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Turquie

« Taksim partout ! »

D’une résistance locale acharnée à un mouvement général

samedi 8 juin 2013, par WXYZ

Le 27 mai, une cinquantaine d’écologistes et autres activistes protestant contre la gentrification d’Istanbul décident de planter des tentes et d’occuper jour et nuit l’un des rares espace vert du centre de la métropole turque pour dénoncer un projet d’urbanisation visant à transformer le parc Gezi en galerie marchande, habillée qui plus est dans le kitch sans limite d’une architecture reconstituant les baraquements d’une caserne militaire ottomane détruite en 1940...

Trois jours plus tard, l’intervention brutale des forces policières provoque une mobilisation sans précédent dans cette partie centrale d’Istanbul : des milliers de manifestants affluent de toutes parts pour défendre l’occupation des lieux et s’affrontent massivement à la police des heures durant, avec l’appui des habitants qui protègent, hébergent, soignent les émeutiers. Et pour une fois, la violence policière au lieu d’effrayer, provoque davantage de révolte, de mobilisation, de résistance.

Le lendemain de l’assaut policier, des rassemblements et manifestations éclatent dans plusieurs dizaines de villes et à Istanbul même la police doit reculer et céder le terrain aux manifestants.

Le parc Gezi et la célèbre place Taksim toute proche deviennent un espace de rassemblement, d’occupation permanente, de "zone libérée" et auto-organisée, entourée de dizaines de barricades. Les affrontements avec la police se déplacent ailleurs dans la cité, notamment à proximité du siège du Premier ministre et dans les autres villes où l’occupation des places se heurte systématiquement à des descentes et des bouclages de territoires par les forces antiémeutes. Mais chaque jour, les rassemblements se reconstituent, les manifestants n’ayant manifestement aucune envie d’obéir à leur Premier ministre qui leur a demandé d’abandonner la partie et de "rentrez chez eux".


Difficile de prétendre être exhaustifs. Les données et le temps de les traiter manquent. Néanmoins, au gré des trouvailles hasardeuses et de quelques indications, quelques textes sur ou issu du mouvement en cours… Pour essayer d’appréhender un peu et de comprendre ce qui se joue depuis un fameux 31 mai où tout a basculé.


“C'est seulement le début, notre lutte continue”

Cela a commencé avec des centaines de manifestants pacifiques qui ont résisté à la démolition du parc Gezi, l’un des rares espaces verts dans le centre d’Istanbul. Il y a des projets pour le remplacer par un centre commercial. La réaction disproportionnée de la police par rapport aux manifestations pacifiques de Gezi a déclenché une révolte nationale en seulement quelques jours. Ce que nous avons vu depuis les premières heures du 30 mai n’est pas seulement une démonstration de la volonté collective des habitants d’Istanbul réclamant leur droit à la ville, mais aussi une révolte généralisée contre l’autoritarisme du gouvernement conservateur islamiste et néolibéral de la Turquie.

Des centaines de milliers de personnes de tous les âges et de toutes opinions politiques se sont unis autour des slogans tels que « épaule contre épaule contre le fascisme » (kulaga garip geliyor ama nasilolmali bilemedim), et appellent à la démission du premier ministre Recep Tayyip Erdoğan.
Les protestations se sont répandues d’Istanbul à Ankara, Izmir, Adana, Eskişehir, Samsun, Konya et Mersin, entre autres villes, malgré les attaques brutales et impitoyables par la police. Dès le début des manifestations, la police turque a utilisé des canons à eau et du gaz lacrymogène contre les manifestants. Les rues d’Istanbul et d’autres villes sont devenues des champs de bataille, des centaines ont été hospitalisées et plusieurs décès non confirmés ont été rapportés.

Alors que cette vague de protestations sans précédent s’est répandue à travers la Turquie, il y a eu une censure de fait sur les informations dans les médias traditionnels. La censure des médias turcs a sévèrement augmenté au cours des dernières années. Selon le rapport de 2012 de Reporters Sans Frontière, la Turquie est devenue « la plus grande prison du monde pour les journalistes » Les manifestants se sont mobilisés néanmoins, principalement par des médias sociaux.
Malgré les dangers évidents représentés par la force effrénée de la police, les gens ont envahi les rues sans avoir peur. Cette protestation en cours est unique et historique, non seulement parce que les gens insistent avec une participation de plus en plus grande de personnes qui réclament les rues contre la police anti-émeute, mais aussi parce qu’elle représente l’espoir pour un mouvement authentiquement populaire au-delà des factions politiques habituelles.

Les manifestants de #OccupyGezi sont loin d’être un groupe homogène. Le mouvement est composé de millions de personnes de partout dans le pays, des jeunes et des vieux, des gauchistes et des nationalistes, des libéraux et des kémalistes, la classe moyenne et la classe ouvrière, les croyants et les athées, les homosexuels, les lesbiennes, les transsexuels et les supporters de football, tous unis par une demande collective – la fin de l’autoritarisme de l’AKP [le parti ‟islamo-conservateur au pouvoir]. Il n’existe aucune organisation politique centrale qui réunit ces groupes, mais les manifestants font preuve d’une énorme solidarité.

