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Italie, 22 février 2014

Des manifestations dans tout le pays en solidarité avec le mouvement No-TAV

dimanche 23 février 2014, par WXYZ

Le 22 février, en écho à la manifestation de Nantes contre le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes, de l’autre côté des Alpes, ils et elles étaient des milliers dans les rues italiennes en solidarité avec le mouvement No-TAV et en défense du territoire contre les saccages du développement capitaliste.

Un compte rendu et une lettre ouverte des familles de 4 inculpés et détenus du mouvement No-TAV.


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Hasta siempre : rues NoTav vs inquisiteurs démokratiques !

Une journée extraordinaire de lutte et de mobilisation a traversé le pays pour dire non à la criminalisation des luttes sociales , demander la libération immédiate de Chiara, Claudio, Niccolò et Mattia et des autres camarades du mouvement NoTAV encore maintenus aux arrêts domiciliaires, mais aussi des autres mouvements frappés au cours des dernières semaines par des opérations judiciaires on ne peut plus ‟créatives”, comme le mouvement de la lutte pour le logement de Rome et les Precari Bros de Naples.

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« Terrorisme », « vol », « extorsion »... la langue fourchue du Pouvoir défigure le langage pour légitimer et poursuivre la dévastation des territoires. Les milliers de personnes qui sont descendues dans les rues aujourd’hui ont montré qu’une partie importante du pays n’accepte pas d’être mise au coin et que l’on parle pour elle. Ainsi les engagements de responsabilité pris par les 3000 manifestants à Chiomonte qui ont crié « nous sommes tous des terroristes », avec un Alberto Perino expliquant à un opérateur stupide de la RAI la différence qui existe entre « terrorisme » et « sabotage ». La voix off de service du Tg3 [journal TV de la Rai3] doit admettre que ni à Chiomonte ni à Turin personne n’est disposé à prendre ses distances avec ce que nous percevons tou*s comme des actes de résistance légitime.

À Turin, la plus grande manifestation : 5000 personnes ont traversé les rues du centre, escortées par un énorme déploiement de troupes anti-émeute mobilisées pour empêcher que le cortège atteigne des objectifs considérés comme sensibles : la gare ferroviaire de Porta Nuova et le siège de LTF (Lyon Turin Ferroviaire). La presse locale a cherché à minimiser et parle de 2000 personnes à Chiomonte et d’un millier à Turin (alors que quand la tête du cortège tournait dans la via Madama Cristina, la queue était encore à la Piazza Castello). Le problème est clairement politique : ils ne peuvent pas admettre qu’aujourd’hui le mouvement No TAV mobilise mieux et plus que n’importe quel parti politique ou syndicat dans la ville de Chiamparino [ancien maire, figure du Parti démocrate, ex-PCI] et d’Agnelli [lignée des patrons historiques de FIAT].

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Ce qui frappait surtout, c’était l’hétérogénéité de la composition : mères avec des poussettes, jeunes, vieux, appartenances multiples et francs-tireurs, hommes et femmes conscients qu’autour de cette partie, ce qui est en jeu est un peu plus qu’un trou dans une montagne. Et bien conscients qu’avec toute le processus répressif contre Niccolò, Mattia et Claudio se joue aussi un peu la possibilité future pour tous et toutes de continuer à se battre pour un avenir meilleur et une vie digne d’être vécue.

A Pozzolo, Val Scrivia, 500 personnes du front contre le TAV Terzo Valico [troisième tracé, Gènes-Milan] ont arraché la clôture du chantier de construction. Plusieurs centaines d’autres relayaient le message sur une place de Gênes.

À Modène, sont descendus dans la rue les comités qui luttent contre la gestion par le PD de l’après-tremblement de terre, à Mestre, ils ont fait une opération péage gratuit, autant de façons de dénoncer le gaspillage de l’argent public et indiquer des formes de résistance à la crise.

Les manifestations ont été nombreuses et avec beaucoup de participants dans toute l’Italie. A Rome, la grande journée de solidarité s’est mélangé avec le souvenir de l’antifasciste Valerio Verbano[1] et de sa mère, précieuse gardienne de la mémoire sociale antifasciste de la ville de Rome. Des milliers de personnes ont traversé le quartier de Tufello. Beaucoup de monde aussi à Naples, pour réaffirmer la plus complète et totale solidarité avec les dix chômeurs arrêtés la semaine dernière.

