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grands travaux

No Tav, la lutte continue en Italie…

mercredi 3 octobre 2012, par admi2

Cette contribution est le résultat de la participation d’un militant français à la lutte No Tav durant le mois de juillet 2012.


No Tav, la lutte continue…

Cette contribution est le résultat de la participation d’un militant français à la lutte No Tav durant le mois de juillet 2012. Les analyses et les sentiments qui en découlent viennent d’une présence sur le «  camping de lutte  » et ne peuvent donc se prétendre exhaustifs, au vu de la base sociale extrêmement large du mouvement No Tav.

Une dynamique
difficile à prolonger…

L’année 2012 est primordiale pour le mouvement No tav à plus d’un titre. D’un point de vu purement factuel, les premières percées de galerie doivent avoir lieu sur le site de La clarea (tout près du camping) début septembre ; le chantier, toujours pas réellement commencé pour l’instant sera donc cette fois une réalité.
D’autre part, le mouvement reste sur une dynamique très forte. L’été dernier d’abord, même si il n’y a pas eu de victoire au sens strict, a démontré une massification de la lutte avec la manifestation géante du 3 juillet (plus de 70 000 personnes et une attaque en règle du chantier) et un camping de lutte très actif et riche en initiatives. De plus, cet hiver a été marqué par des moment forts, même s’ils ont été initiés par la répression : le coup de filet de la Digos(1), impliquant 46 camarades en janvier suites aux affrontements du 3 juillet. Cette répression a suscité une réaction assez forte tout de même, avec des manifs de 10 à 20 000 personnes à Turin, dans la semaine qui suivait.
Ensuite, lors de l’expropriation du lieu dit La baita, aux abords du chantier, Luca Abba, militant historique de la lutte et habitant de la vallée, qui tentait de s’opposer aux forces de l’ordre, est tombé d’un pylône sur lequel il était juché, provoquant une vague de manifestations et de blocages dans la vallée, mais aussi dans toute l’Italie. Le problème est donc posé : comment rebondir sur d’autres actions novatrices alors qu’un grand panel d’action a été essayé pour l’instant sans succès car les états concernés n’ont, malgré les dires pas commencé à reculer sur la question.

Continue, continue pas ? Progression du chantier
ou bluff du pouvoir ?

L’ambigüité est aussi de savoir si le chantier se fera. A écouter les politiciens et la presse cela semble évident et inévitable. A regarder les comptes de l’état Italien et la progression du chantier, c’est moins flagrant. Néanmoins, il ne faut pas jouer au triomphalisme et tordre le cou aux discours victorieux : le chantier est bel et bien commencé. A l’heure actuelle les galeries ne sont pas encore creusées mais les aménagements ont tous été faits pour accueillir les foreuses, la zone de chantier s’est étendue de manière très forte depuis deux ans, et le fait qu’il y ait plus de flics que d’ouvriers (ce qui sera peut être toujours le cas désormais) n’est pas un signe de non avancement du projet.
La militarisation du chantier n’a jamais été aussi forte, ce qui signifie un investissement financier important de la part de l’état italien. En plein milieu du mois de Juillet, un article du Figaro a amené de l’agitation : l’état français serait prêt à abandonner de nombreuses ligne LGV pour cause de caisses vides. Au sein du mouvement cela a bien été considéré comme encourageant mais peu significatif. La majeur partie des personnes pensent qu’il s’agit d’un « coup de com. » de la part de l’état français, pour faire pression sur l’Europe, afin que cette dernière finance une part plus importante du projet. Néanmoins il est clair que pour les participants au mouvement NO TAV, au vu de l’importance politique prise par le projet, que la victoire ne peut venir que d’une conjoncture négative regroupant à la fois les critères de lutte et les critères économiques. L’idée est donc de multiplier les actions sur le chantier afin de faire monter les frais. Durant l’été 2011, les simples frais de maintien de l’ordre (indépendamment des infrastructures de sécurité de base) étaient évalués à 90 000 euros par jour.