La protestation les rassemble. C’est l’effet d’être ensemble dans ce soulèvement qui les unit. Ce qui les motive à se révolter, c’est la volonté de mettre fin à l’autoritarisme et à la brutalité de la police. C’est le désir de préserver les espaces publics communs et de résister à leur appropriation par le capital local/global qui leur donne de la force.
La réaction contre la force démesurée utilisée contre les manifestants du parc Gezi, a été le point culminant d’une série d’attaques contre les libertés fondamentales : le bombardement de population civile à Roboski en décembre 2011 [massacre de 34 civils kurdes], les attentats à la bombe du mois dernier dans la ville frontalière de Reyhanlı, les restrictions sur les droits reproductifs des femmes ; la répression de grande ampleur des manifestations du 1er mai ; les dernières restrictions à la vente de l’alcool ; les attaques capitalistes néolibérales contre les sites historiques et culturels, tels que le Cinéma Emek et les zones portuaires de Karaköy, Beşiktaş et Kadiköy d’Istanbul ; et l’inauguration des travaux du 3ème pont sur le Bosphore, très impopulaire, ont tous contribué à ce mécontentement généralisé et si visible.

Ce qui est apparu à première vue comme une simple protestation à propos de l’abatage des arbres s’est enflammé avec la frustration passionnée d’une population qui a finalement perdu patience face aux tendances clairement autocratiques et antidémocratiques du Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan, qui a toujours été présentée par l’élite dirigeante mondiale comme un modèle de la démocratie. Les gens présents dans les rues de la Turquie envoient aujourd’hui un message clair au monde : ils n’acceptent pas que la démocratie soit cooptée. Erdoğan est connu pour ses appels à d’autres dirigeants, à Moubarak, à Kadhafi et, plus récemment, à Assad pour qu’ils écoutent la voix de leur peuple, il est temps qu’il commence à écouter la voix du sien.

Le 2 juin 2013

(Source : What is happening in İstanbul ?)


Aujourd'hui, nous sommes tous quelqu'un de nouveau !

Beaucoup de mots vont être dépensés pour parler de ces quatre derniers jours. Beaucoup de choses seront écrites et de nombreuses et grandioses analyses politiques sont sûrement en cours.

Mais que s’est-il réellement passé durant ces quatre jours ?

La résistance pour la défense du parc Gezi a mis en fonctionnement la capacité collective que nous, les personnes ordinaires, avons de nous auto-organiser et de nous entraider, et d’agir. Il suffisait juste d’une étincelle…

Nous avons vu le corps même de la résistance quand il marchait vers nous sur le pont du Bosphore, nous l’avons vu résister sans peur aux canons à eau le long de la rue Istiklal ; nous avons reconnu ses membres dans chacun de ceux qui, eux-mêmes s’asphyxiaient sous le choc des gaz lacrymogènes et continuaient à se battre pour venir en aide aux uns et aux autres ; nous l’avons vu lorsque les commerçants nous ont offert de la nourriture, lorsque les habitants ont ouvert leurs portes aux blessés, nous l’avons vu avec les médecins volontaires, nous l’avons vu lorsque les grand-mères se sont mises à leurs fenêtres et ont cogné sur leurs casseroles toute la nuit en signe de résistance.

La police a mené une véritable guerre offensive contre nous ; les policiers ont épuisé leurs stocks de gaz lacrymogènes, ils nous ont pris au piège dans le métro, ont brulé nos tentes dans la nuit et nous ont tiré dessus avec des balles en caoutchouc – mais ils n’ont pas réussi à briser ce corps.

Parce que le corps de la résistance, une fois en marche, ne pouvait plus s’arrêter.

Et maintenant tous ces moments vécus font partie de la mémoire collective qui circule dans les veines de ce corps afin que nous puissions toujours nous souvenir d’une chose simple : nous pouvons choisir notre propre destin à travers notre propre action collective.

Nous pouvons récupérer nos vies et où nous voulons les vivre

Ce qui a commencé au parc Gezi a nourri notre force et notre courage avec sa ténacité, sa créativité, sa détermination et sa confiance mutuelle. En un clin d’œil la résistance s’est épanouie du parc Gezi à la place Taksim, de la place Taksim à Istanbul puis d’Istanbul au reste du pays. La lutte pour le parc Gezi est devenue le moyen d’exprimer toute notre rage contre tout ce qui nous empêche de décider de notre propre façon de vivre la ville.

Après cette démonstration de colère et de solidarité, rien ne sera comme avant. Aucun d’entre nous ne sera tout à fait le même. Parce que maintenant nous avons vu quelque chose qu’avant nous n’avions jamais vu : ce dont nous étions capables. Nous ne l’avons pas seulement vu : nous l’avons fait ensemble. Nous avons su fabriquer l’étincelle qui a donné vie à un corps de résistance collective et l’a mis en mouvement.

La lutte pour la défense du parc Gezi a déclenché une rébellion de la jeunesse parce qu’elle a offert un lieu et un sens à au moins deux générations qui ont grandi sous les gouvernements de l’AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi / Parti de la Justice et du Développement) et qui identifient Recep Tayyip Erdoğan comme une figure de l’autoritarisme.
Ce sont les enfants des familles expulsées de Tarlabaşı [NdT : quartier kurde et rom, en cours de destruction totale près de Taksim] au nom des projets grandioses de gentrification ; ce sont les travailleurs qui ont perdu leur emploi au nom de la réduction des coûts de production et de la privatisation des usines. Toute lutte qui surgira à partir de maintenant sera enrichie par ces générations.

