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ca 221 juin 2012

Notre-Dame-des-Landes Le changement c’est maintenant, l’aéroport c’est jamais !

samedi 9 juin 2012, par Courant Alternatif

La grève de la faim commencée le 11 avril s’est terminée le 9 mai, avec un accord des collectivités locales pour suspendre les expulsions et expropriations des habitants et agriculteurs présents avant 2008, jusqu’à l’épuisement des recours initiés à ce jour. Les procès d’opposant-e-s et les estimations financières des exploitations continuent... comme le projet.


Notre-Dame-des-Landes
Le changement c’est maintenant, l’aéroport c’est jamais !

La grève de la faim commencée le 11 avril s’est terminée le 9 mai, avec un accord des collectivités locales pour suspendre les expulsions et expropriations des habitants et agriculteurs présents avant 2008, jusqu’à l’épuisement des recours initiés à ce jour. Les procès d’opposant-e-s et les estimations financières des exploitations continuent... comme le projet.

GRÈVE DE LA FAIM
ET MOBILISATION GÉNÉRALE

La grève de la faim (1) a bénéficié d’un suivi journalistique local remarquable et quotidien, qui a donné une audience hexagonale aux différents soutiens, plus ou moins électoralistes, qui se sont succédé au chevet des grévistes. Ce suivi, favorable au mouvement anti-aéroport, reste étonnant... La rédaction de Ouest-France voulait-elle accompagner la presse parisienne  ? Ou bien se repositionner aux yeux de son lectorat, après son offensive médiatique menée contre la mobilisation du 24 mars, quand le quotidien breton titrait en gros caractères « NANTES EN ETAT DE SIEGE » et prédisait un déferlement de violences ? Ou encore le calendrier des expulsions imminentes avec le bras de fer prévisible flics-opposant-e-s rendait-il incontournable la grève de la faim ? Quoi qu’il en soit, la mobilisation anti-aéroport n’a pas attendu la presse bourgeoise pour revenir dans la rue. Cette mobilisation et la grève de la faim ont fait reculer Ayrault, et non pas une prétendue sanction des voix agitée par la coordination anti-aéroport !!! (2)

Le 18 avril, une centaine de paysans de la Confédération Paysanne font « l’entrée » d’un meeting PS à Rezé, au sud de l’agglomération nantaise. Le vendredi 20 à la Roche s/ Yon, Ayrault était attendu lors d’un meeting électoral par un comité anti-aéroport animé par la CNT Vendée, la Confédération paysanne et le PCF 85 : obligé d’entrer par la porte de service, sous la protection de policiers en tenue anti-émeute...

Le samedi 21 avril, plusieurs centaines de producteurs en vente directe regroupés dans le COPAIN (Collectif des Organisations Professionnelles Agricoles INdignées ), comptant notamment les réseaux de producteurs biologiques, tiennent un marché avec des étals vides près de la tente des grévistes de la faim : Pas de terres, Pas de paysans, Pas de nourriture ! D’autres Copains se montent dans les départements de l’Ouest et s’engagent à diffuser vers leurs clients l’information de la mobilisation.

Le jeudi 26 avril, rebelote aux Dervallières, quartier populaire nantais pour une réunion électorale, mais vu l’impossibilité de déployer les lignes de flics dans la cité (les pauvres n’aiment pas l’uniforme !), Ayrault préféra annuler son meeting : rageant, dans son propre fief !

Le 1er mai a connu une affluence rare de 10 000 manifestant-e-s à Nantes ; les organisateurs du cortège anticapitaliste du 24 mars se sont retrouvés à plusieurs centaines dans la mobilisation syndicale pour réaffirmer leur refus du projet d’aéroport, faisant grincer quelques dents. Militant-e-s libertaires et habitant-e-s de la ZAD, squatteur-e-s et nantais-es accompagnent une banderole de soutien aux grévistes de la faim.

