ca 221 juin 2012
vendredi 8 juin 2012, par
Paris
Procès antiterroriste
ou de l’anti-« terrorisme » ?
Du 14 au 22 mai 2012 s’est tenu à Paris sous juridiction antiterroriste le procès de six camarade accusé-e-s d’association de malfaiteurs « en vue de la préparation d’actes de terrorisme » (voir CA n° 219). Il leur était reproché d’avoir fabriqué l’engin incendiaire placé sous une dépanneuse de police en mai 2007, transporté des matières explosives ou inflammables, essayé de mettre le feu à une armoire électrique de la SNCF pendant la lutte anti-CPE en 2006, et refusé de se soumettre au prélèvement d’ADN pendant leur garde à vue.
Les inculpé-e-s ont globalement nié les faits, mais reconnu leur appartenance à des luttes. Et, à la barre, ce sont bien des luttes de ces dernières années qui ont comparu : révoltes des migrants du Centre de rétention de Vincennes, opposition à la construction des Etablissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), mobilisation contre le contrat première embauche (CPE), manifestations lors de l’élection de Sarkozy en 2007 ; cela a aussi été l’occasion pour l’institution judiciaire de revenir sur la « fameuse » mouvance anarcho-autonome/ultra-gau-che, avatar d’un ennemi intérieur sans cesse réinventé.
Une instruction
éminemment politique
A l’examen du dossier, l’objet de l’accusation et l’intox médiatico-politique qui l’avait engendrée pour tenter de fabriquer un avatar croupion d’Action directe ont sombré dans le ridicule. Les acteurs de cette machination (la clique sarkoziste, et en particulier Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur, ainsi que Squarcini, chef de la Direction centrale du renseignement intérieur, DCRI) ayant été écartés de l’échiquier politique, on pourrait penser qu’il n’est désormais plus nécessaire pour le pouvoir d’agiter l’épouvantail terroriste. Mais si la répression exercée à travers ce dossier a avant tout visé à arrêter des acteurs et actrices de mouvements sociaux en cours pour « terroriser les terroristes », on n’aura garde d’oublier qu’il s’est aussi agi là pour le pouvoir de faire adopter une série de lois sécuritaires désormais utilisables de façon très extensive (2).
La solidarité attendue a été au rendez-vous. Après une chic fête de soutien organisée le week-end précédant le procès, plus de 150 personnes ont bordélisé la salle des pas perdus de la 10e chambre correctionnelle dès son ouverture. Face aux pandores, elles ont hurlé leurs slogans et défendu leur banderole « La démocratie enferme et tue, à bas l’Etat et le capital ! ». Lorsqu’elles ont été expulsées manu militari du tribunal, les « débats » se sont poursuivis dans les rues alentour (avec une douzaine d’interpellations). Et, à chaque audience, une cinquantaine de personnes sont ensuite venues assister au procès pour manifester leur solidarité aux accusé-e-s (4).
Par ailleurs, ceux-ci se sont vu reprocher les écrits parus sur Indymedia et les actions opérées pendant la « semaine internationale de solidarité », du 9 au 16 juin 2008, alors qu’ils étaient pourtant en détention. Et si la juge a joué les fausses naïves, en leur demandant pourquoi ils ne s’engageaient pas aux côtés du Samu social ou d’Amnesty, elle a parfaitement tenu son rôle dans la conduite des débats pour faire comprendre aux personnes présentes que la contestation sociale est tolérable dans les seuls cadres autorisés et définis par l’Etat et ses affidés, et que toute protestation s’écartant des chemins balisés encourt forcément la répression.
Une défense
tout aussi politique
Au vu du réquisitoire, où le procureur a dressé un tableau apocalyptique des conséquences qu’aurait pu avoir un acte comme l’attentat contre la dépanneuse de police… s’il n’avait pas avorté, les peines demandées paraissent assez faibles puisqu’elles couvrent presque la détention provisoire effectuée par les inculpé-e-s (trois ans de prison dont un ferme pour Inès ; trois ans dont un ferme et deux ans de sursis avec mise à l’épreuve pour Javier, deux ans dont un ferme pour Damien, deux ans dont six ferme pour Franck, un an dont six ferme pour Ivan et Bruno). Elles démontrent en tout cas l’inanité du dossier.
La défense a été basée sur trois points essentiels :
Rendu du procès le 25 juin. A suivre, donc !
JM-V, le 23 mai
1.La police lui attribue en 2007-2008 la dégradation de permanences de partis, un « appel à l’émeute et à l’insurrection » le soir du second tour de la présidentielle, l’incendie de 27 véhicules la veille, la contestation de la LRU (réforme des universités)…
2. Le 25 mai à Chambéry, quatre personnes passent ainsi en procès après l’explosion d’un engin survenue à Cognin le 1er mai 2009, et qui a causé le décès de Zoé et de multiples blessures à son compagnon. (voir page 8 de ce numéro de CA.)
3. On peut consulter ou commander cette brochure sur Infokiosques.net. 4. La présence d’une policière surprise en train de photographier, depuis la « chambre des témoins », les personnes venues assister au procès illustre bien l’actuelle criminalisation de la solidarité.