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Le mariage pour tous et toutes… mais plus encore pour personne !

samedi 12 janvier 2013, par WXYZ

Sur le principe de l’égalité des droits, et contre les réactionnaires de tout poil qui s’agitent en ce moment sur la question du mariage pour les couples homosexuels, dans un beau tapage médiatique à arrière-fond politicien, nous ne pouvons qu’affirmer le « droit au mariage » des homosexuel-le-s. Mais sans oublier de dénoncer le mariage pour ce qu’il est aujourd’hui comme hier : une institution patriarcale et un instrument de contrôle social – et sans oublier de lutter à la fois pour la généralisation de droits attachés aux personnes en dehors de toute considération de leur vie affective ou sexuelle et pour une vraie libération sexuelle.


Le mariage, union traditionnelle d’un homme et d’une femme pour procréer et régler les questions d’héritage, va être ouvert en France aux couples de même sexe – après certains pays et avant d’autres. Les arguments en faveur de ce changement sont essentiellement liés à l’évolution de la parentalité, et les opposant-e-s au projet du gouvernement ne s’y trompent pas : il y a derrière, entre autres, le droit à l’adoption pour les couples homos et le droit à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les lesbiennes. Cette modification est également rendue nécessaire par une revendication d’égalité – mais de quelle égalité s’agit-il ?

Pourquoi un couple éprouve-t-il en général le besoin de se marier, de nos jours ? Pour faire reconnaître son amour par le monde entier, à commencer par l’Etat. Pour réduire ses impôts s’il y a déséquilibre de revenus. Pour affirmer qu’on n’est plus « disponible », le port d’un anneau affichant cette indisponibilité…. D’aucun-e-s ajouteraient que le mariage hétéro sert aussi à ce que l’homme dispose d’une employée de maison bon marché et à ce que la femme ait un propriétaire publiquement reconnu (en ajoutant cette devinette : « Pourquoi les robes de mariée sont-elles blanches ? Pour être assorties à la machine à laver et à la cuisinière »)… mais ce genre de fonctionnement entre homme et femme n’est malheureusement pas l’apanage des couples mariés.
Quoi qu’il en soit, le mariage étant une institution du système patriarcal qui sert le contrôle social, réclamer son extension ne devrait en aucun cas être l’une de nos revendications. Cependant, la réalité étant ce qu’elle est, soutenir le mariage pour toutes et tous est pour nous comme soutenir le droit de vote pour les immigré-e-s : une revendication minimale d’égalité parallèle à des revendications contradictoires et plus fondamentales.

A bas l'ordre patriarcal…

Dans les années 1970, des homosexuel-le-s (en particulier au sein du Front homosexuel d’action révolutionnaire) ont mené des luttes visant à faire évoluer les mœurs – pour le droit à disposer de son corps afin de satisfaire ses désirs multiples avec les personnes de son choix, quel que soit leur sexe ; pour combattre les préjugés et les interdits, la morale bourgeoise et son ordre, son exigence de fidélité…

La revendication du mariage posée actuellement par des homosexuel-le-s, et soutenue par une partie de la classe politique, souligne la régression opérée depuis cette époque. Certes, au nom de l’égalité avec les hétéros – et même si cette égalité posée pour l’occasion en principe ne paraît guère préoccuper grand monde sur d’autres terrains économiques et sociaux –, ces personnes doivent pouvoir transformer leur désir en droit, on l’a dit plus haut. N’empêche, dans une époque où plus de la moitié des mariages entre hétéros sont suivis à assez brève échéance d’un divorce, quelle drôle d’idée que de vouloir à toute force passer devant le maire (et pourquoi pas le curé ! Pourquoi pas, tant qu’on y est, remettre au goût du jour l’exigence de la virginité, pour faire délicieusement rétro ?) afin de s’unir à une autre personne du même sexe – y compris si c’est celle que l’on aime le plus au monde (à un moment donné) ?

Cette aspiration au mariage de ces homos-là est le mouvement inverse de la libération sexuelle : un désir éperdu de rejoindre la norme. Quoi qu’il s’agisse d’un contrat civil, on sent dans leur revendication du mariage tout un contenu symbolique d’inspiration religieuse ; c’est pourquoi sans doute certain-e-s de ceux qui la portent s’agacent des positions réactionnaires de l’Eglise – alors que celle-ci ne fait que jouer son rôle habituel. Mais quelle bizarrerie que des homos rejoignent les chrétien-ne-s traditionalistes pour s’appuyer sur la famille comme fondement de l’ordre social ! Bien sûr, leurs préoccupations sont différentes : les seconds défendent leur attachement à d’antiques croyances et idées, alors que les premiers, en mal d’enfants, voient sans doute avant tout dans le mariage le moyen de faire reconnaître leur sexualité minoritaire. Il n’en demeure pas moins que bien d’autres contrats plus adaptés à la réalité des relations amoureuses actuelles auraient pu être mis en avant – comme le PACS, qui est sûrement « améliorable » sans devenir un pastiche du mariage.

… et vive la libération sexuelle !

De plus, beaucoup d’homosexuel-le-s se soucient assez peu du mariage : seule une infime fraction de ce qui, par la diversité des opinions et valeurs qu’on y trouve, n’est pas vraiment une « communauté » aspire à la fondation d’une famille. La question du mariage mobilise surtout quelques associations d’activistes en quête de nouvelles causes permettant de dénoncer l’homophobie rampante et de justifier leur existence.

La « gauche » au pouvoir, quant à elle, tente avec le « débat » en cours essentiellement de détourner l’attention de la politique qu’elle suit : ayant démontré sitôt élue, et sans nulle surprise, qu’elle ne changerait rien à l’ordre capitaliste, elle offre à ses soutiens faiblissants cet enjeu « sociétal » avec l’espoir de lui faire perdre un peu de vue le mécontentement général. En mai 2012, Barack Obama avait déjà donné le ton : surmontant d’ultimes réticences liées à ses convictions religieuses, et après avoir cédé au patronat sur tous les terrains économiques et sociaux, il s’est prononcé en faveur du mariage gay pour s’efforcer de redonner un but au camp du « progrès ».
Dernière remarque : dans le soutien apporté à cette revendication du mariage, on ne peut que constater un fort désir d’assimiler les « gays » – autrement dit, une volonté de les voir quitter leur place un peu à part dans la société : fini la cage aux folles, les obsédés chassant un bon coup, les pervers à tendance plus ou moins pédérastique.

Bien plus que les gays eux-mêmes, la grande majorité de l’opinion « gay-friendly » applaudit ainsi ce désir de famille qui les rend enfin pleinement fréquentables. Une fois mariés, rangés, déclarés, ils et elles cesseront de représenter un groupe trouble et dangereux. La mise en avant – par le biais de l’adoption ou des techniques de procréation assistée – du couple et de la reproduction sur la « débauche » marque le triomphe d’une conception morale de l’homosexualité. Comme le souligne l’écrivain Benoît Duteurtre, « notre époque postmoderne accomplit par là son idéal fusionnel – ou confusionnel – en enveloppant tout (ordre, rébellion, norme, transgression, minorité, majorité, religion, péché…) dans un même paquet cadeau égalitaire marqué du sceau de la loi et du respect ».

Alors, le mariage des homos pour faire chier les réacs, oui – mais la libération sexuelle pour renverser l’ordre social, encore plus oui !

Vanina

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