Mais il y a plus. La lutte pour récupérer le parc Gezi et la place Taksim a changé le définition même de ce que signifie l’espace public, parce que la bataille pour le droit à demeurer sur la place Taksim a réduit en pièces l’hégémonie du profit économique comme règle morale. Elle a rejeté le plan de développement à travers lequel l’AKP aurait voulu décider le rôle social de nos espaces publics, changer les règles de comment nous vivons notre ville, et à quel prix et avec quelle esthétique. Recep Tayyip Erdoğan a essayé de nous imposer son idée de ce que doit être une place, mais aujourd’hui, Taksim est ce que notre résistance a voulu qu’elle signifie : notre place publique.

Nous avons vu la résistance qu’un seul parc peut provoquer et nous savons maintenant que nous sommes parfaitement capables d’allumer de nouvelles étincelles et de nouvelles résistances.

Nous pouvons ressentir notre force collective contre la volonté de nous déposséder de nos communs, parce que nous avons d’ores et déjà goûté à ce qu’est la résistance.

Nous n’allons pas reculer maintenant. Parce que nous savons que nous sommes porteurs de plus d’une étincelle, de plus d’un combat, et que c’est seulement une question de moments avant que la moindre étincelle se transforme en incendie.

Ce n’est que le début, le combat continue !

Müştereklerimiz
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À propos de Müştereklerimiz

Müştereklerimiz, qui signifie « nos communs » est un réseau basé à Istanbul regroupant des associations locales, de collectifs écologistes, des mouvements de base d’habitants luttant contre les expulsions, d’architectes contre la gentrification, de groupes anticapitalistes et de travailleurs contre les emplois précaires, réclamant leur droit aux biens communs comme le logement, les emplois dignes, les droits des travailleurs migrants et à l’espace public.
Ils ont été impliqué dans la lutte pour sauver le parc Gezi et la place Taksim dès le début, en collaboration avec la Plate-forme de solidarité Taksim, au cours des derniers mois, et font partie de ceux qui ont appelé à résister à l’arrachage des arbres depuis la nuit du 27 mai. Depuis, ils continuent de protéger le parc jour et nuit malgré les attaques de la police.


Le début de la fin d'une époque en Turquie

Par Zeynep Gambetti

Aux manifestations d’Istanbul, qui ont commencé avec le rejet de l’abattage des arbres dans un parc du centre-ville s’est jointe une foule exceptionnelle de citoyens. Mais le plus important était à venir.

Nous sommes tous la Turquie

A mes amis d’autres pays.

Nous avons respiré le gaz lacrymogènes à Istanbul à partir du vendredi 31 mai, lorsque la police a arrosé des tonnes de gaz et d’eau et a tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants. Les gens ont été frappés aux jambes, dans le dos et à la tête. Le samedi 1er juin dans l’après-midi, les foules à Izmir, à Ankara et dans d’autres villes ont également affronté la police.
Des centaines de personnes sont soignées dans les hôpitaux. Mais les gens de la ville ont ouvert leurs maisons, les bureaux et leurs restaurants pour soigner les blessés, bien que la police pourchassait aussi les manifestants à l’intérieur des bâtiments en les gazant et les frappant.

A Ankara, les tweets et deux chaînes de télévision très courageuses ont signalé l’utilisation de balles en caoutchouc par la police. On dit que les blessures sont graves. Nous avons continué de communiquer (principalement via les réseaux sociaux) pour savoir ce qui se passait.
A Istanbul, la foule a repris la place Taksim, le samedi après-midi après avoir été gazé une journée entière. Les policiers se sont retirés, mais il y avait une accalmie tendue parce que les manifestants ont été attaqués dans d’autres quartiers d’Istanbul, principalement à Beşiktaş.
Le Premier ministre a déclaré qu’il ne reculera pas sur ses projets visant à transformer tout ce qui est sous le soleil en centres commerciaux et en résidences pour classes supérieures.

Il semble qu’il y a une tension entre le président et le Premier ministre, parce qu’on dit que le premier est très proche de la secte Gülen. Dirigée par Fethullah Gulen, ce groupe religieux, avec une façade moderne, contrôle une partie des médias et possède des écoles à travers le monde, y compris aux États-Unis. Le président Abdullah Gül a appelé au calme et a critiqué la violence de la police, mais le Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan a donné l’impression qu’il transformait cela en un concours de volontés, car dans un discours remarquablement démagogique il a déclaré samedi que les manifestants n’étaient qu’une poignée de "provocateurs" qui préparaient le terrain à un nouveau coup d’Etat contre son gouvernement civil et démocratique.

En effet, le nombre de drapeaux turcs dans le parc Gezi samedi était anormalement élevé. Il s’agit d’une curieuse coalition. Les fanatiques kémaliste-nationalistes d’hier occupent désormais le même parc que les Kurdes, la gauche, les anarchistes et les groupes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres).

Les supporters de football ont également contribué grandement à la victoire du parc Gezi. Il y a trois équipes de football à Istanbul, dont les partisans ont combattu la police tout au long de la journée. Quand ils sont dans leur stade, ils agissent comme des hooligans, mais beaucoup de gens ici reconnaissent qu’ils savent se battre et ne craignent pas la police. La manière dont tout cela va se combiner dans la rédaction d’un important manifeste anti-gouvernemental demeure encore incertaine.