Des centaines de personnes à Milan, dans un cortège qui s’est terminée aux portes de l’Expo, en visant les banques et les grilles qui clôturent la plus grande zone séquestrée d’Italie pour garantir les nouveaux gaspillages qui vont s’abattre sur les territoires et les fonds publics. Plus de 300 personnes à Pise dans un cortège qui reliait la solidarité à la vallée de Susa avec la bataille locale pour le revenu et de la dignité ; autant à Florence. Plus de 500 à Caltanissetta (Sicile) dans un cortège organisé par No MUOS ; des centaines de même à Bari, Brescia, Livourne, dans la province du Piémont, en Vénétie et en Toscane.

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Nous ne pouvons pas encore faire une estimation précise et globale de toutes les initiatives mais nous savons qu’elles ont été nombreuses et ont connu une importante participation. A toutes ces personnes – nous sommes prêts à parier – Renzi a bien peu à vendre !

Aujourd’hui a été une généreuse journée de lutte. C’est de bon augure dans la perspective du 15 mars, quand il s’agira de réaffirmer la légitimité des luttes sociales et la nécessité de défendre toutes les personnes poursuivies du 15 octobre 2011 [2].

Mais la perspective de cette bataille, comme le montre le mouvement No-TAV depuis quelque temps maintenant, transcende les frontières nationales et sème vraiment les graines d’une future Europe des luttes encore à construire. Alors que nous terminons ces lignes, nous apprenons qu’une marche de solidarité a également eu lieu à Athènes et qu’à Notre-Dame-des-Landes, la police a lancé des gaz lacrymogène et utilisé des canons à eau contre les manifestants et zadistes qui s’approchaient de la zone rouge, dans ce qui s’annonçait depuis longtemps comme une grande manifestation contre la méga-aéroport pour les riches.

Nous ne savons pas combien de temps cela durera, nous savons que ce sera dur, mais après des journées comme celle d’aujourd’hui, nous savons très bien aussi que ce mouvement, et tous ceux qui marchent à ses côtés, ne lâcheront jamais et ne s’arrêteront pas de se mettre en travers pour empêcher la destruction des territoires et la mise aux enchères de nos vies.

Hasta siempre NoTav !

(infoaut)
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Notes de la traduction :

[1] Valerio Verbano, militant lycéen de l’autonomie ouvrière romaine (et du comité de lutte du quartier Valmelaina), a été assassiné à son domicile le 22 février 1980, à l’âge de 19 ans, dans une embuscade tendue par trois assaillants d’extrême-droite. Ceux-ci, avant de l’abattre d’une balle de calibre .38, avaient ligoté et bâillonné ses parents en attendant qu’il rentre du lycée. Trente ans de procédures n’ont pas réussi à faire éclater la vérité judiciairement. Sa mère, Carla, qui s’est battu toutes ces années, est décédée le 5 juin 2012.
[2] La plus grande manifestation de ces dernières années à Rome, une marée humaine de 200 000 personnes, dans le cadre d’une journée internationale des Indignés, Occupy, contre l’austérité, la précarité, la chasse aux migrants, etc... Beaucoup de monde donc et une grande diversité, mais aussi beaucoup d’affrontements avec la police, des locaux du gouvernement pris d’assaut : la plus grande journée d’affrontements de rue contre la police depuis 10 ans en Italie (Gènes juillet 2001). Pour beaucoup, une date qui marque un tournant. Plus de 130 blessés, un lynchage médiatique en règle, une campagne de criminalisation de grande ampleur de la part de toutes les forces institutionnelles, des mois et des années de prison pour les manifestants arrêtés. La Cour d’appel vient, le 7 février 2014, de confirmer, à une exception près, la plupart des peines de prison du procès de première instance.


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Appel des familles de Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò

Communiqué (20 février 2014)

En tant que membres des familles des NoTAV arrêtés sur des accusations absurdes de terrorisme, nous sommes stupéfaits par la tentative ridicule de relier nos proches avec la lutte armée d’un inconnu et mystérieux NOA [“Nuclei Operativi Armati”]. Nous ne pouvons pas ne pas souligner l’incroyable coïncidence avec laquelle cette déclaration délirante a été envoyée à l’agence ANSA le jour même où débutait une campagne contre le harcèlement que les quatre arrêtés subissent en prison et à la veille de la manifestation nationale le 22 février contre les arrestations pour terrorisme. Évidemment cela dérangeait quelqu’un.

En tant que familles, nous réaffirmons combien pour nous et nos proches, ce que nous partageons dans notre lettre publique ci-joint : pour nous, la vie est une valeur fondamentale et inaliénable. Nous rejetons fermement toute tentative, même si elle est grossière, d’instrumentaliser la condition de nos proches ou de rouvrir la triste saison de la stratégie de la tension.