Maintenir un rapport de forceS, être inventifs…

On en est donc là : l’état est prêt à mettre le paquet niveau financier, le mouvement est large et ancré, mais insuffisant pour le moment. Il fallait donc trouver quelque chose de nouveau. Et ce d’autant plus que le mouvement avait tendance à « s’essouffler ». En effet durant tout le mois de juillet plusieurs forces ont été relativement absentes de la lutte. D’abord les anars Turinois, occupés par des luttes de logements dans la capitale du Piémont et moins investis. Ensuite et plus grave : les gens de la vallée qui venaient sur le camping de lutte en famille l’année dernière, n’était pas ou peu présents cette année.
Cette dernière donnée est expliquée par les camarades comme une réussite de l’état en ce qui concerne la criminalisation. En effet lors des rafles de Janvier des « citoyens lambdas » (au sens non issu du mouvement révolutionnaire) s’étaient retrouvés incarcérés et interrogés. Le mouvement No tav ayant toujours refusé la dissociation militants/habitants de la vallée, il est logique de la part de l’état d’élargir les champs répressifs et il est tout aussi logique de voir les gens s’en effrayer. Pour nuancer ce tableau sans doute un peu noir, on note quand même que la présence d’habitants de la vallée était effective lors des assemblées populaires qui regroupaient entre 200 et 400 personnes et les réunions décisionnelles en nombre un peu plus restreint.
En prenant en compte ces handicaps, il fallait tout de même repartir sur une dynamique avec les forces en présence, c’est à dire les touristes militants (beaucoup de français, quelques espagnoles…), les autonomes Turinois d’Askatasuna ainsi que divers groupes de la radicalité italienne, anarchistes ou autres… L’idée était de réussir à maintenir un rapport de force à la fois en continuant à « assiéger » le chantier, tout en évitant le piège de la focalisation sur le modèle de ce qui a eu lieu en Mars (blocages d’autoroute, de voix ferrées…).
Cette décision est logique, s’acharner sur le chantier c’est rentrer dans un rapport de force militaire avec l’état, rapport de force nécessairement perdant ou alors bêtement symbolique.
Concrètement, sortir du camping, ça a surtout été des actions contre les hôtels qui logent les flics. Ainsi nous avons été réveiller les membres de la Guarda di Finanzia (2) et des carabiniers à Sestrières en pleine nuit. Ce type d’action avait eu lieu l’an dernier, avec une certaine réussite, car les hôtels qui hébergeaient les flics avaient refusé le renouvellement du contrat cette année. D’autres rassemblements ont eu lieu devant des entreprises participants aux travaux (il en reste très peu dans la vallée).
Ces actions n’ont pourtant pas été reprise à l’ampleur voulue et comme d’habitude, et finalement c’est les modes opératoires habituels qui on prit le relai. Le 21 Juillet était prévu une « ballade » vers le chantier. Cela ne faisait aucun doute : cette ballade était un prétexte pour l’attaque du chantier.
L’action fut une réussite d’un point de vue collectif. Les barrières ont été abattues, les grillages perforés et des projecteurs ont été détruits durant les deux heures d’affrontement en trois lieux différents. Certaines personnes sont rentrées sur le chantier et l’ont concrètement attaqué provoquant des milliers d’euros de dégâts. Accessoirement, et c’est ce que la presse a le plus retenu le chef de la DIGOS de Turin a effectué un vol plané après avoir été soufflé par une bomba carta (3). Cette action à réuni un petit millier de personnes et a surtout contribué à rappeler à l’opinion publique l’existence du mouvement.

Suite logique : la répression

Alors voila ! L’Italie la collusion médias/flic/gouvernement c’est pire encore qu’en France, alors forcément quand on a vu que la presse Italienne se déchainait sur les No Tav en demandant plus de répression et l’expulsion du camping suite à la nuit du 21, on s’est tous dit que ça puait un peu. Il n’y a pas eu d’expulsion du camping, malgré les demandes répétées des politiciens de droite comme de gauche. Visiblement les flics locaux ont du faire preuve de pédagogie, leur expliquant que cette action fortifierait plus le mouvement qu’autre chose.
Néanmoins avant ce que aurait du être une grosse démonstration de force du mouvement, la manif du 28 juillet, les flics ont accentué la répression, multipliant les expulsions de territoire pour les ressortissant étrangers. Le mardi suivant le 21, c’est 9 français qui sont reconduit à la frontière avant d’avoir pu arriver au camping. La veille de la manif, 1 français, 3 suisses et 1 grec se font expulser, dans le cadre de l’opération « zone rouge » du Val Susa. Il y avait environ 2000 flics dans la vallée et il était quasi impossible de circuler sans se faire contrôler. Les personnes contrôlés ont été accusées d’appartenir à des groupes « antagonistes », car ils avaient en leur possession un masque à gaz ou un casque ainsi qu’un couteau (l’argument « c’était pour couper le pâté » ne semblait pas suffisant) mais aussi des tee shirt noirs (on ne rigole pas). En bref rien d’illégal au sens strict, mais de quoi garnir les pages de La Stampa pour quelques jours et permettre ainsi la criminalisation du mouvement NO TAV et plus spécifiquement des groupes anarchistes actifs dans la lutte. Criminalisation qui marche en partie, puisque le 28 juillet c’est « seulement » 5 à 6000 personnes qui défilaient en Val Susa (ce qui reste quand même correct au vu des difficultés à accéder à la vallée).

La suite…

La suite j’y étais pas. Je peux donc ne tirer que des faits racontés ou via la presse italienne. Sans préjuger des rapports de force, il ne semble pas que l’état soit pour l’instant en position de faiblesse. Il a repris la main comme en témoigne les multiples arrestations (voir encadré) et « dénonciations » (convocation au commissariat pour signifier l’ouverture d’une enquête sur la personne) et n’a pas réellement intérêt à relâcher la pression.
La lutte ne pourra de toute façon pas être gagnante si elle reste circonscrite à une vallée. Jamais le mouvement n’a été aussi fort qu’en Mars lorsque les manifestations sauvages ont envahi toutes les gares d’Italie. La nécessité est donc à étendre la lutte NO TAV en France afin d’éviter la construction de cette ligne destructrice. En juillet, nous avons pu voir une présentation des collectifs NO TAV Chambéry et Grenoble, qui débutait une mobilisation sur le tracé français. Pour l’instant cantonné à une sorte de relai d’information, il y a la volonté d’en faire un réel outil de lutte. Si cette dynamique prend, elle serait sans doute déterminante dans le choix de l’état français déjà assez peu enthousiaste à continuer sa politique ferroviaire.
Bref, on ne le dira jamais assez : seule la lutte paie !

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