Ainsi, les choses sont assez ambigües et, en tout cas, la bataille ne s’est pas arrêtée en dehors de Taksim. Ce n’est pas une protestation pour sauver des arbres. Le gouvernement est allé trop loin. Le parc Gezi a été la goutte qui a fait déborder le vase, mais nous avons enduré beaucoup de choses au cours des derniers mois : les arrestations de Kurdes et de militants sur des accusations absurdes ; les changements de programme dans les écoles pour imposer des cours de religion pour les enfants ; les tentatives visant à interdire l’avortement ; le bombardement de civils kurdes qui traversent la frontière turco-irakienne (les confondant avec la guérilla) ; le bras-de-fer militaire avec la Syrie ; la mystérieuse bombe qui a tué une cinquantaine de personnes à Reyhanlı, près de la frontière syrienne ; la tentative de limiter la consommation d’alcool ; les projets gigantesques pour changer complètement le visage d’Istanbul ; la décision d’appeler le troisième pont sur le Bosphore du nom d’un sultan ottoman qui a presque anéanti la population alévie (la principale secte musulmane non-sunnite de Turquie), et enfin, le projet du parc Gezi.

Pendant ce temps, les Kurdes ont rassemblé 500 intellectuels turcs, journalistes et leaders de la société civile à Ankara le week-end dernier pour présenter un plan de paix alternatif. La manière dont les gens ont commencé à prendre le contrôle de leur vie, et ont commencé à reconnaitre leurs crimes les uns vis-à-vis des autres (par exemple, les Kurdes ont participé au génocide arménien, et les groupes LGBT sont vilipendés par la gauche marxiste) a été en fait très impressionnante. Ils ont tracé des demandes concrètes pour imposer leur volonté sur la vision de la paix réductionniste du gouvernement.

En bref, cela peut être le début de la fin d’une époque. Une partie de la population ressent le besoin de renverser ce gouvernement, mais ce qui viendra à sa place est la question la plus importante aujourd’hui.

Le 3 juin 2013

Zeynep Gambetti

(Zeynep Gambetti est professeur agrégé de théorie politique à l’Université du Bosphore à Istanbul)


De la sauvegarde d'un parc à une grève de millions de travailleurs

Contexte des événements en Turquie

Aujourd’hui, 5 Juin 2013, il y a une « grève générale » en Turquie. On s’attend à ce qu’environ un demi-million de travailleurs prendront part à cette grève, qui a été lancée par cinq des syndicats de « gauche », la KESK [confédération du secteur public], la DISK [Confédération des travailleurs révolutionnaire, du secteur privé], EĞTİM-SEN [enseignants], TTMOB [Union des chambres des ingénieurs et architectes], et TOB [Chambres des médecins].
Depuis vendredi dernier [31 mai], il y a eu des centaines de manifestations dans 67 des 81 provinces, des millions dans les rues de la Turquie, au moins deux personnes ont été tuées et des milliers arrêtées.

Comment cette situation a-t-elle surgi en moins d’une semaine ? Comment une petite manifestation contre le développement dans un parc d’İstanbul est-elle devenue un incendie qui a mis le feu à travers tout le pays, et a mis en mouvement une quantité si énorme de personnes. Pour comprendre, il est nécessaire d’examiner certains détails du contexte.

Bien sûr, ce n’est pas la construction d’un supermarché qui a enflammé tout le pays. Les événements dans le parc Gezi ont agi surtout comme une étincelle sur une poudrière déjà existante. Il y a cinq principales causes de la conflagration actuelle.

• La brutalité policière. Probablement la cause la plus immédiate a été la brutalité utilisée par la police pour expulser les manifestants anti-développement dans la place Taksim. La police turque a une longue histoire d’attaques brutales des manifestants, et de se lancer dans des attaques incroyablement violentes, même contre des petites manifestations pacifiques. Au cours des dernières années, cela semble s’être aggravé encore avec les canons à gaz et à eau qui sont maintenant la méthode préférée pour gérer des situations aussi différentes que les énormes marches du 1er mai, les supporters de football indisciplinés et les petites manifestations écologistes. C’est la réaction à ce genre de violence qui semble avoir été l’élément qui a enflammé la situation.

• Taksim. La place Taksim elle-même tient une place particulière dans l’histoire de la classe ouvrière et de la gauche en Turquie. Elle est le centre d’Istanbul, le lieu traditionnel des marches du 1er mai, et c’est là, en 1977, que 42 personnes ont été tuées et 220 blessées lors du 1er mai. Au cours des dernières années, avec une exception notable, les marches ont été bannies de la place, et il y a eu des combats de rue à grande échelle alors que les gens essayaient de l’atteindre. Taksim occupe une place au cœur de la gauche turque, et peut-être même que, pire que la construction d’un supermarché, il y a l’intention du gouvernement de construire une mosquée.

