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CA n° 232, été 2013 (articles en ligne)

extrême gauche/antifascisme... Ainsi front front front

dimanche 21 juillet 2013, par admi2


extrême gauche/antifascisme Ainsi front front front

Rarement les frontières entre les différents partis ou chapelles d’extrême gauche (ou à la gauche de la gauche) auront été aussi poreuses que ces dernières années.

Il y a celles et ceux qui quittent (le NPA ou les Verts, par exemple) ou déplacent (les Alternatifs, la gauche anticapitaliste…) leur organisation vers le Front de Gauche car ils y voient le seul pôle crédible d’opposition au pouvoir et à la bourgeoisie. Ou bien qui quittent le Parti de Gauche tout en restant au FdG, qui filent chez les Verts ou retournent au PS jugeant Mélenchon trop sectaire. D’autres, qui résistent à la force d’attraction du cartel Mélanchonien et tentent de constituer un autre pôle plus à gauche, théoriquement moins attiré par l’union de la gauche.

Front de gauche

Evidemment ce rôle de pivot joué par le FdG indique un sacré recul pour les tendances révolutionnaires amenées à se déterminer vis-à-vis d’un tribun médiatique et à défiler pour la VIe République au milieu d’une forêt de drapeaux tricolores et de bonnets phrygiens !

Le NPA lui-même, « épuré », passé de 7/8 000 membres à moins de 2 000 s’est trouvé dans ce cas de figure, même si il tente par ailleurs des rapprochements avec d’autres organisations plus petites et moins « républicaines », y compris libertaires.

Ces va-et-vient ne se basent généralement pas sur de grands débats idéologiques de fond, tant les différences entre toutes ces formations sont, en définitive assez minces de ce point de vue là. On ne s’y empaille guère sur des analyses du capitalisme actuel, sur le sens de la montée des luttes dans le monde ni sur leurs caractéristiques, tant les grilles de lecture utilisées sont assez semblables et très conventionnelles. On pourrait alors penser que ces glissements proviennent d’une baisse du sectarisme (chaque reclassement est toujours fait au nom de l’union) et, en tous cas, du déclin de l’esprit de chapelle qui a toujours caractérisé le champ partidaire du mouvement ouvrier et sont le résultat de situations locales ou de parcours personnels. C’est en partie vrai mais ce n’est pas là l’essentiel.

Tout tourne en fait et au bout du compte à une seule et unique question : à quel moment faudra-t-il se rallier au PS et dans quelles conditions ? En effet, comme à chaque fois, tous appelleront (y compris certains libertaires) à un moment donné à s’y rallier quelque soit le formule adoptée : « en se bouchant le nez », « du bout des lèvres » ou « satisfaits de l’accord », « au premier ou au second tour », « en le faisant sans appeler » ou, comble d’hypocrisie, en appelant à faire barrage à l’un des deux candidats sans appeler à voter pour l’autre. Par exemple, fin mai 2013 les alternatifs, dans une résolution concernant les municipales de 2014, déclarent qu’ils appelleront au deuxième tour « à faire barrage à la droite et l’extrême droite ». Ils ajoutent : « Les Alternatifs ne participeront pas aux exécutifs dirigés par le PS sauf à obtenir la garantie de leur indépendance », sans bien sûr préciser en quoi consisteraient ces garanties… toutes les portes restent ouvertes et c’est bien là le sens de leur ralliement au FdG.

En fait pour les nouveaux entrants au Fdg il s’agit d’aller au plus vite vers la constitution en son sein d’un nouveau parti, une « gauche alternative » qui regrouperait les Alternatifs, la Gauche anticapitaliste, une partie de la gauche unitaire, la FASE et convergence et alternative… si tout va bien dans les prochains mois. Il s’agit de rééquilibrer le Front de gauche avec un troisième larron en sortant de l’hégémonie des deux poids lourds, que sont le PC et le PG.

Evidemment, dans le choix des tactiques possibles pour conduire à ce résultat compte avant tout le maintient ou la conquête de postes d’élus : députés, conseillers généraux, maires, conseillers municipaux, etc. Mais pas seulement. Entre également en ligne de compte l’intérêt de l’organisation ou du courant à perdurer et se mieux situer à côté de ses concurrents/amis. Non pas l’intérêt de la classe ouvrière, du prolétariat, des salariés, des opprimés mais l’intérêt du groupe aussi petit soit-il. Ce qui, dans leur tête, n’est sans doute pas contradictoire puisque l’intérêt de l’organisation politique se confond avec celui des exploités. Et c’est finalement ça qui nous sépare le plus de cette aire politique.

Front anticapitaliste

Plus à gauche c’est le concept de front anticapitaliste qui réapparaît.
La critique du capitalisme, le grand absent de la scène politique depuis quelques dizaines d’années, réapparaît petit à petit. Le mot n’est plus obscène et c’est tant mieux. Le NPA, allégé de plusieurs milliers de militants, ne peut plus, à lui tout seul, ambitionner de constituer un pôle concurrentiel au FdG et il se doit de trouver des alliés pour tenter de le constituer. Pourtant, il n’écarte pas totalement une possible alliance avec le FdG, en témoigne la phraséologie issue de son dernier congrès qui, sur la question de l’unité avance l’idée d’une « opposition de gauche » qui laisse ouverte toutes les interprétations.

