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CA 238 mars 2014

Les anti-aéroport en force !

mercredi 26 mars 2014, par ocl-lyon

Le 22 février, le mouvement d’opposition au projet de Notre-Dame-des-Landes a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les rues de Nantes.


Si tu ne vas pas à la ZAD, la ZAD ira à toi !...

Au cours de l’automne les partisans du projet ont mené une offensive de communication avec de nombreuses déclarations, affirmant haut et fort que les travaux étaient imminents, se réjouissant de balayer les obscures et ineptes récalcitrant-e-s au futur bonheur associé à leur projet... Le préfet, bien dressé, signait même l’autorisation des travaux le 21 décembre, méprisant tous les arguments de l’opposition. En réponse à cette pratique du fait accompli, des recours suspensifs ont été déposés et la manifestation du 22 février s’est préparée, provoquant en retour une effervescence générale qui indiquait la force probable de la mobilisation. Dés la mi-janvier la réunion des comités locaux faisait le plein et les affiches partaient comme des petits pains. On n’a pas été déçu ! Et le préfet non plus : son offensive de communication de l’automne a fait chou-blanc !

Le 22 février, les milieux agricoles se sont déplacés en masse à Nantes avec notamment 520 tracteurs venus de Loire Atlantique et des départements limitrophes : la précédente mobilisation nantaise, le 24 mars 2012, en avait rassemblé près de 200. Ce qui prouve s’il le fallait que le mouvement prend toujours plus d’ampleur. Mieux, un sondage IFOP révélait le jour même que 56 % de la population hexagonale est contre l’aéroport, 20 % ne se prononçant pas et 24 % pour. Pour nos politicien-ne-s toujours friand-e-s de sondages, la révélation d’une telle opinion allait les rendre fébriles au moment où leur côte de popularité hésite entre le Titanic de l’abstention et le radeau de la Méduse...

Les différents collectifs de soutien à la lutte anti-aéroport et les individus se sont impliqués dans l’initiative du 22, en préparant de multiples chars et masques de carnaval, banderoles et pancartes pour animer le cortège et en y apportant leurs propres revendications. Ces messages affichés indiquaient un élargissement des préoccupations au-delà du strict combat de Notre Dame des Landes ; notamment s’exprimait une solidarité avec d’autres luttes contre des projets d’infrastructure (les No TAV du projet de tunnel ferroviaire Lyon-Turin) mais aussi une critique globale qui reliait le projet de l’aéroport et l’organisation de la société dans son ensemble et qui s’affichait bien au-delà du petit cortège anticapitaliste que nous avions constitué (cf texte de l’appel dans CA n° 237).

Un esprit combatif

L’ambiance festive était aussi combative : les différentes « animations » qui se déroulèrent dés les premiers mètres du cortège reçurent l’approbation d’une large majorité de personnes présentes, que ce soient les tags, pochoirs et autres peinturlurages de façades ciblées (mairie, Vinci Immobilier, agence du Voyage à Nantes,...) ou bien des actions plus « relevées » comme le saccage de l’agence Vinci, l’incendie d’une foreuse et d’une pelleteuse d’un chantier Vinci, judicieusement laissés à portée du cortège (?). Exceptés quelques spectateurs indignés, ces cibles bien choisies permettaient à chacun-e de s’exprimer selon ses possibilités et satisfaisaient largement les rangs des manifestant-e-s, qui ne se débandèrent pas lors des charges et grenadages divers qui suivirent. Cette détermination des manifestant-e-s est nécessaire pour affirmer la résolution des opposant-e-s à ne pas faiblir devant les manoeuvres de l’Etat et pour ne pas se contenter de compter sur les manoeuvres institutionnelles. La journée se termina de façon un peu hachée, entre différents bouts du cortège gazés ou aventurés dans un parcours improbable sur l’Île de Nantes. Vraisemblablement les 40 000 participants furent atteints mais il n’y avait que l’hélicoptère des flics qui disposait d’un tableau d’ensemble...

Cette manifestation était clairement affichée à gauche, appuyée horizontalement sur des collectifs locaux très présents, avec des partis EELV et PG et des syndicats de la Confédération Paysanne discrets. Elle a réoccupé la rue contre un projet fortement associé au Parti Socialiste, projet soutenu quelques jours plus tôt par le patronat breton du Club des Trente (Bolloré, Pinault, Leclerc, Roché, patron d’Intermarché,...) ! Comme une réponse aux mobilisations des cathos et réacs de tous poils de la Manif pour tous ou du Jour de colère, fin janvier et début février, la manifestation anti aéroport a ouvert dans la ville du premier ministre un espace antagonique où pouvaient se traduire la colère et la révolte contre cette société du TINA (There Is No Alternative) si chère à Thatcher et tellement intériorisée par la gauche française institutionnelle et productiviste.