• L’islamisation rampante. Le Parti de la Justice et du Développement (AKP) au pouvoir est le descendant direct du Parti de la prospérité (RP), qui a été chassé de ses fonctions en 1997, dans ce qui est connu en Turquie comme un coup d’Etat post-moderne. L’année suivante, le parti a été interdit pour avoir violé les principes constitutionnels de la laïcité. Il a été au pouvoir, en augmentant sa majorité à chaque élection, depuis 2002, et aux élections de 2011, il a gagné de manière écrasante avec 49,8% des voix. Au cours de cette période, il a lentement tailladé le système laïc. L’exemple le plus connu a été le port du foulard dans les universités, mais il y a des exemples plus récents, parmi lesquels les restrictions à la publicité pour l’alcool, et sa vente dans les magasins, l’abaissement de l’âge de l’admission dans les écoles religieuses et les annonces faites dans le métro d’Ankara avertissant les couples de ne pas s’embrasser en public. Dans tout le pays, le sentiment général est que le gouvernement veut faire de la Turquie un autre Iran.
Un autre élément qui a profondément bouleversé les membres de la plus grande minorité religieuse de Turquie, les Alévis [20-25% de la population], est le nom qui a été choisi par l’Etat pour le nouveau pont sur le Bosphore. Le nom du nouveau pont, Sultan Selim, est si controversé que même l’entreprise qui l’a construit est réticente à l’utiliser et l’appelle simplement « troisième pont ». Sultan Selim, connu sous le nom « Selim the Grim » en anglais [‟Selim le cruel”, 1467–1520], a été responsable de massacres de grande ampleur contre les alévis et autres musulmans chiites. L’équivalent serait presque d’appeler un pont dans le Kurdistan irakien du nom de Mémorial Saddam Hussein…

• La politique régionale. Les deux aspects probablement les plus importants de la politique turque ont été l’accord de paix avec le PKK, et le soutien aux rebelles syriens. Bien sûr, les laïcs ne sont pas satisfaits du soutien du gouvernement à une opposition islamiste contre un Etat laïc, et les missiles perdus, les bombes et les masses de réfugiés que cela a apporté au pays. L’accord de paix du gouvernement avec les nationalistes kurdes a également provoqué des inquiétudes chez les nationalistes turcs de gauche comme de droite. La déclaration du Comité central du Parti communiste de Turquie du 4 Juin, dit clairement que le drapeau national turc est « entre les mains du peuple », que les nationalistes kurdes ne devraient pas traiter avec l’AKP, et qu’ils devraient devenir une partie d’« un mouvement syndical du peuple, uni, patriotique et éclairé », agitant sans doute ce drapeau couvert de sang comme ils le font.

• Les luttes des travailleurs. Les dernières années ont été relativement paisibles depuis le grand mouvement centré autour de la lutte de TEKEL [ancienne société d’Etat des alcools et tabacs] pendant l’hiver/printemps 2010. Toutefois, il y a eu récemment une augmentation marquée du militantisme, qui a connu d’importantes grèves dans le secteur textile et les ports de la côte sud. Les travailleurs de Turkish Airlines ont été en grève pendant deux semaines, et même avant que ces événements éclatent, les 240.000 membres du KESK devaient faire grève aujourd’hui de toute façon. En plus de cela, les 110.000 ouvriers du puissant syndicat de la métallurgie doivent organiser une grève à la fin du mois.

Lorsque tous ces éléments sont enveloppées ensemble dans le style de gouvernement semi-impérial, abrasif et autocratique de Tayyip, il n’est pas surprenant que les choses aient éclatées de cette manière.

Du parc Gezi à la grève générale

Après l’attaque initiale du Parc Gezi par la police, des manifestations se sont propagées rapidement à travers le pays. Au début spontanément avec des gens qui sortaient juste dans les rues. Les journaux et les chaînes de télévision proches du gouvernement ont minimisé ou même à peine rendu compte du sujet, mais la rumeur s’est répandue rapidement à travers Twitter et Internet, ce qui a incité le Premier ministre Tayyip Erdoğan à désigner les médias sociaux comme « la pire menace pour le pays ». Vingt-quatre personnes ont depuis été arrêtées pour le « crime » de poster sur Twitter.

Le principal parti d’opposition, le kémaliste Parti Républicain du Peuple (CHP) a organisé une grande manifestation sous la forme d’une marche vers Taksim, et d’autres manifestants, pas rebutés par la fermeture du métro, ont traversé le pont sur le Bosphore par milliers pour se joindre aux protestations. Le matin du 1er juin, Tayyip déclarait que la police était à Taksim pour y rester, mais à 15h45 du même jour, les policiers ont commencé à se retirer de la place, laissant les manifestants en prendre le contrôle. Dans d’autres villes, les protestations sont devenues de plus en plus violentes avec la police, à Ankara, les gaz lacrymogènes ont été lancés depuis des hélicoptères, et au moins un manifestant a été tué quand la police essayait de virer les manifestants de la place centrale.

Les autres grandes villes à travers le pays ont également connu des manifestations massives avec au moins une autre victime à Antakya. A Tunceli, il y a aussi une rumeur selon laquelle un manifestant a été abattu. A Izmir les bureaux de l’AKP ont été incendiés, et dans les principales villes de tout le pays, non seulement dans le centre mais aussi dans les banlieues, dans les petites villes.

Les manifestations semblent être l’expression d’un mouvement interclassiste comprenant tous ceux qui ressentent de la colère contre le régime. Toutes sortes de groupes politiques y sont représentés, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Sur la place Taksim, les bannières avec des photos de chef emprisonné du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan ont été déployées en même temps que des personnes brandissaient des drapeaux turcs, et que même certains faisaient le salut des Loups Gris (Turcs ultra-nationalistes).

