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Turquie

Le soulèvement d’Istanbul, le côté pile de la lutte anticapitaliste

vendredi 7 juin 2013, par admi2


Le soulèvement d'Istanbul, le côté pile de la lutte anticapitaliste

Il semblait que le monde était entré dans l’âge des émeutes contre l’austérité. Et puis vint Istanbul. Qu’il n’y ait pas de méprise, Istanbul ne peut pas être confondue avec Athènes, Barcelone, Lisbonne ou New York. Ce qui se passe en Turquie est le côté pile de la lutte anticapitaliste. C’est un soulèvement contre le développement. C’est une bataille de la rue pour des villes qui appartiennent aux gens et pas au capital. C’est une résistance contre un régime autoritaire enhardi par un boom économique.

Ce qui se déroule sous nos yeux dans les rues d’Istanbul est la convergence entre d’une part, une petite, mais croissante gauche anti-capitaliste qui a organisé diverses campagnes à caractère social ces dernières années, et d’autre part une large part de la population urbaine loyale aux idées kémalistes de modernisme, sécularisme et nationalisme. Cela étant dit, la situation en Turquie est extrêmement complexe et nécessite une compréhension de nombreuses situations politiques différentes qui ont été développées durant la dernière décennie.

Taksim

Comme beaucoup le savent déjà, l’origine du soulèvement actuel prend sa source dans la proposition de développement d’un parc près de la place Taksim, au cœur d’Istanbul. Le développement du parc de Gezi est seulement une partie d’un important projet de rénovation urbaine que le premier ministre truc, Recep Tayyip Erdogan, a prévu tant pour la ville que pour le pays tout entier. Il inclut des schémas de gentrification pour les quartiers les plus pauvres des villes comme Tarlabasi, la construction d’un troisième pont pour relier les deux continents qu’Istanbul couvre et même un énorme projet pour ouvrir un troisième canal reliant la Mer noire à la mer Marmara, afin de faciliter le passage de bateaux containers. Ce plan a été dénommé le « projet fou » d’Erdogan.

Le quartier de Taksim est l’endroit où un grand nombre de projets de développement urbain se développent et où il existe une riche tradition de rébellion et de protestation. Pour placer les événements dans leur contexte, il est utile d’examiner l’importance de la place Taksim comme point de rébellion et de convergence.

Le 1er mai 1977, un demi-million d’ouvriers et de révolutionnaires affluèrent vers la place Taksim pour l’une des manifestations les plus épiques jamais connues à ce jour. Cette manifestation survint six ans après le sanglant coup d’État au cours duquel trois étudiants turcs révolutionnaires, accusés d’être des ennemis de l’État, furent pendus par un tribunal militaire. Leur mémoire immortalisée, la gauche turque s’est relevée durant les années 70, de l’endroit même où les révolutionnaires avaient été exécutés. Elle l’a fait avec force, et se multipliant en nombre. Durant cette année de manifestations, 34 personnes furent tuées sur la place. Certains furent abattus par ce qu’on pense être des tireurs paramilitaires qui étaient placés sur les toits. D’autres furent abattus dans la panique qui suivit.

En plus d’être la porte d’entrée sur Beyoglu, la partie culturelle la plus dynamique d’Istanbul, avec sans doute plus de bars et de café au mètre carré que n’importe quelle autre ville d’Europe, la place Taksim porte aussi ce souvenir tragique et particulier depuis le massacre de 1977.

À chaque premier mai, les émeutes qui ont pris place durant les sept dernières années se sont toutes centrées autour de manifestants essayant de rejoindre la place Taksim. Le premier de ces affrontements s’est produit en 2007, lorsque la gauche turque a voulu célébrer le trentième anniversaire du massacre. L’État l’en a empêché et des militants d’extrême gauche ont répliqué dans les rues avec des cocktails Molotov et des pierres. La situation est restée la même jusqu’il y a deux ans, en 2011, lorsque le gouvernement a finalement reconnu son erreur et a autorisé la gauche à disposer de la place pour ce jour.

Mais les choses ont évolué depuis deux ans et le gouvernement AKP d’Erdogan a décidé d’introduire un plan important de rénovation urbaine pour Istanbul qui incluait aussi une révision de la place. Prétextant transformer la place en zone piétonnière, le gouvernement d’Erdogan (qui a aussi en charge la municipalité d’Istanbul) a adopté des plans, sans consulter les habitants, pour démanteler des larges parts de Taksim et y construire à la place divers centres commerciaux et autres projets pour les riches. La bataille pour tenir des manifestations sur la place Taksim le 1er mai a donc pris fin cette année alors que le gouvernement a décidé d’utiliser la rénovation de la place comme un prétexte pour empêcher les manifestations qui devaient avoir lieu.

Le parc de Gezi est le point de mire de la rébellion. Sa démolition a été prévue pour construire à la place la réplique d’une caserne militaire de l’ère ottomane, Topçu Kışlası, qui sera surtout utilisée à des fins commerciales. Ce n’est pas une coïncidence pour le gouvernement AKP et ses racines islamiques : ces casernes étaient à l’origine le lieu d’un important soulèvement islamique en 1909. Ceci se rajoute à la décision d’appeler le troisième pont du nom du sultan Yavuz Selim, tristement célèbre pour avoir assassiné en masse la population alévie d’Anatolie.

Ceux qui ont défendu le parc de Gezi y sont depuis longtemps. En plus de grands syndicats, beaucoup de participants viennent d’une relativement nouvelle gauche indépendante, avec des générations plus jeunes embrassant des tendances écologiques plus antiautoritaires qui mettent l’accent sur des activismes du genre « droit à la ville ». Elles convergent toutes sous la bannière de la plate-forme Taksim Solidarity dont le principal cheval de bataille est d’empêcher la transformation de la ville en un terrain de jeu capitaliste encore plus élaboré, construit en lieu et place des espaces publics. Ce n’était pas leur première campagne contre la rénovation urbaine. Il y a deux mois, des affrontements ont éclaté entre des cinéastes et la police qui a déployé les gaz et les canons à eau. Les cinéastes essayaient de sauver un célèbre cinéma turc, Emek, condamné à devenir lui aussi un énième centre commercial.

Il est important de noter que certains des protagonistes qui sont impliqués dans la bataille pour le parc de Gezi sont aussi derrière les manifestations de solidarité avec les immigrés et des actions telles qu’offrir des repas aux immigrés ou organiser des manifestations devant les centres de détentions d’immigrés à Istanbul.

La bataille pour sauver le parc de Gezi n’était pas portée à la conscience du public turc jusqu’à ce que la police organise des raids deux matins d’affilée les 29 et 30 mai. L’outrage de la brutalité policière a été l’étincelle qui a embrasé le pays tout entier et qui a transformé la bataille en une rébellion nationale contre l’actuel gouvernement.

Néolibéralisme islamique

L’AKP, le parti au pouvoir, devrait être observé à la lumière du paysage géopolitique du Moyen-Orient qui est en pleine mutation. Il a des racines fortes dans l’islam politique et perpétue la tradition d’autres partis politiques issus des années 90 qui avaient été réprimés par l’armée, parfois alors qu’ils étaient au pouvoir. En fait, Erdogan lui-même a d’abord été emprisonné pour avoir incité publiquement à une « sédition islamique ». L’aspiration avouée d’Erdogan et de ses cadres est le « projet néoottoman » qui tend à faire de la Turquie la principale puissance économique et politique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Les coups de force politique d’Erdogan en Syrie et en Libye doivent être contextualisés avec ces aspirations.