L’idée d’un front anticapitaliste avancée par l’Alternative Libertaire (AL), entre autres, a rencontré quelques échos au sein du NPA, et en effet cela peut être une bonne idée, mais à condition de ne pas se réduire à un cartel comme cela a été le cas jusque là. Plusieurs réunions publiques ont eu lieu, à Nantes, à Agen, à Toulouse, à Marseille et dans l’est avec parfois la CNT et Voie prolétarienne. Mais à chaque fois le nombre de présents ne dépassait pas réellement le total des adhérents de chaque organisation. On se trouve là encore dans une figure de survalorisation du rôle des organisations politiques.
Si l’idée de front anticapitaliste est plutôt bienvenu dans le contexte actuel (encore que le mot même de front soit sujet à discussion), plutôt que constitué d’un cartel d’organisations il serait préférable qu’il se constitue DANS les structures vivantes des mouvements sociaux et non à côté. L’enjeu n’étant pas de proclamer l’anticapitalisme comme idéologie séparée, mais de chercher comment il peut s’articuler avec des combats bien réels menés de manière beaucoup plus large que la simple addition d’organisations. Autrement dit que l’anticapitalisme se décline en orientations stratégiques et tactiques dans les structures (comités, AG, coordination…) nées des luttes elles-mêmes auxquelles participent intimement les anticapitalistes et mises en place à la base directement par les acteurs qui mènent cette lutte. Des structures dans lesquelles différentes possibilités d’orientation doivent être proposées et débattues. Cela signifie d’y être clairs quant à notre opposition aux tendances procapitalistes sans pour autant briser l’unité, si elle existe. Ça s’appelait la démocratie ouvrière et ce n’est pas simple soyons-en certains. Il s’agit en somme de donner un contenu palpable et utilisable à ce qui ne doit pas rester une simple posture idéologique.

Front antifasciste

Nous signalions une certaine réticence vis-à-vis du terme « Front » dans la mesure où il a très souvient signifié l’alliance de la carpe et du lapin qui reflète en définitive une alliance de classe… au profit de la bourgeoisie. Or les derniers événements n’ont pas clarifié la chose ! bien au contraire.
On reparle maintenant de front antifasciste. Faudra-t-il en créer à côté des fronts anticapitalistes et pourquoi pas des fronts antisexistes ou contre la vie chère ?

Dans un texte à propos de l’activité des groupes fascistes, Voie prolétarienne pose assez clairement le problème et les contradictions que peuvent entraîner ces fronts appelés à juste titre « républicains » : « nous ne considérons pas que l’activité de ces groupes témoigne d’un “danger fasciste” en France aujourd’hui. Contrairement aux années 30, c’est sous la bannière de la “démocratie” (PS tout comme UMP) que la bourgeoisie met en place des mesures d’exception : lois d’exception anti-terroristes, criminalisation de l’action syndicale (le PS a refusé l’amnistie), politique “d’immigration choisie”, expulsion des camps de Roms... Dans la lutte contre l’extrême-droite, il y a deux voies : Nous refusons celle qui nous enchaîne aux exploiteurs, à la France impérialiste, à la bourgeoisie qui nous opprime. Le PS n’est pas notre allié dans la lutte contre le fascisme. Aujourd’hui nous ne demandons pas à l’Etat de dissoudre les groupes d’extrême-droite. L’interdiction de ces organisations ne les fera en rien disparaître, mais laisserait croire que l’Etat protègerait la société, alors que ces mesures d’interdictions se retourneront contre nous dès que nous serons trop bruyants.
 Nous rejetons également le “front républicain”, qui ne sert qu’à nous forcer à nous allier avec les représentants politiques des exploiteurs » Voilà brièvement résumées des positions auxquelles les communistes libertaires et plus largement tout révolutionnaire pourrait/devrait souscrire !

Et pourtant il n’a pas fallu attendre très longtemps après le meurtre de Clément Méric pour que le traditionnel frontisme antifasciste reprenne le dessus et que certains groupes et organisations qui théoriquement rejettent tout front républicain s’y reprécipitent allègrement, comme en témoigne l’appel national aux manifestations du 23 juin auquel se sont associés des organisations gouvernementales qui mènent vis à vis des étrangers la politique raciste que l’on sait, aux côtés de groupes révolutionnaires qui, peu de jours auparavant, s’en prenaient à juste titre à la récupération. Si l’appel à la manifestation a été signé par une liste impressionnante de partis et associations mêlant « récupérateurs » et « récupérés » de la veille, sociaux libéraux bon teint et anticapitalistes proclamés, le résultat ne compensa pas le compromis ! Le nombre de manifestants n’aurait pas été moindre si chaque composante avait appelé et manifesté de son côté explicitement sur ses bases. Le « front » peut se faire dans la rue mais pas a minima et sur le papier. En fait ces longues listes de signataires indique tout simplement que l’on mesure un impact politique au nombre de coquilles souvent vides qui se signalent ce jour-là à seule fin d’exister médiatiquement en faisant partie du consensus. Illusion et inefficacité.

A Villeneuve sur Lot c’est ce même type de front, baptisé également « républicain » par la gauche, qui a été mis en avant pour « barrer la route au front national ». Un tour de passe-passe qui sera de plus en plus utilisé vu l’avenir radieux qui nous est promis dans des duels avec le FN, mais qui fonctionnera de moins en moins.

Car si nous critiquons l’antifascisme et l’anti-FN comme constituant premier d’une identité politique ce n’est pas par un purisme révolutionnaire dont nous n’avons pas grand chose à faire, mais parce que c’est doublement inefficace ! D’abord parce que cela obscurci totalement les causes et les racines de ce qu’on combat et qui se trouvent précisément dans le front (la politique gouvernementale, par exemple). Ensuite parce que l’union dans un front se fait toujours sur le plus petit dénominateur commun qui est celui des forces les moins hostiles à cet ennemi et qui haïssent tout autant l’« extrémisme de gauche » et saisiront la première occasion pour le montrer.

Ras les fronts !

JPD

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