La préfecture et les médias à la manoeuvre

Dans cette lutte de longue haleine, les porteurs du projet n’allaient pas s’avouer vaincus aussi facilement. Le dispositif policier de près de 1 500 policiers a interdit le centre-ville commerçant avec de très nombreuses grilles anti-émeute barrant le parcours initialement prévu. Ensuite il n’a pas fallu beaucoup d’efforts aux policiers pour fixer un point de confrontation central, comme un espace dédié - sans trop d’objectifs à détruire, bien filmé - et disposé de telle façon qu’il coupait le flot des manifestant-e-s, empêchant un regroupement final tardif... qui pouvait souligner la réussite de la mobilisation. Disposant d’un véritable arsenal dont des canons à eau, les flics repoussèrent peu à peu les manifestant-e-s les plus hardi-e-s jusqu’à la fin de la journée.

La préfecture, le ministère de l’intérieur, le maire, l’incroyable président de région... et même Ayrault tentèrent alors d’escamoter l’ampleur et le sens de la mobilisation, en focalisant sur les "débordements", la responsabilité des structures organisatrices du défilé pour la casse occasionnée et enfin l’ambiguïté de la présence simultanée de l’état-major d’un parti gouvernemental dans la rue. Cette avalanche médiatique escamotait littéralement l’ampleur, l’intensité et le sens de la mobilisation, dissimulant même les 20 blessés hospitalisés côté manifestants, dont trois graves. La casse d’une vitrine est apparemment plus importante qu’un oeil crevé, pour les directeurs de rédactions. Pour l’Etat et le PS, il ne fallait surtout pas en tirer les conséquences logiques qui s’imposaient : l’abandon pur et simple d’un projet dénoncé comme une aberration. Valls, marchant dans les pas d’Alliot-Marie, exhumait même l’ultra-gauche et les black blocs venus de l’étranger... (ce qui est assez croquignolet, au moment où l’Etat célèbre la mémoire de l’affiche rouge et de la MOÏ).

Les porteurs de projet tentaient alors de porter une pression maximum sur les porte-paroles et représentants de la coordination, toujours pour tenter de diviser le mouvement. Les dégradations somme toute limitées à une dizaine de boutiques, du mobilier urbain et des aubettes de bus (il faut savoir qu’il en tombe tous les jours 4 ou 5 sur l’ensemble de la métropole...) et du pavage des lignes de tram se transformaient alors en un "saccage du centre-ville, dévasté".Cela ne portait pas ses fruits. En effet le communiqué de presse du dimanche par l’organisation de la manifestation, visible sur le site de la ZAD, refusait toute dissociation et assumait la diversité des tactiques et pratiques du mouvement. Le maire annonçait lundi qu’il portait plainte, que les dégâts ne montaient plus à 300 000 mais au moins un million d’euros, qu’il encourageait tout un chacun à déposer une plainte contre les organisateurs... Face aux clichés impressionnants des blessures des manifestant-e-s circulant sur le net, les flics se découvraient 130 blessés contusionnés et huit hospitalisés. Le bruit médiatique était tel que certaines structures anti-aéroport finissaient par lâcher des communiqués hasardeux pour se dégager de la pression exercée : la faute aux policiers qui ont laissé faire, la faute aux jeunes de banlieue qui sont venus pour casser, la faute à 200 casseurs qui les auraient pris en otage... Ces composantes anti-aéroport devraient pourtant reconnaître que ce n’est pas en faisant le dos rond que l’on fait reculer l’Etat, mais en frappant du poing sur la table, surtout quand on a 56 % de la population derrière soi, quand on mobilise plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la rue et quand la résistance sur le terrain a démontré qu’elle s’arc-bouterait s’il fallait de nouveau le faire. Les comités locaux de soutien à la lutte de Notre Dame des Landes ont heureusement gardé la tête froide et ont co-signé un communiqué de presse replaçant les vrais enjeux après une telle mobilisation (cf ci-contre l’encart avec le communiqué et la liste des 26 comités signataires).

Quelle perspective possible ?

Derrière le battage médiatique autour de la soi-disant violence démesurée déployée samedi à Nantes par les opposant-e-s à l’aéroport, les acteurs politiques comme Auxiette ou préfectoraux comme Lapouse demandent instamment un coup de force contre l’occupation de la ZAD. Mais cette décision hasardeuse pourrait très bien se retourner contre ses initiateurs en cas de pépin et envoyer à la retraite anticipée un premier ministre qui est au plus bas pour sa côte de popularité et plomber un peu plus un président qui vient de voir le chômage augmenter pour le troisième mois consécutif.

