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FRANCHISE MEDICALE ou CYNISME SARKOZIEN

mardi 16 octobre 2007, par Courant Alternatif

Voici peu, le nouveau président N. Sarkozy déclarait sur un plateau de télévision « qu’il n’avait pas été élu pour faire la sieste… » Avec l’annonce de la mise en place de la franchise médicale, il poursuit le démantèlement du système d’assurance maladie au profit des assurances privées. Le soin devient un peu plus un simple bien de consommation individualisé, contrairement à la sécu où chacun cotise selon son revenu et reçoit en fonction de ses besoins même si cette philosophie a été plus qu’entamée durant ces vingt dernières années.


Franchises médicales : toujours plus.

50 cts par boites de médicaments
50 cts par acte paramédical
2 euros pour un trajet en ambulance et ce jusqu’à 4 euros par jour dans la limite de 50 euros par an pour chaque franchise. A rajouter aux 1euro au médecin, 16 euros de forfait hospitalier, 18 euros pour actes médicaux au-delà de 90 euros, sans oublier la palanquée de médicaments non ou partiellement remboursés, le ticket modérateur ainsi que les nombreux dépassement d’honoraires des médecins généralistes ou spécialistes, les prothèses, le dentaire, l’optique etc.
Conformément à ses promesses électorales, le président N. Sarkozy veut mettre en place de nouvelles franchises médicales. Ces mesures s’inscriraient dans la responsabilisation du malade. Elle préjuge donc que les patients sont responsables de leur maladie et des prescriptions des médecins. Elle exclue encore plus de familles en difficultés financières. 10% de français sont hors toute forme de couverture complémentaire. Ces franchises varieront chaque année en fonction du déficit de la sécu. Ces économies ne doivent pas faire oublier celles déjà mises en place, au détriment de l’offre de soins : fermeture et regroupement d’hôpitaux (fermeture prévue de 113 blocs opératoires), glissement d’activité vers le secteur privatisé, suppression de personnel (un fonctionnaire sur deux), etc.

Des cadeaux au patronat.

N. Sarkozy tient ses engagements envers le MEDEF. Alors que le plan d’économie sera payé en grande partie par les salariés et assurés, le gouvernement renie les promesses du candidat Sarkozy qui s’était engagé à ce que l’état compense les cotisations sociales des heures supplémentaires. Ces exonérations s’ajoutent à celles accordées pour les salaires jusqu’à 1,5% du SMIC pour les multiples contrats aidés. Autant de recettes non perçues, s’ajoutant aux 5,2 milliards d’euros que l’état devait déjà à la SECU en 2006. Ces différents cadeaux faits au patronat ont pour objet de transférer, au fil des réformes, le paiement de la protection sociale sur les impôts et non plus sur les salaires. C’était aussi l’objectif de l’autre proposition : une TVA sociale (anti-délocalisation), pour le moment reportée.
Le trou de la SECU est davantage dû au manque de recettes de la part du patronat et de l’Etat qu’à ses dépenses. La responsabilisation (la culpabilité) des assurés et des malades masquent vingt ans d’exonérations successives de cotisations sociales faites aux patrons et jamais compensées par l’Etat. Leur montant s’est accru de 12% de 2005 à 2006.
Cette pratique n’est pas nouvelle. N. Sarkozy et F. Fillion ne font que suivre la voie ouverte depuis vingt ans par leurs prédécesseurs. Ce transfert de charges, des patrons vers les salariés, via l’impôt et la TVA, a commencé en 1990, avec la création de la CSG (Contribution Sociale Généralisée) du socialiste M. Rocard, pour être relayé, en 1996, par A. Juppé qui rajoute la CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale). Nous pourrions énumérer avec plus de détails les différentes mesures anti-sociales, prises tant par la droite que par la gauche plurielle, pour combler le fameux et fumeux trou de la SECU, au nom de la lutte contre le chômage et pour favoriser les créations d’emplois. En 20 ans, le problème demeure et pèse de plus en plus lourdement sur les salariés et assurés. Mais, en 20 ans, les profits des entreprises ont augmenté de 10 points de PIB (produit intérieur brut). Depuis 1982, 10% de la richesse nationale brute des revenus du travail sont allés vers les revenus financiers.
D’ailleurs même Ph. Seguin, président de la cour des comptes, préconisait de soumettre à cotisation sociale, au même niveau que les salaires, les stocks options engrangés par les patrons, et actuellement exonérés. Ce qui permettrait de renflouer de 3 milliards d’euros les caisses de la SECU et comblerait déjà la moitié du trou de la seule caisse d’assurance maladie. Un bénéficiaire de stock-options c’est 30 000 euros de cotisation manquante. Si l’on s’en tient aux 50 premiers, c’est 3 millions d’euros qui font défaut (Libé 13 sept 07).