Le jeudi 3 mai vit presque autant de tracteurs que le 24 mars converger d’encore plus loin (Vendée, Maine-et-Loire) pour soutenir les grévistes au centre de Nantes ! Il faut souligner ce succès indéniable (3) qui donna sûrement à réfléchir à la préfecture et à la mairie. Mais déjà les lignes avaient bougé...

CALMER LA SITUATION

Le 25 avril, les chefs PS des collectivités locales (Nantes métropole, Département, Région) ont envoyé un premier message, demandant aux grévistes d’arrêter leur action, digne de résistances à des dictatures... se retranchant derrière les procédures démocratiques épuisées... ne pouvant intervenir d’aucune manière dans les procédures judiciaires... C’est une fin de non-recevoir certes, mais un premier message aux opposant-e-s, depuis douze ans que Jospin et Ayrault ont relancé le projet... Bonjour la démocratie participative à la nantaise et le dialogue ! Bonjour la morgue des caciques socialistes !

Dans l’entre-deux-tours, Hollande qui effectuait une tournée électorale en Bretagne, devait passer les 27 et 28 avril en meeting à Nantes, mais le fond de l’air local sentait un peu trop le fumier pour le candidat qui préféra s’abstenir.
Le premier geste d’apaisement est venu de Hollande, candidat-président, le 30 avril dans une interview, en réponse à la demande d’une délégation des opposants et grévistes de la faim venue à Paris.

Rien ne bouge jusqu’à la présidentielle, sauf dans les rangs PS de Loire-Atlantique, où les représentants agricoles se prononcent contre l’aéroport ; la section PS Erdre et Gesvres (zone du projet) fait de même, crime de haute trahison ! Le 6 mai, une grande banderole contre le projet est accrochée sur la place Royale où, traditionnellement à Nantes, les soirs d’élections se terminent ; la statue centrale porte au poing un panneau anti-aéroport toute la soirée et, quand le cortège socialiste débouche, nous sommes une cinquantaine pour doucher son enthousiasme à coups de slogans...

Enfin le 8 mai, le vice-président socialiste à la région vient à la tente des grévistes de la faim. Des discussions sont entamées. Le 9 mai, après 28 jours, la grève se termine. Il est demandé aux opposants de « ne pas trop pavoiser ». Les élus (ville, département, région) demandent la suspension des procédures d’expulsion et d’expropriation jusqu’à l’épuisement des recours juridiques engagés contre le projet... Ces mêmes élus affirmaient le 25 avril ne pas pouvoir intervenir dans les procédures judiciaires ! Ayrault est nommé premier ministre le 15 mai.

MATIGNON VAUT BIEN
UN AÉROPORT...

Cette nomination d’Ayrault, principal artisan du projet, était vraisemblablement conditionnée à un désamorçage du conflit. Avec la campagne des élections législatives en perspective, Hollande ne pouvait pas risquer d’imposer un premier ministre (droit dans ses bottes, comme Juppé en 1995) en butte à un conflit local en fermentation rapide, avec une base paysanne élargie et coriace et une grève de la faim à l’issue imprévisible, pour un projet calamiteux vu de Paris. Ayrault a plié momentanément, le train du pouvoir ne repasse pas. Parmi les articles laudateurs d’Ouest-France du 16 mai, la déclaration de Verschère, opposante résolue à l’aéroport et conseillère générale, est éclairante : ...(Ayrault) dirige Nantes Métropole – 600 000 habitants - avec très peu de personnes... Avec cinq fidèles... aucune décision ne se (prend) sans lui... Nous sommes donc averti-e-s que le projet de métropole va continuer de plus belle. Ayrault a d’ailleurs verrouillé le fauteuil de maire et nommé le maire de Rezé, délégué à l’aménagement du territoire (!) à la présidence de Nantes Métropole. Il pourra donc avancer ses pions depuis Paris, avec une capacité de nuisance décuplée, sauf si son « destin national » l’absorbe avec les aléas économiques carabinés, prévisibles à brève échéance.