À la différence de l’Union européenne et des États occidentaux, la Turquie a connu ces dernières années un important boom économique (avec une croissance annuelle de presque 10 %). Bien que le déficit commercial et le taux réel de chômage soient élevés, bien que ce qui restait dans les mains publiques soit bradé au travers de privatisations massives, la crise est contenue en Turquie et le gouvernement actuel a le vent en poupe sur ce plan. C’est ce qui fait de la révolte d’Istanbul une révolte à part. C’est une révolte contre le développement du boom économique, contre les projets destructeurs de rénovation urbaine et l’hyper modernisation des villes. Le soulèvement d’Istanbul illustre le pôle opposé dans la lutte permanente contre le capitalisme, et complète les combats menés contre l’austérité ces dernières années.

La Turquie a été l’une des premières cibles de la restructuration néolibérale des années 80, durant laquelle le premier ministre Turgut Özal a facilité des privatisations massives portant sur ses usines, ses mines et de manière générale, sur toutes les infrastructures du pays. Le gouvernement AKP, et Erdogan en particulier, a réussi à faire entrer ce régime néolibéral dans le 21e siècle, recouvert d’un populisme islamique. De plus, sur le marché mondial, il a réussi à promouvoir en tant que forces néolibérales les entreprises qui avaient une base islamique. Ceci peut être notamment observé dans le nord de l’Iraq où la majeure source de capitaux est en réalité turque. Nous devrions nous rappeler que le modèle turc a été proposé par les puissances occidentales comme une issue possible pour les soulèvements qui ont marqué les printemps arabes. Grâce aux combats menés ces derniers jours dans les rues de Turquie, ce modèle de néolibéralisme islamique est maintenant remis sérieusement en question.

Erdogan et la lutte kurde

Les aspirations d’Erdogan n’ont pas totalement été épargnées par la contestation. Il y a eu des menaces variées contre son régime, notamment de la part d’un cadre de généraux et d’intellectuels qui se voient comme des défenseurs de la Turquie en tant qu’État-nation séculaire. Ils ont envoyé à Erdogan plusieurs signaux d’avertissement ces dernières années. La contre-réaction d’Erdogan la plus significative est survenue lorsqu’il a lancé une opération policière dans plusieurs villes contre une douzaine de membres de l’armée, d’intellectuels et de figures publiques alléguant qu’elles préparaient un coup d’État. Ces opérations de police ont débouché sur des affaires criminelles connues sous le nom d’Ergenekon qui sont toujours en cours. Il est impératif de réaliser tout l’impact de ces arrestations et des procédures judiciaires qui ont suivi. Il s’est produit quelque chose sans précédent dans cette nation qui a connu des coups d’État militaires successifs : les arrestations et les procès d’officiers militaires de haut rang et d’autres personnes ont rencontré des ralliements et des manifestations autour de la Turquie alors que des foules immenses qui se sont trouvées mêlées à la montée de l’AKP ont défendu l’élite de l’ancienne garde séculaire. Ces arrestations et ces emprisonnements expliquent aussi pourquoi il n’y a toujours pas eu de réponse de l’armée turque à la situation actuelle, alors qu’elle est traditionnellement un acteur majeur dans la politique turque.

La prolifération du sentiment nationaliste turc dans l’actuel soulèvement est une conséquence directe d’événements menés ces dernières années. Les partis de centre gauche nationalistes avaient organisé des « flag-demos » ou des « Rassemblements pour la république » contre l’actuel gouvernement AKP. À ce moment précis de la rébellion, nous sommes donc témoins de l’opportunisme de ces forces politiques qui essaient d’influencer ce qui apparait de loin comme un véritable soulèvement populaire.

N’importe quelle analyse de l’actuel soulèvement turc doit prendre en considération la relation avec le mouvement kurde de libération. Le point central des politiques turques ces dernières années a été indubitablement la guérilla kurde pour l’autonomie lancée par le PKK en 1978. Au cours des derniers mois, Erdoğgan a effectivement négocié un accord de paix avec le chef du PKK, Abdullah Öcalan, qui a croupi dans une île-prison turque depuis 1999. Erdogan tente de se positionner comme le leader qui a résolu le problème le plus urgent dans le pays. Ça ne lui a pas seulement fourni une carte blanche pour les politiques turques (son régime a brutalement oppressé et emprisonné de nombreux gauchistes et autres figures de l’opposition ces dernières années), mais ça l’a aussi amené à se présenter comme un pacificateur entre deux ethnies. La convergence récemment redynamisée entre une large part de la gauche turque et le mouvement kurde est devenue plus fragile du fait de l’accord conclu par Erdogan. Les gens se demandent toutefois quelle part joue le processus de paix dans ses desseins néoottomans.

C’est sans doute l’une des principales questions du moment : comment le mouvement dans les rues va-t-il se figer et quel type de relations aura-t-il avec la lutte kurde ? La grande majorité de ceux qui ont initié l’occupation du parc de Gezi et qui ont combattu la vision d’Erdogan sur le développement d’Istanbul sont en totale solidarité avec le peuple kurde. Mais pour les masses qui ont inondé les rues avec des drapeaux turcs, c’est une autre histoire. Au mieux, elles critiquent le fait qu’Erdogan utilise le processus de paix pour renforcer son emprise. Au pire, ce sont des gros racistes qui voient les Kurdes comme des terroristes. Malgré le danger, les récents développements dans la rue sont prometteurs. Des gens rapportent avoir été les témoins de déploiement de drapeaux mêlant l’étendard turc et le portrait d’Ocalan ou de l’imbrication de chants qui d’un côté souligne la fraternité entre les différentes ethnies et de l’autre célèbre l’identité nationale turque.

L’insidieux conservatisme social

Le soulèvement contre Erdogan est nourri par un insidieux conservatisme social poussé par l’AKP en vue de cultiver sa base. Ces politiques conservatrices se sont manifestées dans différents domaines : accès coupés à des cliniques d’avortement, contrôle plus strict sur Internet et les communications, restrictions et taxes sur la consommation d’alcool et amplification des vacances islamiques parrainées par l’État. Ces mesures politiques ont rencontré des manifestations soutenues par des milliers de participants qui ont défilé dans les mêmes rues que celles où se concentre l’actuelle rébellion. Elles ont précédé le mécontentement actuel.

Le style personnel d’Erdogan en tant que premier ministre est un facteur majeur qui influence la colère viscérale observée dans les rues. Dans presque tous ses discours publics, que ce soit dans un rassemblement politique ou lors d’une interview télé, Erdogan attaque, menace et se montre condescendant envers tous les segments sociaux-politiques, excepté le sien. Cela va de l’insulte flagrante au renvoi proféré avec le ton énervé d’un chien enragé de la politique. Ces dernières déclarations durant le soulèvement étaient exemplaires et n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu alors qu’il désignait de manière arrogante les personnes descendues dans la rue comme « une poignée de pillards et d’extrémistes ».

Le lien crucial entre la politique culturelle conservatrice de l’AKP et sa politique économique néolibérale doit être révélé. De cette manière, la classe moyenne kémaliste qui a massivement participé au soulèvement réalisera qu’elle ne peut pas repousser le conservatisme culturel sans se confronter aux politiques économiques. Si elle réussit, elle pourra être ralliée par les classes plus pauvres qui sont actuellement enclines à soutenir l’AKP sur sa base culturelle.

Le premier jour de ce soulèvement populaire a été totalement spontané et hors du contrôle de n’importe quel parti politique. Toutes les contradictions, par exemple celle entre la gauche radicale et les nationalistes turques, ont été momentanément mises de côté pour combattre la police et construire des barricades qui permettraient de tenir les places et les boulevards d’Istanbul. Ce qui reste à voir, c’est si oui ou non c’est grands espaces publics tels que le parc de Gezi ou la place Taksim seront le théâtre où les contradictions entreront dans un dialogue révolutionnaire pour donner naissance à un mouvement que nul ne pourra arrêter en Turquie.

Ali Bektas

publié en anglais dans Counterpunch : http://www.counterpunch.org/2013/06...

