et ethniques afin de masquer les causes sociales et politiques, d’évacuer les vrais enjeux ; à savoir, réfléchir collectivement aux finalités de l’école ; remettre en cause son rôle de classe, sélectif, discriminant et excluant ; lutter contre le racisme et les inégalités et pour une transformation globale de la société.

Kris, le 19 février

Notes

1 - Ordre était donné par les rectorats de faire remonter les noms des élèves récalcitrants, liste qui pouvait être transmise au procureur de la république.

2 -Une « ormation renforcée sera donnée aux chefs d’établissement pour qu’ils puissent faire « n meilleur repérage des risques de repli chez les jeunes pouvant représenter un risque pour eux-mêmes et la vie collective ».

3- Sur le papier, « La France se place en tête des pays européens par son investissement en matière d’éducation civique » (Conseil national d’évaluation du système scolaire). Elle est le seul pays où les cours d’éducation civique ont des horaires dédiés, du primaire au lycée.

4- Il s’agit de systématiser les partenariats déjà existants avec des réseaux associatifs, des entreprises, des flics, des militaires … toutes sortes d’honorables citoyen-nes...

5- Selon la mission sur l’enseignement de la morale laïque, en 2013, les instances de vie lycéenne, « peu connues et peu valorisées  », sont « parfois perçues comme une simple obligation réglementaire  », et la participation des élèves aux élections de leurs représentants est faible (50  %).

6- 35 000 missions seulement ont été financées l’an dernier, 45 000 le seront en 2015 (pour 170 millions).

ENCART 1

 {{ELEVES PIEGES}}

Parmi les dangereuses graines de terroristes, à Nice, Ahmed, 8 ans, est dénoncé à la police par son école et auditionné pour avoir fait « l’apologie du terrorisme  », son père est convoqué pour « intrusion  » au sein de l’établissement scolaire.... Dans l’Aisne, un écolier de 9 ans est auditionné par la gendarmerie pour « apologie du terrorisme  » après que les responsables de la cantine ont signalé des propos rapportés par un camarade. A Cagnes, une élève est entendue par les gendarmes pour des écrits "inquiétants" dans sa rédaction de CM2. A Nantes, un lycéen de 16 ans a été placé en garde à vue après la diffusion sur Facebook d’un dessin « ironique  » jugé peu conforme aux mœurs du moment.

ENCART 2

PROFS SANCTIONNES

Un professeur d’arts plastiques de Mulhouse, dénoncé par des parents, a été suspendu et a fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir débattu avec ses élèves en s’appuyant sur des caricatures issues de Charlie Hebdo. Rassemblement, soutiens des collègues au niveau de l’académie, menace de grève... Le recteur a décidé fin janvier de lever la suspension du professeur mais celui-ci, victime d’un emballement répressif violent, a été muté dans un autre établissement.
A Poitiers, un professeur de philosophie a été lui aussi suspendu pour 4 mois sur la base de dénonciations d’élèves, pour avoir tenu « des propos déplacés en cours  » alors qu’il avait organisé des débats avec ses classes, suite aux attentats. Il doit passer devant « un conseil de discipline  » le 13 mars, et le parquet a ouvert une enquête judiciaire pour apologie d’actes de terrorisme. Les collègues du lycée ont fait grève le 5 février et demandent la réintégration de ce professeur.

ENCART 3

VALLS A DIT « APARTHEID » ?

L’école n’a pas été la seule à être pointée du doigt par le gouvernement au lendemain des attentats ; les politiques urbaines et d’aménagement du territoire l’ont été aussi. Pour décrire la gravité de la situation des « quartiers  » français, Valls a même parlé de « ghettos  » et d’« apartheid territorial, social, ethnique  », comme il l’avait fait lors des émeutes de 2005.
L’apartheid désignant un régime de discrimination systématique et institutionnalisé, si le premier ministre estime que des cités de banlieue sont victimes d’« apartheid  », cela signifie que les logiques de ségrégation sont, au moins en partie, construites volontairement par les politiques publiques. Il y a effectivement en France une ségrégation flagrante de certains territoires et quartiers et de certaines catégories d’individus pauvres. Le fait d’appartenir à une minorité ethnique et/ou raciale est une pénalité bien réelle. Le racisme existe dans les politiques de l’habitat, à l’école, sur le marché de l’emploi, dans les services publics, lors des contrôles (il y a environ 7 fois plus de probabilités d’être contrôlé par la police quand on n’est pas blanc ; et la proportion est exactement l’inverse pour obtenir du travail).
Il peut sembler curieux que le premier ministre pointe du doigt une situation d’injustice dont il est un des artisans. S’il le fait, ce n’est certainement pas pour essayer de remédier aux disparités territoriales, à la pauvreté, au mal-logement, au chômage aggravé. D’ailleurs, si Valls dit vouloir « éformer en profondeur l’action publique et « aire reculer les discriminations , il ne propose aucune mesure concrète et s’en tient à la vague promesse d’un « comité interministériel de lutte contre les inégalités dans les quartiers  ». Ce n’est pas la politique sociale qui a le vent en poupe mais la stratégie sécuritaire. Parler d’apartheid vise avant tout à cristalliser les peurs à propos d’une dislocation de la société française. Ce que le gouvernement cherche à vendre, ce sont des dispositifs d’exception, un durcissement de la répression, une surveillance accrue des « quartiers  », une mise sous tutelle de « ces territoires perdus de la république  » et de leurs habitants, présentés comme suspects de se défier de la France, d’être embrigadés et fanatisés par des communautés religieuses, évidemment musulmanes.

ENCART 4

SEGREGATION SCOLAIRE

L’égalité face à l’école n’est qu’un principe. Les politiques scolaires contribuent à produire de la ségrégation. L’assouplissement de la carte scolaire en 2007 – ce système d’affectation des élèves selon leur secteur d’habitation – et la politique d’options ont conduit à accentuer la ségrégation : les écoles sont à l’image de leur quartier, elles sont ségréguées si leur secteur de recrutement l’est aussi.
Dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP), où ségrégations scolaire, sociale et ethnique se cumulent, seuls 40% des élèves maîtrisent les compétences de base en fin de collège, contre 75% hors ZEP. Dans ces zones, 73% des élèves sont enfants d’ouvriers et d’inactifs, contre 35% ailleurs. Quelques repères permettent d’affirmer que la part d’élèves de nationalité étrangère est nulle ou très faible dans une majorité d’établissements, et dépasse les 25% voire 30% dans une petite minorité de collèges situés dans les quartiers défavorisés des grandes villes (chiffres de 2012).
L’école apparaît comme un ordre social et culturel qui exclut les plus pauvres, comme une machine à les reléguer dans les filières les moins « cotées  ».

ENCART 5

DU SERVICE CIVIQUE AU SERVICE CIVIL

Le service civil, avait été créé après les émeutes de banlieue de la fin de l’année 2005. Mieux valait inciter les jeunes à aider les vieilles dames plutôt que les laisser brûler des voitures, disait-on. Promesse était faite alors de recruter 50 000 jeunes volontaires. Une fois la fièvre des banlieues retombée, l’urgence s’évapora et les crédits plus vite encore  : à peine 3 000 missions furent financées.
Depuis 2010, le service civique fait partie intégrante du code du service national ; il a pour objectifs de promouvoir l’« engagement  » des jeunes et de lutter contre « les fractures sociales  ». Il est ouvert à l’ensemble des catégories de jeunes de 16 à 25 ans, indépendamment de leur niveau d’études, de leur origine, et ils-elles perçoivent une indemnité nette de 573 euros minimum, pour une mission de 6 à 12 mois.

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