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Appel

11 février 2014

Les membres des familles de Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò

Au cours de ces dernières semaines, vous avez entendu parler d’elles. Ce sont les personnes arrêtées 9 décembre sous l’accusation, qui demeure toute à démontrer, d’avoir mené un assaut contre le chantier du Tav de Chiomonte. Au cours de cet assaut, un compresseur a été endommagé, il n’y a peu eu un seul blessé. Mais ils sont accusés de terrorisme parce que « dans ce contexte » et avec leurs actions présumées « ils auraient pu » semer la panique dans la population et provoqué de graves dommages au pays. Lesquels ? Un dommage à l’image. Nous répétons : contre l’image. L’accusation se base sur le potentiel de ces comportements, mais, comme dans notre système juridique le délit de terrorisme involontaire n’existe pas, l’accusation de terrorisme est réelle et volontaire. Celui, pour rendre les choses plus claires, qui nous revient spontanément tous en mémoire : les massacres des années 1970 et 80, les bombes dans les trains et dans les rues et, plus récemment, dans les aéroports, les métros, les gratte-ciels. Terrorisme contre des personnes ignorantes et sans méfiance, qui tuait, qui, exactement, terrorisait toute la population. Au contraire, nos enfants, frères, sœurs, ont toujours eu le respect de la vie des autres. Ce sont des personnes généreuses, ils ont des idées, ils veulent un monde meilleur et se battent pour cela. Ils ont lutté contre toutes les formes de racisme, en dénonçant les horreurs des centre de détention pour étrangers (CIE), contre lesquels on s’indigne maintenant, bien avant que la presse et l’opinion publique ne les découvrent. Ils ont créé des espaces et des moments de confrontation et de débat. Ils ont choisi de défendre la vie d’un territoire, pas de terroriser sa population. Tous les Valsusins vous le diront, comme ils continuent de le faire par le biais de leurs sites web. Et comment cette population-là pourrait-elle être terrifiée ? Et en quoi un compresseur incendié peut-il créer un préjudice grave pour le pays ?

Les personnes arrêtées sont en train de payer pour un pays en crise de crédibilité. Et alors voilà, c’est ainsi qu’ils deviennent tout à coup des terroristes pour un dégât à son image avec les mêmes peines, très lourdes, que pour ceux qui ont tué, pour ceux qui veulent tuer. C’est une évolution inacceptable dans une démocratie. Si cette thèse l’emportait, à partir de demain, toute personne qui contestera une décision prise en haut-lieu pourra être accusée de la même chose parce que, en théorie, il pourrait mettre le pays sous un mauvais jour, il pourrait être accusé de causer, potentiellement, un préjudice à son image. C’est la liberté de tous ce qui est en danger. Et cette liberté ne doit pas être comprise comme acquise.

Pour le délit de terrorisme, les arrêts domiciliaires ne sont pas prévus, mais la détention en régime de haute sécurité qui consiste à l’isolement, deux heures de promenade par jour, quatre heures de parloir par mois. Les lettres sont toutes contrôlées, envoyées au bureau de procureur, enregistrées et jointes au dossier. Le courrier leur arrive et nous arrive avec une extrême lenteur, ou n’arrive pas du tout. Ils ont été transférés dans une autre prison de haute sécurité, loin de leurs villes de résidence. Une distance qui les sépare encore davantage de l’affection de leurs familles et de leurs proches, avec des vexations supplémentaires incompréhensibles telles que la suspension des parloirs, l’interdiction de se rencontrer, et dans certains cas, l’isolement total. Tout cela avant même le procès, parce qu’ils sont ‟dangereux” selon l’interprétation judiciaire qui n’est étayée par aucun fait.

Cette lettre est adressée :

Aux journaux, aux TV, aux mass-médias, pour qu’ils retrouvent leur devoir d’informer, pour qu’ils évaluent tous les aspects, pour qu’ils trouvent le courage de s’indigner devant le paradoxe d’une personne qui risque une condamnation très dure, non pas pour avoir tué quelqu’un, mais parce que, selon l’accusation, il aurait endommagé une machine ou aurait été présent au moment des faits.

Aux intellectuels, pour qu’ils fassent entendre leur voix. Pour qu’ils agissent avant que notre pays devienne un lieu invivable où ceux qui s’opposent, ceux qui pensent que grand chantier doit servir les citoyens et pas à ramasser quelques pièces de monnaie de l’Union européenne, soient considérés comme une richesse et non comme des terroristes.

A la société dans son ensemble et en particulier aux familles comme les nôtres qui, avec beaucoup de préoccupation et d’efforts, élèvent leurs enfants dans ce pays, en leur apprenant à ne pas détourner le regard, à rester proche de qui est dans le juste et qui a besoin de nous.

Merci

Les membres des familles de Chiara, Claudio, Mattia et Niccolò


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[ Traductions : XYZ / OCLibertaire ]

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