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6 Messages

  • En passant : d’arbres et de Raki…

    La conjonction entre la tentative de destruction des 600 arbres du parc Gezi d’un côté et le vote d’une loi restreignant la consommation d’alcool de l’autre, qui est à l’origine des émeutes et des manifestations, n’a rien de fortuite puisqu’Erdogan ne cache pas préférer que les jeunes se promènent dans les allées d’un centre commercial plutôt que (selon ses mots) « de déambuler en état d’ébriété » dans le centre-ville. Mais il ne s’agit pas non plus seulement d’une manie d’islamiste ou d’une histoire de gros sous (ainsi la rénovation du centre ville est confiée à un groupe dirigé par le gendre du premier ministre), puisque les questions de restructuration urbaine et de sécularisation se croisent depuis et pour longtemps, dans une ville et un pays sur ces deux points assez « symptomatiques »[1].

    L’exode rural, qui se poursuit, a multiplié par 9 la population de la ville en 50 ans, mais, selon un schéma classique, ne s’est pas accompagné d’une industrialisation équivalente et encore moins d’une hausse du niveau de vie avec le maintien d’un très important secteur informel, ce qui a provoqué tout à la fois une prolifération des constructions illégales, qui abriteraient la moitié de la population de la ville et une ruée générale sur la rente foncière, ce qui a permis aux politiciens, seuls aptes à légaliser les « faits accomplis », de se créer une clientèle selon des lignes religieuses, ethniques ou politiques[2].

    Or depuis les années 2000, la mairie et le pouvoir national, devenus tous deux islamistes, se sont engagés dans une restructuration tout azimut. Il y a bien sûr la volonté de développer Istanbul, carrefour ultra stratégique et point central d’acheminement du pétrole de la Caspienne, comme« hub international », d’où les projets pharaoniques de « kanal Istanbul », visant à désengorger le détroit du Bosphore, de nouvel aéroport ou d’un nouveau pont vers l’Europe avec autoroutes concomitantes. Dans le même temps, les autorités tentent d’accélérer la touristification ( d’où les expulsions répétées des migrants et tziganes qui squattent la « muraille terrestre d’Istanbul » ce qui a parfois donné lieu à des émeutes) et la gentrification du centre ville pour remplacer les pauvres par l’islamo-bourgeoisie montante ( multiplication de « gated communities » construites dans le « style néo-ottoman » et de centres commerciaux, vente par l’Etat de ses biens fonciers ce qui provoque une envolée de la spéculation et des prix) aidé d’ailleurs en cela par la nomination de la ville comme capitale de la culture en 2010 ( Cf. . actuellement Marseille).

    Et, dernier enjeu, c’est probablement aussi une restructuration industrielle de grande ampleur qui est en train de s’engager, puisqu’il s’agit à moyen terme de mettre fin à la prédominance du vieux secteur textile, mis à mal par la concurrence chinoise, et par là au poids du secteur informel dans la ville et dans le pays. Les recommandations de l’OCDE dans son rapport économique de 2012 sur la Turquie, sont sur ce point éclairantes : « Seules les réformes réglementaires visant à faire baisser les coûts et accroître la flexibilité peuvent réduire le secteur informel. Pour cela un nouveau contrat de travail plus flexible, des indemnités de licenciement moins généreuses, la légalisation du travail temporaire et intérimaire et des salaires plus bas sont nécessaires. »

    Entre mesures d’ordre public à connotation morale (interdiction de vente d’alcool prés des mosquées), instrumentalisation des conflits ethniques (la question Kurde) ou religieux (Cf. l’islam libéral des Alevis) et considérations architecturales, la restructuration urbaine est ainsi souvent une remise en cause plus ou moins opportuniste de la sécularisation kémaliste, tout en gardant la mouture autoritariste qui la caractérisait (Cf le petit jeu entre provocation, manœuvres de diversion et l’attaque en cours place TAKSIM).

    Cette intrication des deux questions contribue probablement au caractère « interclassiste » du mouvement, avec ses limites, mais aussi ses possibles (sur la question de l’interclassisme voir Tel quel in Théorie Communiste n°24).

    D’ailleurs, se battre pour le droit de siroter un raki sous les arbres est plutôt un bon départ pour une révolution…

    [1] Il ne s’agit bien évidemment pas de défendre ici une sécularisation kémaliste qui fut menée d’en haut, avec beaucoup de brutalité (massacres ethniques, écrasement de la révolte contre l’interdiction du port de Fez) dans une tentative radicale de changement des modes de vie (changement du système métrique, de calendrier, d’écriture, etc..) à mi-chemin entre le fascisme (corporatisme) et le stalinisme.

    [2] On trouve un très bon panorama de la question dans l’article Istanbul, approche géopolitique d’une mégapole de Stéphane Yérasimos paru dans le n°103 (2001) de la revue Hérodote.

    http://restrusansfin.canalblog.com/archives/2013/06/11/27377894.html

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    • Un avertissement de la Turquie d'Erdoğan

      Alp Altinörs


      Alp Altınörs est un journaliste de gauche, membre du Congrès Démocratique du Peuple (HDK), un mouvement qui regroupe des Kurdes, des Arméniens et des groupes de gauche, allié au BDP (Parti pour la paix et la démocratie), représentation politique légale du mouvement kurde. Il est aussi membre de l’Initiative Taksim Solidarité.
      Il a été blessé à la tête par la police lors de l’évacuation de la place Taksim dans la matinée du mardi 11 juin 2013.
      Au lendemain du 1er mai, soit tout juste quatre semaines avant le début du soulèvement en Turquie, il avait écrit un article résumant la politique d’Erdoğan et de l’AKP depuis leur accès au pouvoir, qui se terminait par une certitude et une sorte de vœu annonciateur presque prophétique : « La lutte de notre peuple pour la liberté et la démocratie se poursuit donc, et plus le gouvernement de l’AKP persiste dans sa politique d’exploitation économique et impérialiste, plus elle aura besoin de répression, plus le peuple de Turquie résistera à sa domination. Notre résistance déterminée ouvrira la voie à un rejet populaire de leur domination, un jour. »

      Souvent cité comme un modèle pour les pays du Printemps arabe, la Turquie est marquée par un fossé énorme entre riches et pauvres ainsi que par la répression étatique implacable des syndicalistes, des journalistes, des étudiants et des nationalistes kurdes

      Ahram online, le jeudi 2 mai 2013

      Original : http://english.ahram.org.eg/News/70439.aspx

      Dans le monde arabe, notamment en Tunisie et en Egypte, le soi-disant ‟modèle turc” est devenu l’un des principaux slogans de la propagande des forces réactionnaires.
      Les gouvernements d’Enahda en Tunisie et des Frères musulmans en Egypte semblent croire que le succès du Parti de la Justice et du Développement (AKP) de M. Erdoğan en Turquie peut leur donner l’espoir du succès et de la popularité qu’ils sont en train de perdre de leur propre fait.
      Les réalités économiques qui se cachent derrière cette image brillante de la Turquie donnent cependant une image différente. Il est vrai que l’économie turque a connu une certaine croissance économique sous le gouvernement de M. Erdoğan ; le PIB a augmenté entre 2002 et 2012, en moyenne annuelle de 4,9% (à l’exception de 2009, où le PIB a chuté de 4,8%). En 2012, cependant, le taux de croissance a chuté à 2,2%.

      Pillage du capital financier impérialiste

      La force principale derrière cette croissance a été le capital étranger. Selon les chiffres de la Banque centrale de Turquie, les importations turques qui se sont élevées à 36 milliards de dollars pour la période 1984-2001 ont été multipliées par sept, à 281,4 milliards de dollars dans la période 2002-2012.
      Les entrées nettes de capitaux en Turquie ont augmenté au même rythme, passant de 65 milliards de dollars durant la période 1980-2002 à 484 milliards de dollars sur la période 2002-2012.
      Ces chiffres montrent le degré avec lequel l’économie turque a été intégrée dans l’économie-monde capitaliste durant les gouvernements d’Erdoğan.