Que dire de la classe ouvrière ?

Bien sûr, un mouvement de masse comme celui-ci ne peut pas avancer plus loin sans la puissance de la classe ouvrière. Les appels à la grève générale pour le lundi ont commencé à circuler sur Twitter et Facebook dimanche soir. Cependant, il y a peu de chances qu’ils soient repris, bien que certaines universités à Ankara et à Istanbul ont commencé une grève ce lundi avec certains hôpitaux à Ankara qui ont déclaré qu’ils assureraient seulement les urgences et les soins aux manifestants.

Les syndicats de « gauche » se sont réunis lundi pour décider de leur réponse. La KESK a changé son appel déjà organisé à une grève d’une journée en une grève de 48 heures, mardi et mercredi, et la DIKK, la EĞTİM-SEN, TTMOB et TOB ont convenu de rejoindre le mercredi avec des manifestations de grande envergure organisées dans les trois plus grandes villes, Istanbul, Ankara et İzmir. Bien que ces organisations affirment facilement qu’elles regroupent plus d’un million de membres, il semble raisonnable de s’attendre à ce qu’environ un demi-million de personnes soient effectivement en grève aujourd’hui. Un groupe d’opposition au sein de la principale confédération syndicale TÜRK-IS a également publié une déclaration demandant à ses membres de soutenir la lutte par une longue liste de méthodes, dont la dernière est réellement de faire grève.

Lors des manifestations autour du conflit de TEKEL il y a trois ans, il avait semblé que le mouvement avait perdu de son élan après la grève générale. Les travailleurs ont lutté pendant des mois en occupant le centre d’Ankara, et en organisant de nombreuses manifestations pour forcer leur syndicat afin qu’il déclenche une grève générale. Lorsqu’elle s’est finalement produite, il est apparu que personne n’avait le moindre projet pour porter le mouvement en avant. Avec la grève générale d’aujourd’hui comme avec celle-là, la vraie question est ce qui se passera demain.

Devrim

Le mercredi 5 juin 2013

(source : ici)


Déclaration de l'Union des Communautés du Kurdistan (KCK) <br> concernant la vague de manifestations en Turquie

Dans une déclaration écrite sur la résistance croissante de la population dans tout le pays, le Conseil Exécutif de l’Union des Communautés du Kurdistan (KCK) déclare que cette résistance a envoyé un message pour la construction d’une nouvelle Turquie démocratique. La KCK appelle la population kurde à prendre l’initiative dans la résistance et à assumer sa responsabilité pour l’avancée salutaire du processus avec les pouvoirs démocratiques en Turquie.

La KCK déclare que la situation actuelle en Turquie est un processus qui révèle des résultats significatifs dans la voie que la Turquie est en train d’emprunter vers la démocratie et met en garde contre les approches ‟opportunistes”. La KCK lance un appel aux travailleurs dans les milieux démocratiques à renforcer le ‟processus de solution démocratique” contre ceux qui tentent de saboter le processus de paix.

La KCK souligne que l’utilisation excessive de la force par la police contre la croissante réflexion publique démocratique est la manifestation de la mentalité anti-démocratique de l’Etat-nation. La KCK souligne également que la violence policière excessive est en conflit avec l’esprit du processus démocratique dans la recherche d’une solution à la question kurde. La KCK déclare que le processus de solution démocratique vise à la démocratisation, non seulement de la région kurde, mais aussi de l’ensemble de la Turquie, insistant sur le fait que cette démocratisation ne peut être obtenue que par la libération de la société de la violence et du militarisme. La KCK déclare que c’est la violence policière appuyée par le gouvernement contre la volonté du peuple, qui a aggravé les problèmes jusqu’à la situation actuelle.

La KCK souligne qu’il était très important pour le présent et l’avenir de l’Etat turc d’accorder une attention particulière aux exigences de la résistance publique dans le parc Gezi et de répondre aux revendications manifestants.

‟Afin de renforcer le processus de solution démocratique, les milieux démocratiques et les travailleurs doivent faire attention aux puissances nationalistes et racistes qui cherchent à saboter ce processus et à abuser de la réflexion des gens”, déclare la KCK qui fait remarquer ce qui suit quant à la participation du peuple kurde dans la résistance :

‟L’unification du Mouvement de Libération du Kurdistan avec la réflexion démocratique contre les pratiques injustes et antidémocratiques et la répression fasciste en Turquie permettra la transformation démocratique et la voie à des résultats significatifs. L’objectif de cette unification doit se manifester dans la volonté démocratique du peuple et imposer les conditions nécessaires pour une Turquie démocratique. En ce sens, le devoir de la volonté démocratique et des transformations importantes en Turquie et la lutte du Kurdistan, est de s’unir et de se battre au coude à coude avec l’objectif de garantir une solution à la question kurde et de libérer la Turquie de toutes sortes de répression et de violence.”

En référence au processus de retrait en cours de la guérilla kurde en dehors des frontières turques, la KCK déclare que certaines activités des forces armées turques peuvent conduire à des problèmes dans le processus, si l’on se souvient des affrontements de courte durée qui ont opposés des soldats turcs et des guérilleros kurdes lors du retrait à Uludere et Bingöl.

