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Les crimes du capital

un texte de la revue "Echanges et mouvements"

mercredi 14 novembre 2012, par admi2


 {{LA FUITE EN AVANT DU CAPITAL <br> IL MASSACRE, DETRUIT, SES CRIMES SONT INNOMBRABLES ET NE PEUVENT LE SAUVER DE SA DISPARITION}}

Il faut beaucoup de courage dans un immense désespoir pour renoncer à la vie et se suicider : mais de toute façon, quelles que soient les raisons que l’on se donne ou que d’autres donnent, c’est parce que le système vous y a acculé et qu’on ne trouve pas d’autre issue à la vie de merde qu’il vous a faite.

Nombre de ceux qui arrivent à cette ultime solution parce qu’ils ne voient pas d’autre moyen de lutter le font en silence. Quelles que soient les apparences, cela reste un acte individuel. Mais dans une période récente, le suicide individuel (parfois spectaculaire, comme cette immolation par le feu d’un chômeur dans un bureau de la CAF) est accompli de telle façon qu’il est une forme de protestation contre le système. Cela va actuellement des suicides à France Telecom jusqu’à ceux des travailleurs de Foxcon en Chine, ou à celui de paysans indiens ruinés par la « révolution verte » et les usuriers.
Cette forme de suicide est accomplie de telle façon qu’elle puisse provoquer une certaine médiatisation et, par suite, conduire les travailleurs placés dans les mêmes conditions, ou l’ensemble des travailleurs, à réagir. A réagir et à lutter, pas tant contre le cadre précis nanti d’une autorité destructrice, mais contre le système que celui-ci met en application. Les travailleurs de Foxcon à Shenzhen qui sautaient individuellement dans le vide pour se tuer devant la porte de l’usine au moment du changement d’équipe faisaient de leur mort individuelle un acte de lutte contre leur exploitation, en espérant créer un choc tant pour les nombreux témoins de leur geste que pour tous ceux qui en seraient inévitablement informés. Cela restait pourtant un geste individuel.

Peut-on relier de tels actes individuels à d’autres de même nature – l’autodestruction d’un être humain – qui cessent d’être individuels pour devenir collectifs ? Les travailleurs de Foxcon, rassemblés sur le toit de l’usine, qui menacent de sauter tous ensemble dans le vide si l’on ne tient pas compte de leurs revendications, sont-ils proches de la menace des travailleurs de Cellatex, qui est de se faire sauter avec l’usine, ou de ces mineurs italiens enfermés dans la mine avec des tonnes d’explosifs, ou de bien d’autres exemples extrêmes similaires de décisions ultimes, après avoir épuisé toute possibilité de lutte et constaté leur isolement ?

Peut-on relier ces actes ou ces menaces à ces mineurs d’Afrique du Sud qui trouvent assez de courage pour affronter avec des lances et des machettes des forces de la répression dotées d’armement sans comparaison avec les leurs ? Un de ces mineurs d’Afrique du Sud exprimait bien le sens de tels affrontements : « Préférer mourir que de travailler dans ces conditions. » Ce n’est pas nouveau car, dans le passé, des affrontements directs de classe se sont affirmés autour de ce simple slogan : « Du pain ou la mort », et ont mis des prolétaires sans espoir mains nues face aux forces de la répression dotées d’armes létales.

Quand un tel dilemme se pose, cela fait apparaître que le capital n’exploite les êtres humains que pour en prendre ce qui peut lui procurer un profit, en utilisant leur force physique et/ou mentale – au besoin à l’extrême – et le plus souvent seulement une partie des dites capacités (ce qui pourrait poser d’autres questions quant à l’évolution même d’une espèce humaine ainsi conditionnée).