      Les capitaux étrangers sont entrés en Turquie essentiellement pour deux raisons : d’une part en raison de la “hot money”, le capital-argent investi dans des obligations d’Etat, les crédits et les actions en bourse, et d’autre part, en raison de l’investissement direct en capital, qui est venu acheter des entreprises publiques privatisées et des actifs. Dans l’ensemble, les investissements directs ont représenté moins de 20% du total des flux de capitaux au cours de cette période.
      Les données de la Banque Centrale montrent qu’entre 2002 et 2012 – soit durant les années Erdoğan – le total des transferts de recettes de la Turquie vers l’étranger s’élevait à 120 milliards de dollars, dont 78% représentait des transferts d’intérêt.
      C’est-à-dire, qu’au cours des 10 dernières années, le capital financier impérialiste a effectivement pillé le pays, emportant 120 milliards de dollars de valeur totale du surplus créé par les masses laborieuses de Turquie – 93 milliards de dollars pour le seul service de la dette, bien que les économistes n’insistent pas sur cette forme de vol aggravé.

      Dictature du 0,5% supérieur

      Une analyse de la répartition des revenus dresse un tableau encore plus sombre de la situation socio-économique en Turquie. Les données de l’enquête récente du ministère de la Famille et des Droits Sociaux ont montré que près de 40% de la société turque vit au niveau ou en dessous du salaire minimum, fixé à 773 livres turques (TL) par mois [1 TL = 0,40 euros, le salaire minimum mensuel équivaut donc à 308 euros].
      En outre, 6,4% des familles turques vivent avec moins de 430 TL par mois [172 €], un niveau qui ne rapporte que la faim et la malnutrition. Au-dessus de ces deux segments, 23,1% des familles turques vivent avec un revenu mensuel de l’ordre de TL 815-1,200 [325-480 €], c’est-à-dire juste au-dessus salaire minimum.
      Ensemble, ces trois secteurs représentent 61,6% de la société turque, un peu moins des 2/3 du pays.
      Les familles de la ‟classe moyenne” représentent la majeure partie des 38,4% restants de la population. Celles-ci sont classées comme les familles qui gagnent un revenu se situant entre 1200 et 5500 TL [entre 480 et 2200 €]. Pour être exact, ce segment représente environ 37,3% de la population.
      Cela laisse un petit segment de la société, qui représente environ 1,2% de la population totale des familles turques. Ce segment comprend les familles à revenu élevé qui gagnent plus de 5.500 TL par mois.
      La majorité des familles de cette catégorie supérieure pourrait être classée comme familles de la ‟classe moyenne supérieures”, mais un revenu mensuel de 5.500 TL est bien inférieur au niveau nécessaire pour classer son propriétaire dans la bourgeoise en Turquie. La vraie bourgeoise en Turquie ne représente qu’une fraction de ce segment déjà minuscule.

      Les données publiées par le Conseil de la réglementation et du contrôle bancaire (BDDK) suggèrent que la classe bourgeoise en Turquie ne représente que 0,5% de la population. Selon les données BDDK, les 0,5% les plus importants comptes bancaires dans les banques turques détiennent 63% du total de l’argent déposé dans les comptes.
      Dans le même temps, 97,5% de tous les comptes ont moins de 50.000 TL [20 000 euros]. Les dépôts bancaires sont une meilleure mesure de la richesse accumulée que les revenus, et donc nous pouvons dire que 0,5% de la société turque monopolise maintenant les 2/3 de la richesse du pays.

      L’AKP a non seulement augmenté les inégalités sociales en Turquie, mais elle a ouvert les portes de ce club des 0,5% de riches aux islamistes, c’est-à-dire à la bourgeoisie de la Turquie.
      Avant l’ascension de l’AKP au pouvoir, les généraux au pouvoir refusait l’entrée des islamistes dans ce club de super-millionnaires. Maintenant, les hommes d’affaires islamistes entrent dans cette strate facilement, et évidemment leur entrée n’a pas changé le caractère de ce club.
      Quant aux pauvres, le gouvernement semble maintenant se contenter de redistribuer une partie infime des ressources nationales – bien entendu, pas comme un droit, mais comme un pot de vin de facto que l’on reçoit si vous votez pour l’AKP.

      Le chômage

      En 2001, le taux de chômage officiel a oscillé autour de 10,3%. Ce fut l’année de la grande crise économique en Turquie. Depuis lors, – c’est-à dire au cours des 12 ans de gouvernement de l’AKP – le chômage n’est jamais tombé en dessous de 9,5%, un niveau qui se maintient actuellement.
      Cependant, les taux de chômage officiels sont notoirement peu fiables. Les syndicats, par exemple, estiment le chômage à 15%, tandis que le chômage des jeunes est estimé à 23%, car il se développe à un taux beaucoup plus élevé que le chômage moyen dans la société.

      Le point à souligner ici, c’est que, alors que la Turquie a réussi à maintenir un taux de croissance économique d’environ 5% par an au cours de la dernière décennie, cela n’a pas réussi à faire baisser le niveau du chômage. Quelques soient les statistiques du chômage que vous prenez, la Turquie est toujours autour du taux de chômage de l’année de la crise de 2001.
      En d’autres termes la croissance a été accompagnée avec peu d’avantages sociaux, et derrière cela la raison renvoie à sa nature d’extrême exploitation, de telle sorte qu’un travailleur doit faire le travail de trois pour garder son emploi.

      La détérioration des droits syndicaux en Turquie a contribué à protéger cette exploitation. Les ouvriers d’usine ont été contraints de rester loin de syndicats, ce qui a ouvert la voie à la ‟sous-traitance” qui est devenue la forme dominante des relations de travail.

      Sur une force de travail d’environ 10 millions de travailleurs, 700.000 sont membres d’un syndicat. La taille du segment des travailleurs qui a le droit de conclure des contrats collectifs est encore plus faible. Pendant le règne de l’AKP, la partie de la main-d’œuvre dans la sous-traitance (appelés travailleurs ‟taşeron” en turc) a augmenté en fait de 387.000 à 1,6 million de travailleurs.
      Le gouvernement Erdoğan a encouragé cette transformation et a tenté de l’amplifier plus d’une fois. Il a modifié, par exemple, le droit du travail pour légaliser plusieurs formes de travail ‟lean” [‟au plus juste”, toyotiste] et ‟flexible” ». Les travailleurs taşeron sont pratiquement interdits de syndicalisation et cette situation détruit les bases mêmes du conflit social.
      Les agriculteurs turcs sont dans une situation encore pire ; leurs coûts de production atteignent presque le même niveau que leurs revenus et nombre d’entre eux ont dû quitter l’agriculture, laissant les villages rejoindre la vaste population au chômage des villes.

      La répression derrière la croissance

      Le gouvernement de l’AKP fait usage d’une répression impitoyable afin de maintenir ce haut niveau d’inégalité et d’exploitation.
      Les prisons turques contiennent près de 10.000 prisonniers politiques. Ils viennent d’horizons différents ; socialistes, Kurdes, islamistes et ultra-nationalistes. Beaucoup d’entre eux ont été condamnés à la prison en vertu des lois anti-terroristes.
      La diversité même de ces prisonniers démontre le rôle politique de ces lois et de la répression qu’ils cherchent à déployer. Un tiers des personnes emprisonnées dans le monde entier sur la base des ‟lois anti-terroristes” sont en Turquie, ce qui montre combien il est relativement facile de condamner des personnes pour terrorisme sous le régime de l’AKP.

