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Courant Alternatif 241, de juin 2014, est sorti

vendredi 13 juin 2014, par ocl-lyon


SOMMAIRE

EDITO - PAGE 3

CONTRE L’ORDRE SOCIAL ET POLICIER

  • PAGE 4 Nantes : Mobilisation contre la répression et enjeux derrière
    l’abandon du projet d’aéroport

EDUCATION

  • PAGE 6 Evaluation des enseignant.e.s et refus de l’inspection

SOCIAL

  • PAGE 10 Accords Unedic : un nouveau coup dur pour les intermittents,
    les intérimaires et les précaires
  • PAGE 12 Grève des postiers du 92 : un bilan d’étape

DEBAT

  • PAGE 13 Un questionnement sur le sens de nos luttes

BIG BROTHER- PAGE 16-17

CAPITALISME CULTURE MEGAPOLE

  • PAGE 18 Donostia-San Sebastien, capitale européenne de la Culture
    en 2016. Appel à la contestation

INTERNATIONAL

  • PAGE 22 Rwanda : 20 ans après le génocide des Tutsi
  • PAGE 24 Algérie : le début du commencement de la fin ?
  • PAGE 26 Ukraine : un printemps brûlant

L’ECONOMIE EN BREVES -PAGE 28-29

BREVES -PAGE 30-31

RENCONTRES LIBERTAIRES D’EYCHENAT -PAGE 32

EDITORIAL

La "Démocratie"est une mystification

La démocratie s’exporte aux quatre coins du monde, il s’agit de la démocratie parlementaire représentative qui s’appuie sur le sacro-saint suffrage universel. Et voilà qu’on ne cesse de voter, en Europe bien sûr, mais aussi au Mali, en Ukraine, en Egypte et bientôt en Libye …. L’idéologie dominante impose à tous les peuples dans le monde qui se soulèvent contre leurs dirigeants, le passage obligé par les urnes : "Vote et tais-toi !" ; un drôle de silence des agneaux ! Les élections ont la propriété spécifique de pacifier des Etats en guerre, d’enterrer les polémiques dans les urnes, de nommer des représentants officiellement reconnus par les Occidentaux. Le modèle universellement imposé est celui de la désignation par les élections des dirigeants du pays qui, légitimés par le label démocratique, pourront alors nouer des relations diplomatiques avec le monde libre ! Sauf quand le résultat des urnes ne satisfait pas le monde des affaires. Les premiers alors à ne pas respecter le verdict des urnes sont souvent ceux-là mêmes qui l’ont imposé et les tractations et influences en tout genre s’activent pour annuler des élections non conformes, pour passer outre ou pour sanctionner les populations qui ont mal voté ; il suffit de penser aux Algériens en 90, au "non" français majoritaire à l’issue du référendum sur la constitution européenne en 2005, au sort des Palestiniens de Gaza qui ont mal voté en 2006 en choisissant le Hamas, aux Egyptiens qui entre la peste et le choléra se sont trompés et doivent subir un retour en arrière dùment militarisé…

Rappelons que le mode de scrutin confidentiel, avec passage obligatoire dans l’isoloir, est bien éloigné d’un mode d’action collective. Bulletin secret, on peut voter noir et vivre blanc, on peut voter rouge et chanter vert, peu importe, personne ne saura qui vous êtes et quel est votre choix. Le vote en fait ne vous engage en rien, c’est la déresponsabilisation totale, dans le silence des urnes, chacun-e y déverse ce qu’il ne peut avouer à la face des autres.

"En un mot quand je vote, j’abdique mon pouvoir- c’est-à-dire la possibilité qui est en chacun de constituer avec tous les autres un groupe souverain qui n’a nul besoin de représentant-…… "
Voter, c’est sans doute (...) donner sa voix à un parti mais c’est surtout voter pour le vote (…) pour l’institution politique qui nous maintient en état d’impuissance … Ainsi, chacun, fermé sur son droit de vote comme un propriétaire sur sa propriété, choisira ses maîtres pour quatre ans sans voir que ce prétendu droit de vote n’est que l’interdiction de s’unir aux autres pour résoudre par la praxis les vrais problèmes."*