UNE TRÊVE
PLUS QU’UNE VICTOIRE

L’accord passé le 9 mai, s’il prend en compte les habitant-e-s depuis 2008, ne protège en rien les occupant-e-s et squatteurs de la ZAD, arrivé-e-s après cette date. De plus les évaluations du prix des exploitations par le juge nantais continuent sur le terrain, et un appel pour s’y opposer est déjà lancé par la coordination. Les expulsions de maisons squattées pourraient commencer au cours de l’été, après les législatives et le 2eme forum européen contre les grands projets inutiles, du 7 au 10 juillet à Notre Dame des Landes.

Ces projets policiers peuvent compter sur certains opposants à l’aéroport - dont Naud le maire de Notre Dame - qui ont clairement exprimé un rejet diffamatoire des zadistes, soutenant le président du conseil général Grosvalet dans sa demande d’intervention policière au préfet. Ils affirment qu’une maison située aux Ardillères, en bordure de la zone impactée, a été détruite par les squatteurs ; heureusement des élus municipaux d’une commune voisine et des habitant-e-s qui résistent dénoncent cette version, désignant plutôt les salariés d’une entreprise, photographiés sur les lieux, qui ont détruit systématiquement évacuations, huisseries et couverture de la maison pour la rendre inhabitable (un dossier complet sera diffusé pour contrecarrer les manoeuvres de Naud et Grosvalet). Par ailleurs des convocations policières d’opposants continuent, relatives à des actions passées.
Vinci AGO ( (Aéroport Grand Ouest) a voulu signifier aux opposant-e-s que même si la lutte avait obtenu un sursis, le projet continuait : deux jours après l’accord, le négociateur de AGO téléphonait à une famille habitant sur la ZAD en les « cuisinant » sur la nécessité d’accepter leur offre de relogement... Mieux, le même s’est pointé à 21H chez un autre habitant, qui l’a congédié illico.

LES PROCÈS CONTINUENT

Le 3 mai, des inculpés pour violences sur agents de la force publique (alors qu’ils étaient frappés et menottés par ces mêmes flics lors d’une occupation d’arbres à Nantes) ont vu leur procès reporté en janvier prochain. Le 16 mai, cinq inculpé-e-s pour avoir lancé du fumier sur le siège de VINCI AGO étaient jugés au tribunal de Nantes ; après une déambulation en ville, nous nous sommes retrouvés à 200 devant le tribunal. La coordination a fait le service minimum, se dissociant des actions directes contre Vinci. Les sommes demandées par AGO sont démesurées au vu de l’absence de dégradations graves. Le rendu du jugement aura lieu le 27 juin. Le 21 mai, un autre procès d’un opposant pour violences et insultes à la police a tourné à la confusion des flics : des vidéos ont démontré que leur version était bidonnée et le procureur a demandé la relaxe ! Une seule certitude, la mobilisation contre la répression doit continuer.
Sinon, à Nantes, comme « la meilleure défense, c’est l’attaque », un collectif contre l’aéroport tente d’instaurer une initiative-manifestation régulière mensuelle pour rendre l’opposition à l’aéroport plus visible et vivante, développer une capacité de mobilisation centrée sur Nantes avec toutes les oppositions au projet : premier rendez-vous le samedi 9 juin, place Royale, à 15 heures. Des affiches et tracts sont d’ores et déjà disponibles, toutes les énergies et bonnes volontés sont bienvenues (infos sur le net). A suivre.

Nantes, le 23 mai

1. Voir article Courant Alternatif 220 Mai 2012 – cf le site de l’OCL : oclibertaire.free.fr

2. A Notre Dame des Landes, Eva Joly a remporté 3 % de plus que son score moyen...!

3. Au printemps, quand le temps est compté, le déplacement des machines avec plusieurs heures de route préalables est d’autant plus significatif et révélateur de la mobilisation agricole en cours dans la région contre le projet... Même si la Confédération Paysanne 44 a tout fait pour ce succès, en pensant sûrement aux prochaines élections à la Chambre d’Agriculture en janvier 2013 ! Merveille du calendrier syndical...

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