      La liberté d’expression a également souffert de la répression de l’AKP. Selon la plate-forme de solidarité avec les journalistes emprisonnés, 70 journalistes sont emprisonnés en Turquie aujourd’hui. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et Reporters sans frontières (RSF) a ainsi déclaré la Turquie comme un « leader mondial » de l’emprisonnement des journalistes. Le gouvernement, en revanche, refuse d’admettre que ces journalistes ont été emprisonnés pour leur journalisme d’opposition, et insiste pour les qualifier selon les lois qui ont été utilisés pour les condamner, comme ‟terroristes”.

      La plupart des journalistes condamnés appartiennent soit à la gauche ou à la presse nationale kurde. Les chroniqueurs des grands médias traditionnels et les diffuseurs de télévision ont réussi à éviter ce sort, du moins jusqu’à maintenant. Néanmoins, ils ne sont pas à l’abri des intimidations du gouvernement. Ils perdent leur emploi chaque fois qu’ils franchissent la ligne en critiquant le gouvernement.

      Le cas d’Ece Temelkuran est l’un des exemples les plus notoires de cette politique d’intimidation des médias. Jugeant que Temelkuran a franchi la ligne, Erdoğan a fait pression sur "Milliyet", un des principaux journaux de Turquie, pour qu’il licencie Temelkuran malgré sa notoriété et sa présence dans la presse internationale.
      Le sort de Temelkuran ne représente pas un cas isolé. Beaucoup de grands rédacteurs des médias qui s’opposent au gouvernement de l’AKP ont perdu leur emploi, tandis que le parti continue de ‟nettoyer” la sphère publique de toute critique progressiste du gouvernement.

      L’AKP également réprimé le droit de grève et de se syndiquer, comme mentionné précédemment. Au cours des dix dernières années, le gouvernement a interdit nombreuses grèves et mené une guerre systématique contre de nombreux secteurs syndicaux.
      L’année dernière, par exemple, le gouvernement a tenté de faire passer une loi interdisant les grèves dans le secteur du transport aérien. Bien que la résistance des travailleurs de ce secteur ait réussi à entraver leur plan général, la Turkish Airlines a quand même réussi à obtenir le soutien nécessaire du gouvernement pour licencier 300 de ses travailleurs.
      Le transport aérien n’est qu’un des nombreux secteurs auxquels l’AKP s’est attaqué. Les salariés du secteur public, notamment les travailleurs des écoles et des hôpitaux, se voient refuser le droit de grève, par exemple. La police a également perquisitionné les bureaux des syndicats de salariés du secteur public de nombreuses fois. Aujourd’hui, il y a 125 membres de la Confédération des employés du secteur public (KESK) en prison sur des accusations, encore une fois, de ‟terrorisme”. Il n’est pas difficile de voir comment la Turquie a réussi à obtenir un des plus hauts taux de condamnés pour ‟terrorisme” dans le monde.

      Naturellement, un gouvernement qui va aussi loin n’épargne pas l’activisme étudiant dans sa répression. Environ 850 militants étudiants sont actuellement en prison pour avoir manifesté en faveur de l’éducation gratuite ou contre la répression fasciste et l’oppression du peuple kurde.
      Bon nombre d’entre eux ont été condamnés à de lourdes peines de prison, allant de six ans à des peines de perpétuité. Dans les mises en accusation, l’Etat met en avant comme ‟preuves” d’avoir commis des ‟activités criminelles” le fait d’avoir participé à des manifestations, crié des slogans, ou même de lire le Manifeste du parti communiste.
      Le gouvernement de l’AKP a aussi été le principal oppresseur du peuple kurde. Bien que l’AKP a récemment fait part de son intention de modifier sa politique à l’égard du peuple kurde – comme le montre le fait qu’ils ont opté pour le dialogue avec Abdullah Öcalan, qui est retenu prisonnier sur l’île d’Imrali – cela ne signifie pas qu’ils ont abandonné leur politique d’oppression envers les Kurdes.
      L’éducation en langue kurde est toujours interdite ; parmi les prisonniers politiques, 8.000 appartiennent au mouvement kurde, 1.500 jeunes des deux côtés sont morts au cours de la guerre féroce qui a opposé la guérilla populaire kurde à l’armée (une guerre qui a été dirigée par le gouvernement de l’AKP).
      Le massacre du village d’Uludere-Roboski en 2011 a été l’une des pires atrocités de ce processus sanglant. Des avions de combat F-16 ont bombardé un groupe de paysans civils kurdes qui s’adonnaient à du commerce transfrontalier. Ce bombardement a causé la mort de 34 paysans, essentiellement des jeunes. Naturellement, cela a déclenché des protestations énormes dans tout le pays. Mais, alors que le gouvernement était clairement responsable, car c’est lui qui a ordonné ce bombardement, personne n’a été, à ce jour, tenu responsable de ce crime.

      La transformation du Sultanat

      Aussi atroce que soit ce niveau de la répression et d’autoritarisme, cela ne semble pas suffire au désir de l’AKP de monopoliser le pouvoir dans le pays. Erdoğan a récemment présenté une proposition destinée à resserrer son emprise sur toutes les formes du pouvoir d’Etat, en proposant de modifier la Constitution afin de transformer le système politique turc en un système présidentiel.
      Sa proposition de transférer la plupart des pouvoirs étatiques au président, le transforme pratiquement en un sultan. Cela donne aussi au président le droit de dissoudre le parlement, de choisir la moitié des membres de la Cour suprême, et d’opposer son véto à des lois approuvées par le Parlement, en plus de ses pouvoirs gouvernementaux, bien sûr.
      Sa proposition est, en un mot, une tentative pour institutionnaliser un état policier fasciste, qui sera dirigé par le gouvernement de l’AKP. Elle est opportune, car elle vient faire pencher l’équilibre du pouvoir, ce qui a été la politique de gouvernement de l’AKP, des mains de l’armée vers celles de la police. L’AKP en est venu progressivement à s’appuyer de plus en plus sur son contrôle de la police.

      Cela a été un long chemin depuis que le gouvernement AKP a combattu le pouvoir semi-militaire exercé sur la machine de l’Etat. Lors de ses tout débuts, l’AKP a utilisé pour se maintenir le slogan de ‟suprématie civile”. Grâce à ce slogan, ils ont eu le soutien de nombreux secteurs libéraux qui s’opposaient au pouvoir militaire.
      Mais dès qu’ils ont réussi à mettre la main sur le pouvoir de l’État, ils ont utilisé ce pouvoir, non pas pour le démocratiser, mais pour installer un régime répressif qui leur soit propre. Le régime fasciste semi-militaire qui a été dirigé par les généraux laïques a finalement été transformé en un régime fasciste civil dirigé par les islamistes ‟modérés”.

      La lutte de notre peuple pour la liberté et la démocratie se poursuit donc, et plus le gouvernement de l’AKP persiste dans sa politique d’exploitation économique et impérialiste, plus elle aura besoin de répression, plus le peuple de Turquie résistera à sa domination. Notre résistance déterminée ouvrira la voie à un rejet populaire de leur domination, un jour.

      Le 2 mai 2013

      Traduction : XYZ pour OCLibertaire


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      • Vagues d’arrestations... 18 juin 2013 20:47

        L’auteur de l’article "Un avertissement de la Turquie d’Erdoğan", que nous avons publié ici, Altinörs Alp, a été arrêté ce mardi 18 juin dans le cadre des rafles policières de la matinée qui ont touché plusieurs dizaines de personnes dans tout le pays. Le journal Hürriet parle de 193 arrestations rien qu’à Istanbul.

        Parmi les endroits perquisitionnés, figurent le l’Agence de presse Etkin à Istanbul et le journal Atılım. Après les contrôles sanitaires, les détenus ont été envoyés au département de police d’Istanbul rue Vatan.