La KCK déclare que l’armée turque montre une attitude de provocation contre le processus en procédant à des modifications dans ses positions militaires et en provoquant des affrontements avec la guérilla sur le chemin des montagnes de Kandil.

La KCK souligne que le gouvernement de l’AKP adopte une position inacceptable en utilisant la violence excessive contre le peuple et conduit à une sorte d’atmosphère de guerre contre ce qui doit être fait dans le processus en cours visant à la paix et à une solution démocratique .

(Source : ici)


[ Traductions : XYZ pour OCLibertaire ]


Photos

http://roarmag.org/2013/06/the-day-the-people-of-turkey-rose-up-in-pictures/

http://occupygezipics.tumblr.com/


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2 Messages

  • Impressions du mouvement de protestation à Ankara

    Témoignage du 2 juin 2013

    Je vis à Ankara depuis ces six derniers mois et hier soir, j’ai eu l’occasion de me joindre à la principale manifestation de la ville. En aucune façon je ne veux prétendre que ce compte-rendu est complet et j’accueillerais beaucoup plus des commentaires, des ajouts et des corrections fournies par d’autres personnes qui sont plus familières avec la situation.
    Je vais commencer avec quelques éléments de contexte, puis une petite histoire personnelle et je terminerai avec une analyse des tactiques de protestation.

    La situation politique en Turquie. D’un côté, nous avons un gouvernement néolibéral, ouvertement islamique et de plus en plus autoritaire au pouvoir, l’AKP. Contre cela, nous avons une grande partie de la population qui s’identifie avec la tradition ‟kémaliste” de Kemal Atatürk, le fondateur et premier dirigeant de la Turquie moderne. Il y a un véritable culte de la personnalité autour d’Atatürk et sa photo peut être trouvée dans littéralement tous les bâtiments publics et les lieux de business. Littéralement.. Pour ses partisans, il représente la laïcité et le social-libéralisme style européen qui se dresse comme une barrière entre eux et un gouvernement ouvertement islamiste.

    Tous les grands partis sont ouvertement nationalistes et le principal symbole que j’ai vu au cours des manifestations a été le drapeau national de la Turquie. Mais souvent, il semble qu’Ataturk est un symbole exprimant tout à tous les gens, exprimant les griefs sur des questions allant de la croissance du fondamentalisme religieux, les questions sociales, l’érosion croissante des libertés civiles, la corruption du gouvernement à propos des préoccupations économiques.
    L’AKP (Parti de la Justice et Développement) est la plus puissant dans les régions rurales de la Turquie et la résistance au gouvernement a été la plus forte dans les villes d’Istanbul, Ankara et Izmir, traditionnellement plus libérales, tendant vers la gauche ou plus européanisée. La gauche turque est plus grande que tout ce que j’ai vu aux Etats-Unis ou en Angleterre, et semble être dominée par les léninistes. La présence anarchiste, au mieux, négligeable. En ce qui concerne les activités traditionnelles de la lutte des classes, le Premier mai est énorme, même si j’ai entendu parler de peu de grèves en dehors de quelques conflits extrêmement limités, située à Istanbul.

    Pour ceux qui ne savent pas, la situation a commencé lorsque le gouvernement a annoncé un projet visant à éliminer un parc près de la place Taksim. En plus des préoccupations environnementales, il est l’un des rares espaces verts de la ville. Quand les bulldozers sont arrivé au parc, les protestations et une occupation a commencé. La police est intervenue, a violemment expulsé les occupants, a brûlé les tentes et leurs biens, et a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour dégager le camp. Des dizaines de personnes ont été blessées, dont certaines grièvement, dont des comptes rendus parlant de manifestants ayant perdu un œil à cause de la violence.
    Cela n’a fait que générer de nouvelles manifestations, et en 48 heures, des manifestations simultanées ont commencé à se produire dans d’autres villes. Bien sûr, les protestations vont bien au-delà de Gezi Park. Le mouvement est l’aboutissement de tensions croissantes contre le gouvernement de Tayyip Erdogan. Il s’agit d’un vrai mouvement de la base. Les militants professionnels sont présents et les politiciens de l’opposition tentent de capitaliser politiquement le mouvement, mais la grande majorité des gens participent parce qu’ils sont vraiment indignés. Le parc Gezi seulement fourni l’étincelle qui a libéré le torrent d’une colère refoulée.
    Je crois que cela fait partie de la raison pour laquelle les drapeaux sont si importants. Les revendications sont piégées dans un discours politique standard. Les années soixante et soixante-dix ont vu de grands bouillonnements sociaux en Turquie. Mais depuis le dernier grand coup d’Etat militaire en 1980, la résistance active au gouvernement ne s’est pas faite dans les rues. Le choix a été entre les partis de centre-gauche, mais extrêmement nationalistes, les partis laïcs et des partis islamistes. Dans tous ces cas, l’acceptation générale du néolibéralisme a été la toile de fond économique contre laquelle cette politique a eu lieu. Quoi qu’il en soit, il est encore trop tôt pour dire si le discours actuel des protestations peut s’élargir pour inclure une compréhension plus profonde des questions de classe et aller au-delà d’un nationalisme réactif.
    Encore une fois, je tiens à préciser ceci : je ne parle pas turc, j’habite dans une ville et mon histoire turque n’est pas fantastique. Ce ne sont que des impressions et je voudrais être corrigé par des personnes plus compétentes.