L’éditorial de Courant alternatif du mois dernier parlait de ‘l’ampleur de la défaite subie par le pouvoir’ et de ‘démocratie représentative’ ; au vu des dernières élections européennes on peut s’interroger sur cette représentativité. Si les dominants déplorent le dernier vote des Européennes, et même celui des municipales, votes qui n’ont pas conforté les partis de gouvernement, l’abstention, peu médiatisée, est désignée seule responsable de ces résultats qui ne plaisent pas aux courtisans du pouvoir en place. Sans vouloir revenir sur ces chiffres on peut ici souligner que c’est plus de la moitié des électrices et électeurs inscrit-es qui ont boudé les urnes, que la nouvelle génération des moins de 35 ans s’est abstenue à 73% et que, si le vote a atteint des records de participation dans les pays directement concernés par les retombées financières de l’institution européenne comme la Belgique et le Luxembourg avec un taux de vote de 90%, en revanche les départements d’Outre-Mer français se sont abstenus à 83%. A l’abstention, il faut ajouter les 4% de votes blancs et nuls. En réalité, les pourcentages sont encore plus bas car il faut tenir compte de celles et ceux qui ne se sont pas inscrits sur les listes électorales et les personnes qui résident en France mais n’ont pas le droit de vote, n’étant pas de nationalité européenne. Quant à l’autoproclamé "premier parti de France", sur plus de 46 millions d’inscrits, il récolte 4,7 millions de voix, ce qui fait un peu juste en termes de représentativité ; mais c’est la loi de la démocratie parlementaire à l’occidentale, une minorité de citoyen-nes remporte une majorité de sièges. De plus le FN, même s’il a plus mobilisé ses électeurs-trices que les autres partis, perd deux millions de voix (soit 1/3 de voix) du premier tour de la présidentielle en 2012 ; alors, que signifie cette fulgurante victoire ?

La manipulation médiatique est aussi un moment fort du choix électoral qui se fait le plus souvent sur fond de discours, de dénonciations de l’adversaire, de belle prestance à la tribune et de matraquages audiovisuels par la répétition à l’envi du message des classes dominantes. Le discours du premier ministre Valls après le résultat des Européennes n’y échappe pas, c’est une litanie, une logorrhée de poncifs habituels qui le dédouane de toute implication personnelle dans le mauvais score de son parti et nous assure qu’il est temps de s’occuper pour notre avenir de notre sécurité ! Rien de nouveau donc, le programme des uns et des autres est totalement interchangeable. Quant aux bonnes âmes qui crient à l’horreur devant une France soudainement devenue raciste, xénophobe et nationaliste, elles ont un peu le cerveau engourdi et oublient les politiques menées depuis bien des années, et encore aujourd’hui, au service de ces trois concepts justement. Ces résultats, au niveau du Parlement Européen, ne changent pas réellement la donne. On retrouvera une alliance circonstancielle des capitalistes pour gérer le marché européen et faire fi de toutes les velléités politiciennes. La démocratie représentative tolère des pouvoirs inamovibles, la centralisation du pouvoir de décision et s’accommode d’élections faussées par un état de guerre permanent, dès l’instant que les apparences sont sauves.

Les électeurs-trices, lors de ces élections, auraient, nous dit-on, exprimé leur colère. Certes, la colère est bien là, qui se traduit par des luttes sociales très déterminées mais essentiellement défensives, localisées et éclatées. Il est clair que, à l’heure actuelle, cette colère n’a pas trouvé les moyens d’une expression capable d’ouvrir des brèches dans la mise en scène pacifiée de la conflictualité sociale. Pour inverser le rapport de force, c’est à dire mettre la bourgeoisie sur la défensive, la résistance aux contreréformes en cours et aux conséquences de la crise ne peut qu’être collective, prolongée et ne doit être déléguée à personne. Transformer en rébellion les colères sourdes des invisibles et des laissés pour compte, transformer les révoltes individuelles en mouvements collectifs d’insubordination et de lutte, ouverts, vivants, dépassant les frontières, auto-organisés depuis la base, c’est bien par là qu’il faut continuer à agir.

“Voter, ne pas voter, c’est pareil. (…) Quoi qu’on fasse à ce sujet, on n’aura rien fait si l’on ne lutte en même temps, cela veut dire dès aujourd’hui, contre le système de la démocratie indirecte qui nous réduit délibérément à l’impuissance, en tentant, chacun selon ses ressources, d’organiser le vaste mouvement antihiérarchique qui conteste partout les institutions.” *

CJ du Sud-Ouest,
30 mai 2014

*Les citations sont tirées du texte de Jean-Paul Sartre intitulé « Elections, piège à cons » paru dans la revue Les Temps Modernes, janvier 1973

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