        NTV mentionne également l’arrestation de 30 personnes à Ankara, de 13 autres à Eskisehir (nord-ouest) et des opérations de la police dans 18 autres provinces.

        Peu d’informations fiables sortent pour l’instant.

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  • Emission en anglais sur la Turquie

    13 juin 2013 01:13, par Radio Sterni

    Emission jeudi 13 juin de 21h30 à 22h30

    With two people from the support group in Berlin, Germany, we would speak about the revolt in Turkey. With some fresh beer and turkish music.

    A écouter sur http://radiosterni.qsdf.org
    (ou à télécharger dans les jours qui suivent sur http://radiosterni.qsdf.org/Archives-podcast)

    Voir en ligne : Radio Sterni

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    • De Gezi à Gazi

      Loin de Taksim et du parc Gezi. Le soulèvement dans un quartier populaire d’Istanbul


      Le quartier Gazi d’Istanbul, théâtre de violents affrontements, malgré la détente du parc Gezi

      Le quartier alévi principalement ouvrier du quartier de Gazi à Istanbul continue de connaître de violents affrontements avec la police. Les affrontements ont éclaté longtemps après que les forces de sécurité se soient retirées de la place Taksim, laissant le Parc Gezi et la place être occupés par les manifestants.

      Chaque soir, depuis le début des troubles, plus de 15.000 personnes se rassemblent à 21 heures, à Sultanbeyli n dans centre du quartier de Gazi, selon les informations du quotidien Radikal publiées le 10 juin.

      Les manifestants utilisent la même méthode que les occupants de Taksim, bloquant l’entrée du quartier avec des barricades et s’affrontant avec la police pour empêcher une intervention dans la manifestation.

      La police utilise des TOMA, véhicules utilisés pour intervenir lors d’incidents publics, des canons à eau et du gaz lacrymogènes pour disperser le groupe.

      Veli Gülsoy, le responsable de Gazi Cemevi (maison de culte des Alévis) a déclaré que ce qui se passait dans le quartier de Gazi était une réaction au gouvernement par des gens ordinaires, a rapporté le quotidien Radikal.

      Gülsoy également déclaré nommant que la décision d’appeler le troisième pont d’Istanbul après du nom d’un sultan ottoman historiquement connu pour avoir massacré les Alévis ‟Yavuz Sultan Süleyman” était une raison importante pour que les habitants se soulèvent.

      Le quartier, majoritairement peuplé par des Alévis, a été le témoin de manifestations de masse en 1995 après que 23 personnes aient été tuées en quatre jours de troubles, dont 17 par les balles de la police, selon les rapports de la médecine légale.

      Ces événements, connus comme les émeutes de Gazi, ont été déclenchés après que des assaillants non identifiés aient ouverts le feu au hasard sur les gens dans un café du quartier en mars 1995, blessant des dizaines de personnes et en en tuant deux, dont l’une était un chef religieux alévi. Les habitants, qui ont rendu responsable du décès la réponse inadéquate de la police, ont envahi les postes de police et ont commencé un bref soulèvement. Celui-ci n’a été contenu qu’après le déploiement de soldats dans le quartier à la place de la police détestée.

      « Maintenant, la situation dans Gazi est encore pire que ce qui s’est passé en 1995 », a déclaré un membre du Parti de la Démocratie Socialiste (SDP), cité par le service turc de la BBC.

      « C’est un quartier politiquement motivé, un endroit politisé. Il n’y a pas une seule personne ici qui n’a pas goûté aux gaz lacrymogènes », a déclaré Halil Sönmez, un membre du SDP âgé de 25 ans.

      Sönmez a été frappé par deux grenades de gaz lacrymogène la semaine dernière, selon le rapport.

      Les troubles, qui ont entraîné la mort de trois personnes – un policier et deux manifestants – et près de 5.000 blessés à travers le pays, se poursuivent comme dans la capitale Ankara.

      Le 10 juin

      hurriyetdailynews.com


      Gazi, la zone de guerre des « infidèles »

      C’est l’un des quartiers d’Istanbul à majorité alévie, secte non reconnue officiellement

      De Gezi à Gazi, il faut une heure et demie en bus. Gezi est le campement dans lequel des charges policières brutales contre une manifestation écologiste ont enlevé l’innocence à une génération de jeunes de la classe moyenne et haute. Dans le quartier de Gazi, l’innocence a été perdue il y a 18 ans. Les troubles de la Turquie ont leur dérivé dans ce quartier situé au nord-ouest d’Istanbul, où les barricades illuminent les nuits comme des tisons dans le noir.

      Ce quartier ouvrier ressemble à n’importe quelle autre banlieue. Mais dans ses rues, au milieu des façades en brique rouge, il y a des histoires d’oppressions séculaires et les soulèvements contre les gouvernants, qui ont toujours été l’ennemi. Gazi est l’un des rares districts d’Istanbul, dont la majorité de la population se réclame de la secte alévie. Et c’est également le bastion du groupe armé Front/Parti révolutionnaire de libération populaire (DHKP/C).

      « Les protestations de Gezi ont donné aux jeunes de Gazi le prétexte pour se soulever de nouveau » explique Eyup Guneysel, fondateur de la communauté alévie du quartier à El Mundo. Eyup se souvient de mars 1995. L’assassinat par balle d’un vieux alevi par des inconnus, un meurtre qui a été suivi d’une émeute de quartier sauvagement réprimée par la police. Quatre jours plus tard, ils avaient 23 personnes tué et 400 autres blessées.

      L’alevisme est une secte d’origine médiévale qui combine le chamanisme atavique avec une interprétation peu orthodoxe de la branche chiite de l’islam. Pour Deniz Kaya, un Alévi, « être alévi est plus une attitude humaniste qu’une pratique religieuse ». La majorité des Alévis ne prie pas dans les mosquées ni ne jeune pour le Ramadan. Stigmatisés comme ‟infidèles” par les sultans ottomans, les Alévis ont subi cinq siècles de persécutions et de massacres. Jusqu’à aujourd’hui. Le gouvernement musulman sunnite d’Erdogan ne reconnaît pas officiellement le culte alévi, première minorité religieuse dans le pays après les sunnites.

      Il y a 15 millions d’Alevis en Turquie, d’ethnies kurde et turque, défenseurs sans faille de la séparation religion-état. « Ce rôle de minorité et des siècles d’oppression les a conduit à assumer le discours de la gauche », souligne Sinan Içer, mariée à un Alévi.

      Dans cette dérive vers la gauche, les Alevis en sont venus à militer dans des partis et des organisations telles que le DHKP/C, auteur de l’attentat-suicide du 1er février dernier à l’ambassade des Etats-Unis à Ankara. « Derrière le campement de Gezi, il y a des extrémistes liés à des groupes terroristes » a dit Erdogan la semaine dernière, en pensant aux habitants de Gazi. Depuis le milieu de l’après-midi, des hauts parleurs a rugi la chanson Bella Ciao dans tout le quartier. À cette heure là, la police, dont la caserne est située au bout de la rue Ismet Pacha, l’artère du quartier, a mis en position environ six petits blindés et quatre véhicules d’assaut. Alors que la nuit tombe, Gazi reste dans l’obscurité. Seuls fonctionnent les lampadaires qui sont en face de la caserne, réparés pour l’occasion.

      « Police assassins, hors de Gazi ! ». Des milliers de personnes crient dans l’obscurité. Il est 21 heures. Des rivières de personnes descendent les rues étroites du quartier, entre les cris et les concerts de casseroles, et convergent sur Ismet Pacha. Une fois arrivés là, ils marchent en directions de la caserne. Ils chantent : « coude à coude, unis contre le fascisme ! ». Dans une ruelle, dans la voie d’en face, apparaissent 14 personnes portant des cagoules, qui crient des salves de slogans en favorables aux guérilleros du PKK.