    Certains en Turquie ont appelé cette vague de protestations ‟printemps turc”. Les médias occidentaux ont commencé à comparer la place Taksim et la place Tahrir en Egypte. Je ne suis pas à Istanbul, mais ce genre de déclaration me semble prématuré. Le premier ministre a maintenu une posture de défi et, malgré toute la brutalité, toute la puissance de l’État n’a pas été utilisée. Les choses vont probablement devenir beaucoup plus sinistres et à ce moment-là, il ne sera pas question de sauver Gezi, mais d’exiger la démission de l’actuel gouvernement. Une grande partie de cela, bien sûr, dépendra de la capacité des manifestants non seulement à maintenir la dynamique, mais aussi à développer des tactiques plus sophistiquées contre la police.
    À l’heure actuelle, le mouvement est partout. Il domine les réseaux sociaux (bien qu’il y ait eu des informations disant que Twitter et Facebook ont bloquées), c’est le seul sujet dont les gens discutent dans le bus et je peux entendre depuis mon appartement un chœur de klaxons permanent.
    Plus semblable en cela à une grande partie du mouvement Occupy, la tactique des manifestants ont été jusqu’à présent beaucoup plus radicale que leurs objectifs proclamés. Les protestations à Istanbul ont peut-être commencé pacifiquement –je ne sais pas – mais toute prétention du pacifisme a disparu. Les gens semblent préparés. On s’attend à ce que les manifestants vont subir des attaques au gaz lacrymogène et ils viennent avec des masques chirurgicaux, des foulards, des masques à gaz fabriqués et une variété de remèdes maison contre l’exposition aux gaz lacrymogènes (ce qui, croyez-moi, n’est pas très amusant). Et ceux-ci sont souvent des manifestants pour la première fois. Ils connaissent le style de la police, ils sont allés sur Internet pour savoir comment se remettre d’une attaque de gaz lacrymogènes et manifestent avec la pleine connaissance qu’ils iront probablement dormir avec des yeux en feu et des maux de tête. Chaque fois qu’un espace public est pris par les manifestants, un feu est allumé. La manifestation commence en scandant des slogans et ils frappent en rythmes fortement sur tout ce qui existe. Le graffiti est partout.

    Actuellement, la principale tactique semble être celle de vagues de personnes qui arrivent, se prennent des gaz lacrymogènes, se dispersent et sont remplacés par une nouvelle vague de manifestants. Ceci est renforcé par des feux de joie et des barricades, dont certaines sont fabriquées avec des bus et des magasins mobile vendant de la nourriture dont les propriétaires ont des liens avec l’actuel maire de la ville.
    Je dois signaler que je ne peux parler que de la situation à Ankara. Ma compréhension est que la police a maintenant autorisé les manifestations à Istanbul et que le point focal de la confrontation s’est déplacé ici, à Ankara, capitale de la Turquie.
    Ces derniers jours, les manifestations se multiplient et ne montrent aucun signe de ralentissement. Mais l’énergie et la détermination ne suffisent pas. La réaction de la police continuera à être brutale et la simple occupation d’un espace public ne sera pas suffisante pour la victoire du mouvement. Il aura besoin d’obtenir des victoires efficaces contre la police.
    Heureusement, comme le mouvement étudiant de 2010 en Angleterre l’a montré, les gens autrefois considérés comme ‟dépolitisés” sont extrêmement capables d’apprendre par leurs propres forces et de développer des tactiques efficaces pour continuer la lutte. Le fait que les demandes de manifestation pacifique ont été abandonnées à juste titre semble suggérer que l’espace pour une résistance plus efficace se soit élargit.

    Le 2 juin 2013

    Chili Sauce’s blog

    Via Libcom

    [Traduction : XYZ pour OCLibertaire]

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  • Taksim/No Tav : Un visage, une place

    Le texte « Aujourd’hui, nous sommes tous quelqu’un de nouveau ! » du mouvement Müştereklerimiz avait été envoyé de la place Taksim au mouvement No TAV du Val Susa.

    Voici la réponse des NoTav :

    Chers camarades,

    Nous suivons avec des sentiments de solidarité votre lutte au Parc Gezi d’Instanbul.

    La Val Susa a une longue histoire d’évacuations forcées, d’attaques, de lâches assauts à l’aube, de prison, de bulldozers envoyés pour détruire nos terres. Nous avons réussi à surmonter cela grâce à la résistance de notre peuple.

    Votre lutte est la nôtre. C’est la lutte pour le futur, conscients de représenter un danger pour l’ordre constitué qui s’acharne à nous battre par tous moyens nécessaires, qui veut nous effacer parce qu’il sait qu’avec nous et après nous, il y en aura dix, cent, mille comme nous.

    Mais vous et nous avons aussi une conscience : nous savons pouvoir vaincre cette bataille parce que nous avons le temps, les raisons, les rêves et l’obstination de notre côté. Et cela ne peut être défait ni par les lacrymogènes, ni par les tribunaux.

    Et bien sûr les Anonymous sont entrés dans la danse

    ___

    (trad. Les contrées magnifiques)

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