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CA n° 231 juin 2013 (articles en ligne)

Remarques sur la grève des ouvrièr-es de PSA Aulnay

dimanche 16 juin 2013, par admi2


Remarques sur la grève des ouvrièr-es de PSA Aulnay (3ème partie)*

Mardi 21 mai, 7h du matin, devant les grilles de l’usine, c’est sous la pluie que se rassemblent les grévistes pour reprendre le travail ; pourtant l’ambiance n’est pas à la tristesse ; ça rigole et ça balance des vannes. Après la traditionnelle assemblée générale, la manifestation à l’intérieur des ateliers démarre, elle est dynamique et bruyante et lorsque nous quittons les camarades de l’usine, on ne voit pas vraiment comment le retour à la normale, c’est-à-dire au travail, pourrait s’effectuer.

Rien n’est fini...

Il est encore évidemment trop tôt pour tirer les conclusions de la grève, et il convient d’abord aux grévistes de tirer toutes les leçons de leur mobilisation. La fierté d’avoir tenu tête à Peugeot pendant quatre mois et d’avoir remis dans l’actualité la question sociale (et plus encore la question ouvrière), permet aux grévistes de rentrer sans honte mais cela ne peut effacer la sensation d’être passé à côté de quelque chose et de terminer avec un accord bancal (voir encadré).

En effet l’accord signé le vendredi 17 mai, qui annule les sanctions contre les ouvriers, est la preuve que la solidarité ça marche et que la lutte paye toujours. Mais cet accord ne règle cependant rien sur le fond, malgré l’auto satisfaction pénible du syndicat CGT et des militants de Lutte Ouvrière [1], c’est plutôt une simple étape dans un conflit qui continue.

Car la direction de PSA n’a pas attendu longtemps avant de reprendre la main, multipliant les déclarations avec l’annonce de la fermeture prochaine du site de Meudon, celle du passage à une seule équipe de travail dans l’usine d’ Aulnay à partir du 10 juin (et donc, de fait, de la baisse de la production de moitié), d’un plan de départ volontaire (700 au minimum) de l’usine de Poissy pour accueillir les salariés d’ Aulnay-sous-Bois, et enfin, avec le projet de la mise en place d’accords de compétitivité dès 2014, elle souhaite démontrer qui est et qui doit rester le maître.

Il est en effet fondamental pour le patronat de PSA de mettre fin à l’insubordination qu’a provoquée cette grève.
En proposant aux grévistes de partir avec un peu plus de fric elle espère ainsi se débarrasser des éléments les plus actifs et donc potentiellement subversifs.

...mais tout commence

Car la situation n’est pas totalement sous contrôle, les non grévistes ont pu constater l’intérêt de se mobiliser et pourraient à leur tour réclamer des conditions de départ améliorées ; mais plus que les coups de colère à venir, c’est l’expérience accumulée au cours de cette lutte que la direction doit craindre. Les liens, la fraternité, les rencontres et le plaisir suscités par ces quatre mois donnent la légitimité, le savoir faire et l’envie aux grévistes de poser des jalons pour les luttes à venir et pas seulement à PSA. La rupture qu’a constituée la grève dans le quotidien de ces travailleurs leur a permis d’accéder à un degré de conscience supérieur.

Il est remarquable de constater, lors des rencontres publiques de Lille et Toulouse [2], auxquelles nous avons pu contribuer, combien les grévistes avaient pris conscience que leur combat, tout individuel qu’il soit, concernait aussi l’ensemble des exploités et devait se propager à toute la société. Cette conscience de classe, elle s’exprime à travers l’indiscipline généralisée qui s’est répandue dans les ateliers (refus du port de l’uniforme, partie de football sur la place de grève, ouverture de l’usine aux soutiens extérieurs...) et c’est certainement à partir de ce commun partagé que quelque chose pourrait repartir.

Il faut pour cela que les camarades qui ont été aux avant-postes de la lutte agissent en ce sens de manière réfléchie et assumée, et construisent les outils de leur autonomie afin de ne pas subir et être les instruments d’opposition syndicale ou d’intérêts politiciens. C’est seulement à partir de ces conditions que pourra peut-être se construire cette convergence mille fois appelée mais jamais réalisée, pour donner une perspective à tous ceux qui subissent, isolés et dos au mur, la restructuration capitaliste en cours.
Nous saurons alors si la grève des travailleurs d’Aulnay était la première ou la dernière d’un cycle de lutte.

Jean Mouloud, 24 mai

* Articles précédents dans Courant Alternatif 228 et 229


Notes

[1] A ce titre, le débat qui a lieu à la fête traditionnelle de la dite organisation et la brochure analysant la lutte des ouvriers d’Aulnay en sont l’illustration parfaite. En présentant sa méthode, celle de « élites militantes qui, se renforçant, se multipliant, finissent par donner corps à la volonté gréviste », LO défend envers et contre tout l’orientation bolchévique et passe à notre avis à côté de ce qui a fait les contradictions de ce mouvement et donc de son intérêt (Quid de la production d’automobiles ? quid de la crise capitaliste ? quid de la stratégie de la lutte et des multiples revirements syndicaux ?).

[2] Organisé par des camarades solidaires (salut aux Bad Kids toulousains !), les deux réunions publiques, qui se sont déroulées dans les lieux occupés sans droit ni titre (des squats quoi !) de l’Insoumise à Lille et du CREA à Toulouse, ont donné lieu à des échanges particulièrement intéressants et chaleureux.

Encart

Le protocole d’accord

Voici ce que le protocole d’accord signé le 17 mai propose finalement pour l’ensemble des salariés concernés par le PSE :

La prime de licenciement supra-légale est augmentée de 6 mois à 12 mois. Les départs anticipés passent de 30 à 36 mois.
La prime de mutation est passée de 5000 € brut imposables à 5000 € net non imposables

Pour les grévistes :

Réintégration des 4 salariés licenciés. Réintégration fictive cependant, puisqu’ils sont obligatoirement intégrés dans le PSE, ils pourront bénéficier des mesures de celui-ci ou de la possibilité de reclassement à la RATP, SNCF ou ADP, mais pas dans le groupe PSA.

L’annulation des procédures de licenciement contre les délégués. L’annulation de toutes les poursuites pénales et disciplinaires.

Une indemnité forfaitaire supplémentaire pour ceux qui choisiraient de quitter l’entreprise avant le 31 mai 2013, aujourd’hui fixée à 20 000 euros supplémentaires.

Les journées de grève sont neutralisées pour le paiement des journées de chômage, du calcul de la prime de 13éme mois, les jours de congés payés, les jours fériés également, ce qui atténue fortement les pertes financières de la grève.

Mais tous ces acquis sont conditionnés à l’abandon des procédures de recours en justice individuelle (prudhommes) et collective (contestation du PSE par la CGT).

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