      Devant, des cagoulés commencent à lancer des cocktails molotovs en direction de véhicules de police garés côte à côte sur une extrémité d’Ismet Pacha, en face de la caserne. En arrière-garde, plus de 5 000 habitants, de tous âges, allument des feux de joie et crient à la mémoire de leurs ancêtres. La rue est remplie de barricades et de foyers, dont les flammes encouragent les jeunes, apparemment mineurs.

      Un porteur de cagoule tire des feux d’artifice sur les policiers. Les petits blindés répondent en crachant de l’eau sous pression. Soudain, une pluie apocalyptique de balles au gaz de poivre tombe sur les gens, qui fuient terrifiés. Certains ripostent en lançant ce qu’ils trouvent à portée de main. Et ça recommence. Cinquième nuit sans trêve dans l’enfer de Gazi, qui a déjà deux de ses jeunes, en état critique, aux portes du ciel.

      Lluis Miquel Hurtado

      El Mundo/ 10 juin 2013


      Traduction : XYZ pour OCLibertaire

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      •   

          
        Istanbul : le mouvement est faible, la répression est forte. (18 juin)
          
          
        19/06/2013

        Le camarade d’Istanbul nous a fait parvenir un second texte
          
          
        On sait depuis longtemps que rien n’est plus étranger à une lutte que sa propre fin. Mais à voir tout un tas de zozos qui tentent de poursuivre la protestation en se transformant en statue silencieuse (qui parfois tient un smartphone à la main), on constate à quel point la chose est littéralement pétrifiante.
        Il semble bien que les affrontements et les manifs nocturnes du week-end aient constitué le baroud d’honneur du mouvement. L’expansion/extension qui seules auraient pu lui permettre de se poursuivre n’ont pas eu lieu.

        Ces derniers jours, le pouvoir a montré les crocs. Après avoir délibérément déployé un très haut niveau de violence dans l’expulsion de samedi (usage de gaz dans les canons à eau, chasses à l’homme, attaque de l’hôtel qui servait d’hôpital…), il a annoncé le déploiement d’unité de flics et de gendarmes rapatriés du Kurdistan à Istanbul. Dimanche, les rues de tous les quartiers entourant la place Taksim étaient saturées de keufs qui dispersaient tous les groupes qui se formaient pour tenter de faire front. Beaucoup de civils, beaucoup d’arrestations (600 selon plusieurs sources), beaucoup de blessés encore. Des groupes pro-AKP ont commencé à se former, intimidant les manifestants, un molotov a été envoyé sur les manifestants (d’un bateau à un autre). Le gouverneur d’Istanbul a menacé de déployer l’armée, Erdogan a dit aux manifestants : vous avez tel et tel quartier avec vous, mais nous avons tel, tel et tel autre. L’ambiance est à la menace du retour aux années sombres, à la suspension des usages démocratiques. Le pouvoir joue sur la peur de la guerre civile, alors même que la situation est très loin d’être insurrectionnelle. On peut supposer que ça fait peur à beaucoup, étant donnée la composition sociale de la contestation – des gens que l’état de droit protège de fait.

        Lundi, grève et manif appelées par plusieurs syndicats de gauche, essentiellement dans la fonction publique. La grève est peu suivie, les syndicats décident de dissoudre les cortèges, guère massifs, dès lors qu’ils sont bloqués par les flics. Les syndicats ont clairement peu mobilisé, ce mouvement ne colle guère avec leur agenda politique. Ils ne sont pas enclins au rapport de force avec le gouvernement, et n’y sont pas forcés par leur base. Les forces politiques d’opposition cafouillent, elles étalent leur faiblesse, elles n’ont jamais su comment tirer profit du mouvement. Elles ne cherchent aucune victoire dans l’immédiat – tant mieux, sans doute, mais elles savent quand même affaiblir la dynamique d’affrontement dès lors que le mouvement n’a jamais cherché à les en exclure.

        Mardi matin, rafle au sein des organisations d’extrême gauche, qualifiés de terroristes par le pouvoir, qui dit vouloir condamner des gens à la prison à vie. Le chef des ultras de Çarsi est également arrêté. Ce n’est sans doute pas fini.

        La répression sait choisir ses cibles. On évoquait dans le précédent texte (« compte-rendu et analyse parcellaire de la situation à Istanbul ») la double composition du mouvement : d’un côté les militants de la mouvance d’extrême-gauche (maos, trotskos, Kurdes) plus ou moins autonomisés, auxquels se sont adjoints des ultras « anarchistes » rodés à l’affrontement de rue ; de l’autre la classe moyenne européenne de la ville. Ces deux composantes se sont impliquées avec des modalités assez clairement distinctes ; et désormais la répression creuse le fossé entre elles. La première composante a été frappée durement et va continuer à l’être. Certes, tout le monde a mangé du gaz et les arrestations ont été massives, dépassant le noyau dur des activistes et des « violents », mais pour la plupart, les garde à vue ont été de courte durée et sans suite. Le traitement est clairement différent, surtout depuis une semaine, et le mouvement ne s’en défend guère.

        Il y a encore beaucoup de traces du mouvement : dans les quartiers des classes moyennes occidentales, on continue à crier des slogans, à siffler et à taper dans des casseroles à heure fixe, et désormais on adopte ce truc débile de la pétrification. Mais c’est là une contestation morte, dénuée de rapport de force réel, et qui porte plus que jamais la marque d’une identité sociale et culturelle spécifique liée à la bourgeoisie kémaliste.

        De fait, l’ensemble de cette frange de la population a soutenu le mouvement parce qu’elle est naturellement opposée à l’AKP. Elle y a aussi participé, elle a été présente, mais il y avait aussi là quelque chose de l’ordre d’une affirmation de son existence en tant qu’élite sociale de ce qu’elle perçoit comme étant « son » pays menacé par un gouvernement qu’elle rejette. La distinction entre l’activité de lutte et la démonstration du soutien à son égard a souvent été flou – noyé dans un effet de masse censé porter le rapport de force.

        Cette activité de lutte a elle-même été limitée. Assemblée, occupations, grèves, blocages ont été inexistants. Certes, le parc a été durant toute la durée de la lutte un « espace libéré », et l’expulsion de la police du périmètre en a fait un lieu d’échange, de réappropriation du temps et de l’espace, d’élaboration de certaines pratiques d’expression, et de défense commune – et cette occupation a provoqué un blocage de fait, même si ce n’était pas son but assumé. Une puissance collective a bien été là ; elle a suscité de l’euphorie même chez les militants les plus aguerris – et d’un point de vue extérieur on a eu l’impression d’assister un sacré truc. La réaction à l’expulsion samedi soir (manifs nocturnes spontanées dans toute la ville avec blocage de certains axes) a même laissé entrevoir la possibilité d’une explosion de l’espace d’affrontement. Mais l’incapacité du mouvement à se doter d’autres perspectives – qui auraient supposé le développement d’un affrontement en son sein même – a provoqué son affaissement progressif, que le pouvoir a voulu mettre en scène comme un écrasement violent – pour des raisons qui lui sont propres.

        Les barricades sont maintenant déblayées et le parc est désormais gardé par des cohortes de flics. Des civils hantent la zone ; ils s’affichent ; ils contrôlent. Alors qu’il y a quelques jours encore la moitié des gens que l’on croisait dans le secteur se baladaient ouvertement avec des casques de chantiers, des lunettes de plongée et des masques à gaz, il n’est maintenant pas bon que ce type de matériel soit découvert au cours d’une fouille inopinée.

        Les concerts de sifflets à heures fixes dans les quartiers « laïcs » cachent mal le processus de normalisation ; les gens statufiés rendent éclatante la fin du mouvement. Peut-être le mouvement affaibli politiquement le pouvoir en place ; peut-être aura-t-il un coût électoral pour lui. Alors la bourgeoisie kémaliste évoquera avec nostalgie ce « réveil » qui aura marqué son retour sur la scène politique.