Il semble plus probable qu’une autre perspective s’impose comme l’évoquait le chef du groupe EELV au Sénat, J-F Placé. Dans le cadre d’un remaniement ministériel de plus en plus probable avec un gouvernement resserré, un grand ministère de l’environnement élargi, qui gérerait les transports, confié à Ségolène Royal avec un secrétariat d’Etat pour Placé, pourrait renégocier par le haut l’abandon du projet de Notre Dame des Landes, en échange de projets EPR sur des vieux sites nucléaires ; cela ne déplairait sûrement pas aux Verts (qui ont accepté le lancement de l’EPR au Conseil Régional de Normandie en 2003), au lobby du BTP et à Vinci ; cela irait dans le sens de la diminution des gaz à effet de serre et sortirait la Basse Loire d’une situation devenue inextricable...

Nantes, jeudi 27 février.

ENCART 1

COMMUNIQUE DE PRESSE INTER-COMITES DE SOUTIEN A LA LUTTE DE NDDL SUITE A LA MANIF DU 22/02/2014

Nous, comités de soutien à la lutte de Nddl de toute la France et de plus loin encore, soutenons pleinement la position exprimée dans le communiqué de presse du dimanche 23 février des organisateurs/trices de la manifestation du samedi 22 février 2014 à Nantes (cf le site de la ZAD).

Nous tenons à souligner l’incontestable succès de ce rassemblement et notre plaisir à y avoir participé.

Une manif populaire, puissante, digne. C’est une convergence forte à souligner entre urbains et monde agricole !

Nous sommes d’autant plus regonflé.es et motivé.es pour les suites de la mobilisation que cette journée de manifestation a permis un moment de retrouvailles et d’échange et nous a permis de prendre la mesure de nos forces et de nos soutiens.

Et d’autant plus convaincu.es qu’au vu de la mobilisation qui ne cesse de s’élargir année après année, l’arrêt du projet ne saurait être qu’inéluctable, malgré la propagande qui voudrait nous faire croire le contraire.
Cette manifestation comme les luttes auxquelles nous participons ici et là contre les grands et petits projets nuisibles imposés nous apprend ou nous confirme d’où vient la violence réelle et comment elle est instrumentalisée par les puissants- industriels, financiers, gouvernementaux et média-s.

Nous déplorons la présence policière excessive dans les rues de Nantes ce samedi 22 et nous apportons tout notre soutien à celles et ceux d’entre nous qui ont été blessé.es au cours des interventions des forces de l’ordre.
Nous ne nous laisserons pas tromper. Nous sommes et resterons uni.es.

Les comités de soutien continueront les actions visant à informer le public des enjeux de la défense de la Zad et envisageront, en fonction de l’évolution de la situation, les actions nécessaires d’opposition au projet d’aéroport. En cas d’intervention sur la Zad, les comités rappellent qu’ils se tiennent notamment prêts à répondre à l’appel lancé par les opposants : venir en renfort sur place, bloquer Vinci, ses alliés et ses sous-traitants par tous les moyens jugés nécessaires et occuper les lieux de pouvoir là où ils sont.

Résistance !

Mercredi 26 février 2014

Comités Signataires au 26 février 2014 :
Comité NDDL 18 (Bourges)
Collectif Alsace NDDL
Comité NDDL 4B16
Collectif NDDL Centre Finistère
Comité NDDL - Plateau de Saclay
Comité de Troyes (Aube, 10, Champagne)
Comité Régional Nord-Pas de Calais
Collectif de solidarité ZAD Rouen-NDDL
Comité NDDL Pleudaniel, Côtes d’Armor
Comité bigouden
Comité de soutien Challans Nord Ouest Vendée (85)
Comité NDDL 92 sud
CNCA (Collectif Nantais Contre l’Aéroport)
Comite de Lisieux (14)
Collectif de Nîmes (30)
Collectif Nddl Beauvais (60)
Comité NDDL Challans (85)
Comité Nort Nozay (44)
Comité du Comminges (sud de la Haute-Garonne 31)
Collectif IDF
Collectif NDDL de Quimper Cornouaille (29)
Comité NDDL Saint-Malo (35)
Collectif de l’Université de Nantes Contre l’Aéroport (CUNCA)
Comité de soutien 79 aux opposants à l’aéroport de NDDL
Comité poitevin NDDL
Comité NDDL St Brieuc (22)

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