Cette destruction des êtres humains (avec leurs conditions de travail et leurs réactions extrêmes éventuelles), autrement dit d’une partie de ce que la nature met à la disposition du capital, peut-elle être reliée à deux autres conséquences globales de l’activité capitaliste : d’un côté l’élimination et la marginalisation d’une masse de plus en plus importante d’êtres humains – placés dans une précarisation totale parce que rendus inutiles par l’évolution même du système –, d’un autre côté la destruction de tout ce que la nature procure au capital et que, dans son évolution, celui-ci détruit et reste dans l’incapacité totale de contrôler ? Parmi les crimes du capital, on ne met habituellement que les guerres ou les catastrophes qui auraient pu être évitées, mais pas cette constante destruction d’un appareil de production (êtres humains et matériel) rendu obsolète par la recherche compétitive du profit à travers l’innovation : aujourd’hui, le monde entier est jalonné de ces déchets de l’industrie d’hier qui ne peuvent plus être résorbés (depuis les divers déchets atomiques jusqu’aux amoncellements de plastiques dans une zone du Pacifique).

La destruction d’une manière ou d’une autre des êtres humains en regard leur exploitation n’en fait pas partie. Seules, de-ci delà, des luttes qualifiées d’arrière-garde (à l’aune du « progrès » capitaliste) viennent souligner ces destructions en acceptant des miettes permettant la survie.

C’est le même « progrès » qui entraîne des luttes, souvent perdues, de deux sortes : celles de paysans dépossédés de leurs terres, soit par l’expansion capitaliste dans la production agricole, soit par l’implantation de zones industrielles ou de barrages fluviaux. C’est aussi le même « progrès » qui déclenche des luttes contre les formes diverses de « pollution » : celles des populations environnantes empoisonnées par des émanations nocives, celles des paysans dont l’implantation d’exploitations minières pollue ou tarit l’eau nécessaire à leur production agricole et à leur vie quotidienne. Essentiellement dans les pays en développement parce que là, le capital a la « liberté » d’exploiter sans limites, tant la nature que les populations, ces luttes donnent des résultats mitigés.
Mais il est une forme de pollution plus globale qui vient de l’exploitation mondiale sans limite par le capital de ce que la terre peut fournir en surface et en sous-sol. Peut-on relier la diffusion de cette pollution à tout ce que nous venons d’écrire sur les destructions plus ponctuelles, matérielles et humaines ? Cette pollution est générale et étroitement liée au développement du capital lui-même, à son existence même. Pour ces caractères, ce « crime » n’est combattu qu’idéologiquement ou très localement. Les conséquences dramatiques prévisibles et déjà visibles ne suffisent pas à persuader les intérêts capitalistes globaux de la nécessité vitale pour sa survie d’une régulation impossible, qui mettrait en cause les bases de son fonctionnement.

L’expansion industrielle du capital – la seule source du profit capitaliste – reste la seule mesure des solutions préconisées pour sortir de la crise mondiale du capital. L’émission croissante et irrépressible de gaz divers résultant de cette expansion entraîne des effets tels sur le climat que ce « crime suprême » du capital commence à surpasser tous les autres « crimes ». Ses conséquences sont pourtant régulièrement désastreuses sur des secteurs productifs et pour l’ensemble des populations concernées (famines, inondations, affrontements ethniques ou religieux, migrations forcées, le tout accompagné de guerres localisées et d’émeutes). On ne sait trop ce qui (et quand), entre la crise systémique de fonctionnement du capital d’une part et cette conséquence dramatique de l’exploitation illimitée de tout ce qui vit sur la terre et de ce que recèle son sous-sol d’autre part (bien que ces deux volets soient intrinsèquement liés), pourrait conduire à un chaos tel qu’il provoquerait des réactions de l’ensemble des « dominés » (exploités, précaires, assistés, déplacés, etc.).

Ces réactions pourraient ouvrir une porte vers un monde communiste. Espérons seulement que cela ne viendra pas trop tard et sans trop de souffrances causées par les répressions des profiteurs d’un système qui, pour le moment, dispose d’un énorme potentiel de défense contre toute velléité de révolte globale.

Dans le monde une classe en lutte, Echanges et Mouvements

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