        Peut-être aussi que beaucoup auront appris de ce mouvement, que des lignes de force au sein de la société turque auront bougé, qu’un esprit contestataire se sera ancré au sein de la jeunesse. Tout cela, il est trop tôt pour le dire – mais la fin d’un mouvement ne contient que rarement la force du suivant. A l’heure actuelle, ceux qui subissent la répression – et doivent désormais s’organiser face à elle en tant que fraction distincte au sein du mouvement – ne ressentent que trop bien ce que signifie la victoire de l’Etat.
          

        DNDF
          
          


          
          
        Répression
          

        La plateforme Solidarité pour Taksim, dans un communiqué du 18 juin, parle de 253 personnes arrêtées à Istanbul et 142 à Ankara, en ajoutant sans préciser que le nombre est à la hausse partout dans le pays.
        Parmi les 7822 blessés par les forces de police, 59 sont dans un état critique. Et aucun rapport médical n’est fourni.

        Les supporters du Beşiktaş, le Çarşı, sont au nombre de 20 à être présentés devant un procureur pour être poursuivis pour actes de violence et incitations à des manifestations illégales. 74 autres manifestants sont dans la même situation.

        Pour les autres cas, rien ne sort de précis car

        • Les gardes à vue peuvent durer 4 jours et la police a de larges prérogatives.
        • Ceux qui seront poursuivis dans le cadre de la loi antiterroriste auront des dossiers judiciaires plus confidentiels, et selon l’association des avocats progressistes d’Isbanbul qui craint des disparitions.

        La substance chimique mélangée à l’eau balancée par les canons serait du Oleorésine de Capsicum (OC). Conditionné en bidons de 10L sous la marque Jenix. Cette solution de gaz OC projetée à l’aide d’eau sous haute pression provoque des brûlures et des tuméfactions.

        Un foyer de résistance important dans la ville d’Eskişehir, un des hauts lieux du mouvement, où, dans la soirée de mardi 5000 personnes sont restées toute la nuit suite à l’éviction d’un campement lundi matin. La police est intervenue mais 500 manifestants sont entrés dans une galerie marchande pour résister le plus longtemps possible.


          
          

        La police turque va manquer de munitions et de véhicules anti-émeute.
          

        La police nationale turque va lancer un appel d’offres imprévu pour 100.000 nouvelles cartouches de grenades de gaz et 60 véhicules de canons à eau, rapporte le quotidien Milliyet.

        L’utilisation excessive de cartouches de bombes de gaz par la police - 130.000 cartouches en 20 jours en raison des protestations de parc Gezi qui a débuté à Istanbul et qui se sont propagées à 77 provinces à travers la Turquie - ont conduit à une forte chute des grenades de gaz dans les stocks de le police.

        La police nationale avait acheté 150.000 cartouches en 2013 en conformité avec le plan annuel.

        Un total de 60 véhicules anti-émeutes de canons à eau, 45 Véhicules d’intervention dans des incidents de masse (TOMA) et 15 Shortlands, sont également prévus pour être acheté par le même appel d’offres. Les TOMAs et les Shortlands - plus petit en taille que les TOMAs - ont reçu des dommages excessifs pendant les manifestations, selon Milliyet.

        Le Département des Approvisionnements et de l’Entretien, qui organise l’appel d’offres, envisage d’acheter ces munitions et ces véhicules blindés à travers le fonds discrétionnaire du Premier Ministère, dans le cas où le Trésor répondrait négativement sur un nouveau budget.

        Hürryiet (hurriyetdailynews.com)


          
          
        A l’heure où des centaines de Brésiliens descendent dans les rue...

        Des grenades brésiliennes contre les manifestants turcs
          
          
        En 2012, l’inscription :”made in Brazil” a été retrouvée sur les grenades lacrymogènes utilisées contre des manifestants pro-démocratie au Bahreïn. Des militants ont dénoncé la mort d’un bébé, victime supposée du gaz brésilien, et le ministre des affaires étrangères du Brésil a déclaré qu’il vérifirait des irrégularités éventuelles au niveau de l’exportation de ce produit. Et pourtant, un an après, le ministère des affaires étrangères (Palais de l’Itamaraty), annonçait qu’il avait seulement pris note de l’événement sans engager une enquête ou pris une quelconque mesure. Rasheed Abou-Alsamh, militant américano-saoudien, auteur de cette accusation, a cette réponse indignée :

        L’Itamaraty doit penser que nous sommes bien ingénus….

        En l’absence de toute restriction sur l’exportation des armes non létales, ce même gaz fabriqués par l’entreprise Condor S A de Rio de Janeiro, est aujourd’hui employé par la police turque pour réprimer les protestations croissantes contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, qui ont éclaté dans plus de 60 localités du pays provoquant des centaines de blessés et l’arrestation d’environ 2000 personnes.
        Amnesty International confirme l’usage du gaz lacrymogène brésilien pendant ces événements qui ont commencé par une manifestation pacifique contre l’abattage de 600 arbres sur la Place Taksim, à Istanbul. Suzette Grillot, une enseigante américaine qui y assistait, a photographié un des projectiles utilisés par la police et fait une déclaration à Agência Pública :« Un membre de notre groupe a trouvé cette grenade dans la nuit d’hier (le 3 juin) à Ankara ».

        Une enseignante américaine a photographié un des projectiles utilisés par la police turque pour le gaz lacrymogène.

        Le gaz lacrymogène brésilien a été utilisé depuis le début des manifestations, le 31 mai, à Istanbul. Un membre du mouvement Occupy Gezi, qui préfère rester anonyme par crainte de représailles, raconte :
        Ce jour là il n’y avait sur la place qu’un petit groupe d’écologistes. La police a investi le parc à cinq heures du matin alors qu’ils dormaient dans des abris de fortune. Les policiers ont brûlé les abris et tiré contre les manifestants des grenades lacrymogènes. Ils auraient dû les lancer par dessus eux mais ils ont fait du tir à bout-portant. Certains ont perdu la vue en étant atteints directement par les projectiles, d’autres ont été touchés aux bras ou aux jambes. On trouve des centaines de vidéos montrant les effets du gaz lacrymogène : larmoiement, nausées, vomissements, troubles respiratoires.

        Le bureau des droits de l’homme à l’ONU a demandé à la Turquie de déclencher une enquête indépendante sur l’attitude de ses forces de sécurité face aux manifestants. Cécile Pouilly, porte-parole du Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme, a fait la déclaration suivante :
        « Nous sommes préoccupés par des informations signalant l’usage excessif de la force par les policiers contre les manifestants. »

        La douille photographiée par l’Américaine Suzette Grillot est ce qui reste d’un projectile lacrymogène à longue portée ( GL 202) fabriqué par l’entreprise Condor, leader de la production de ce type d’arme en Amérique latine. Ce projectile peut atteindre une distance moyenne de 120 mètres et possède la capacité de passer par-dessus des obstacles comme des murs ou des barricades pour “déloger les personnes et disperser des groupes de contrevenants à la loi”, selon les termes utilisés par le fabricant. Néanmoins, l’entreprise Condor, explique sur son site, qu’une mauvaise utilisation de ces projectiles peut causer de sérieux dommages à la santé allant jusqu’à la mort.

        Une autre photo prise par des manifestants, montre une grenade lacrymogène aux mouvements erratiques (GL 310), connue sous le nom de “danseuse”. En touchant le sol celle-ci rebondit dans toutes les directions éparpillant le gaz sur une vaste zone et empêchant que la personne ciblée puisse la renvoyer vers les forces de l’ordre. Le site de l’entreprise signale qu’au contact de matériaux inflammables, la grenade peut provoquer des incendies.

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