Largesses aux médecins.

Les économies et l’austérité ne sont pas pour tout le monde. Si l’on vient d’évoquer les cadeaux au patronat, N. Sarkozy (ancien avocat) traite bien également les médecins libéraux. Depuis 1990, les revenus des spécialistes ont grimpé de 20% si l’on en croit le rapport du haut conseil de l’assurance maladie. Sur le même temps, la progression des revenus moyens salariaux n’a atteint que 8%.
Les spécialistes ont vu leurs revenus augmenter de 3,3% par an depuis 5 ans, et durant la même période les généralistes de 1,8% par an. L’ensemble des augmentations consenties aux médecins avoisine les 900 millions d’euros, et malgré l’instauration des nouvelles franchises pour les salariés, les généralistes n’ont pas vu leur augmentation de juillet remise en cause. La traque aux arrêts maladie complaisants mérite bien la pièce.
Il est vrai que la majorité du corps médical libéral a souscrit aux différentes réformes et soutenu les politiques menées dans la santé. Rappelons qu’en 2006, X. Bertrand a accordé aux spécialistes libéraux : chirurgiens, obstétriciens, anesthésistes etc., que les 2/3 de leurs primes d’assurance professionnelle soit prise en charge par la SECU. 20 millions dans les poches des assurances privées. Concernant tout ce petit monde, nous rappellerons la complaisance de l’Etat envers leurs innombrables dépassements d’honoraires en secteur II, les pratiques des dessous de table, le refus par nombre d’entre eux de soigner les patients ayant la CMU etc.

L’art et la manière sarkoziène.

Les recettes qui font défaut à la SECU sont connues. Exonérations des charges patronales, non reversement des taxes de l’Etat (alcool, tabac pollution…) et chômage. 100 000 chômeurs induisent 1 milliard de recettes en moins.
Pour ce plan d’austérité dans la santé, le président et son gouvernement redoutent les réactions négatives d’une opinion publique majoritairement hostile à ces mesures, d’après les plusieurs sondages. Ils parlent, certes, de renflouer le trou de la SECU mais comme l’argument commence à lasser et irriter même les plus bienveillants, ils enrobent leur attaque dans un plan « Alzheimer et cancer ». Les recettes des franchises médicales serviraient à dynamiser la recherche et l’accueil des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Sur le plan strictement comptable, les recettes retrouvées par la mise en place de ces nouvelles franchises médicales s’élèveraient à 800 millions d’euros. Ce qui s’avère très en dessous des besoins nécessaires pour répondre sérieusement aux conséquences provoquées par cette maladie. Ce plan sera le troisième et l’on attend toujours les résultats sérieux concernant les deux précédents. Le gouvernement avance qu’il boostera la recherche. Pas sérieux, si l’on se souvient que ce sont les mêmes ministres (interchangeables), du précédent gouvernement, qui ont réduit les budgets de la recherche. Ce dont les familles et les malades, ont le plus besoin dans l’immédiat c’est de lieux où les accueillir, ainsi que des personnels pour les prendre en charge soit en institutions soit à domicile. Or, ce sont ces moyens qui font cruellement défaut. Ce sont les moyens humains : personnel infirmier, aide soignant, etc. qui servent de variable d’ajustement et sont les premiers sacrifiés lors de restructurations ou de plans d’économie.
Si le gouvernement désire des recettes pour un plan de lutte et une recherche de qualité contre cette maladie, pourquoi n’a-t-il pas mis à contribution les trusts pharmaceutiques qui vendent leurs produits de plus en plus chers et engrangent de plus en plus de bénéfices sur le dos des assurés et des malades. Il en est de même concernant les boutiquiers de pharmacies oubliés de toute contribution et discrets derrières leurs présentoirs d’officines. Aucune taxe, aucun prélèvement de ce côté mais par contre, nous débourserons 50 centimes d’euros de plus pour toute boite de médicament achetée.
Le gouvernement ne cherche pas à améliorer la qualité des soins, mais poursuit la politique consistant à en faire supporter les coûts par les seuls assurés et malades. Les conséquences en seront d’autant plus graves, en coût de santé publique et de conditions de vie, puisqu’à terme les soins finiront par être nécessaires mais plus onéreux pour tous. Cette politique remet en cause l’idée même de prévention. Ces nouvelles mesures annulent la gratuité des soins pour les travailleurs victimes d’accidents ou de maladie professionnelles.
« Qui ne peut pas payer 4 euros par mois ? » clamait R. Bachelot la ministre de la santé, du sport et des rugbymans. Il est estimé que près de 15% de la population renoncent aux soins pour des raisons financières. Il est évident que le nombre ira en s’accroissant.
Cette nouvelle attaque accentue la rupture avec l’idée originelle fondatrice de la sécurité sociale, de solidarité entre jeunes ou vieux, riches ou pauvres… celle d’un service public où chacun, chacune cotisait selon son revenu accédant aux soins selon ses besoins avec une prise en charge équitable.

Cadeau fiscal contre impôt social.

La politique menée par N. Sarkozy est claire. Les riches, les plus aisés n’ont plus à payer pour les pauvres.
Politique illustrée par le cadeau fiscal que le gouvernement vient d’accorder aux privilégiés : 15 milliards d’euros. C’est plus que le déficit du trou de la SECU, toutes branches confondues (maladie, vieillesse…), qui s’élèverait à 11,7 milliards.
15 milliards de cadeau pris sur l’argent public pour quelques foyers favorisés mais 11,7 milliards d’impôts à payer pour les salariés.
Toutes ces mesures nous rapprochent encore plus du modèle « assurantiel », cher à la bourgeoisie libérale, dont notre nouveau président est le représentant élu. Cette attaque anti- sociale désengage un peu plus l’état, qui en cette période de crise économique s’accentuant, préfère renforcer tous les moyens coercitifs, lui permettant de défendre ses intérêts de classe. D’où l’explosion du nombre de personnel de répression d’état ou privé, de la vidéo surveillance, des rafles de sans papiers au quotidien, du fichage ADN généralisé en finissant par l’enfermement du plus grand nombre. Ces mesures, servent aussi ses amis du patronat, déchargés de taxes sociales, et ouvrent le marché juteux de la couverture sociale vers les assurances privées et mutuelles qui prendront en charge les soins et autres frais de santé. Instaurer des franchises ne responsabilisera personne, mais éloignera d’un système solidaire qu’était la SECU, volontairement dégradé par les politiques, pour rendre plus attractif les assurances privées dont le discours cible les catégories aisées et les jeunes ayant un revenu.

Comme il l’affirme N. Sarkozy n’a pas été élu pour faire la sieste. Son gouvernement est en ordre de marche, de bataille, pour défendre les intérêts de la bourgeoisie nationale. Simplement et sans complexe, fort de détenir les rouages de l’état, marqué à droite et rallié par les transfuges de gauche, il peut donc pratiquer un langage musclé, sans crainte d’être contrecarré par une opposition de gauche, qui préconisait sensiblement le même programme. Cette position assurée, lui permet d’attaquer le monde du travail sur différents fronts en même temps. Franchises dans la santé, suppression de plus de 20 000 postes dans la fonction publique, remise en cause du droit de grève à la SNCF, révision des régimes spéciaux de retraites, etc.
Passé l’illusoire réponse du bulletin de vote contre le « sarko-facho », la seule riposte possible face à l’ensemble de ces attaques est le développement des luttes. Pas les luttes défensives et saucissonnées en différentes journées d’action, que vont nous proposer les directions syndicales, mais des luttes offensives et collectives. Des luttes à l’exemple de celles qu’on menés les étudiants et lycéens contre le CPE. Des luttes sur un programme de classe pour l’ensemble des travailleurs. Car si Sarkozy est à l’offensive, les confédérations syndicales privées d’une gauche institutionnelle sont dans l’attentisme, prêtes au dialogue, à négocier, on se demande quoi d’ailleurs ?…sinon leur survie !
Acculées par les attaques lancées contre les travailleurs, les leaders syndicaux sont sur la défensive, craignant les débordements radicaux des salariés qui ne se résignent pas à accepter cette politique.

MZ Caen le 25/09/07.

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