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ca 220 - mai 2012

Mouvement d’opposition contre l’enfouissement de la Gare à Stuttgart

mardi 1er mai 2012, par Courant Alternatif


Mouvement d’opposition
contre l’enfouissement
de la Gare à Stuttgart

Depuis plus de 30 ans on n’avait pas vu cela... autant de personnes déterminées qui régulièrement descendent par dizaines de milliers dans la rue en s’opposant à la politique économique de « l’état social libéral » allemand ; Etat tant vanté par les économistes à travers le monde. Ce mouvement commencé en 2009, n’a pas -jusqu’à aujourd’hui- désarmé.

Aujourd’hui, après plusieurs décennies d’un calme assez profond et de cogestion des syndicats reconnue par la majorité des prolétaires, il y a une remise en question de la cohésion sociale. Beaucoup commencent à exprimer leur ras le bol des sacrifices qui se sont accentués depuis plus de 10 ans et à rejeter certains hommes politiques, voir même certaines dynamiques politico-économiques. A Stuttgart contre le projet S21 (1), contre la politique nucléaire, contre la destruction des dits « acquis sociaux » et même contre le report de l’âge de la retrait, donc d’une certaine manière contre le travail ; valeur difficilement critiquable de front dans un pays ou le luthéranisme l’a érigé en valeur morale universelle.

Un projet pharaonique

A Stuttgart, c’est un mouvement qui a pris pour l’instant une tournure bien citoyenne (pétitions, protestations majoritairement très policées et pacifiques, références et attentes électoralistes ou religieuses, avec des expositions de cierges et jusqu’à des séances de prières), avec mises en place de sortes de mur des lamentations et occupation du parc menacé par la construction de la gare. Cela dans la ligné de certaines luttes des années 70-80 qui sont une référence pour beaucoup ; comme celle victorieuse contre une centrale nucléaire (année 80). Le mouvement a démarré en 2009, moment ou les premières « manifestations du Lundi » ont eu lieues (2). Elles ont très vite prise de l’ampleur lors des préparatifs précédant la destruction de l’aile nord de la gare centrale, gare classée monument historique. Mais peu importe, puisque les ailes sud (ainsi qu’une partie du parc y attenant avec ses arbres bicentenaires) et nord gênent pour réaliser ce projet pharaonique (plus de 5 ou 6 milliards d’euros selon qui donne l’estimation). Le Capital ayant besoin d’être valorisé par la bourgeoisie, le profits pour les entreprises de construction et pour les sociétés immobilières est importants, car beaucoup d’espace « bien situé » seront gagnés à travers l’enfouissement de la gare et permettront l’accélération des flux de marchandises, point d’achoppement principal pour les partisans ou les opposants du projet.

Occupation de quelques heures de l’aile nord vers le 17 août ; occupation stoppée manu militari ; de même pendant cette période un petit groupe apparemment essentiellement composé de militant a pu bloqué un TGV pendant ¾ d’heures en s’installant sur la voie (3). Les travaux commencèrent vers le 29 août sous l’hostilité grandissante d’une foule qui s’agglutinait devant le chantier qui a été barricadé le 31 août suite à l’occupation matinale d’une grue par les militants de Robin Wood ; un commando de flics a évacué ceux-ci au bout de quelques heures. Cette barricade grillagée très rapidement doublé d’une haie de flics a été utilisée comme mur d’expression. La destruction de l’aile nord a cristallisé le mouvement. Ainsi, les revendications et les pratiques de luttes étaient plus larges que ce qu’elles sont devenues plus d’un an après. Au début on parlait (et on en parle encore d’après certains documents qui circulent) des gênes au quotidien, bruits, gênes pour la circulation des voitures au centre ville, développement des liaisons longues distances au détriment du régional, contre la destruction de la vieille gare, contre le pompage de la nappe d’eau souterraine qui risque de perturber la circulation de l’eau avec une partie de l’eau thermale, contre le risque de provoquer des éboulement et des fissures dans des immeubles., contre la coupe d’arbre tri centenaires et le quasi rasage d’un gros bout du parc attenant. Il y eu aussi un début de remise en question de la nécessité d’aller vite, contre la spéculation immobilière et contre le coût du projet.

Cette foule grandissante est présente en permanence pendant tout le mois de septembre, durée du chantier de démolition de l’aile nord, malgré les incantations, sifflets et autres cris n’ont guère ralentie les opérations. Et cela malgré des actions destinées à faire pression sur l’entreprise chargée des travaux, en saturant les lignes de téléphones et en se montrant menaçant...au bout du fil ; et même si quelques uns ont réussit à crever ou dégonfler quelques dizaines de pneus de véhicules de chantier. La foule était vraiment importante lors des manifestations (stationnaires ! Au début) du lundi, qui avaient lieu devant le chantier ; moment ou les décideurs ont tout de même eu la prudence de stopper les travaux !

La deuxième ou troisième semaine, l’information comme quoi le maire de la ville se trouvait à une station de métro dans un musée avec le roi d’une ethnie sud africaine circulait parmi les manifestant, à la fin de la manifestation. Un groupe de 1500 personnes se sont rendu devant le musée ; certain-e-s tentent d’aller sur le toit...et tout le monde faisait pression à l’extérieur ; et plus tard certain-e-s ont chahutés les voitures des membres de la délégation. Ceci a à a priori lancé une dynamique de manifestation sauvage qui a été relancé la fois suivante. Elle s’est dirigée d’abord vers le parlement du Land puis vers la mairie où il y a eu une bousculade avec les flics et où la dynamique citoyenne dominante a très vite œuvré à la désescalade ; puis vers le local de la CDU (parti de droite au pouvoir) les deux derniers bâtiment paraissant vide (il était 20h passé) ; pour ensuite envahir énergiquement un quai de gare. Ce genre de manifestation sauvage tout comme quelques blocage de carrefours de circulation se font de manière régulière. De manière générale ce mouvement s’inscrit dans la durée ; pour beaucoup l’objectif était de gagner suffisamment de temps jusqu’aux élections du Land en mars 2011 ou le parti des verts avaient des chances de l’emporter ; aujourd’hui ils laissent croire qu’ils arrêteront projet...
Face à ces manifestations, l’état se voit contraint à certaines heures de fermer des commissariats de lointaines banlieues par manque de personnel.

Jeudi 29 septembre :
un « jeudi noir »

Le 30 septembre jour apparemment planifié depuis un moment) ou une étape importante devait être franchie en coupant les premiers arbres du Schlosspark pour apparemment sonder le sous-sol, pomper de l’eau et préparer du coté sud les opérations d’enfouissement des voies de la gare. Un grand groupe d’opposant se mobilisa et résista fortement en refusant de céder ces quelques centaines de mètres carrés de terrain. Les flics les ont repoussé avec des canons à eau (ils n’avaient pas été utilisé dans cette ville « riche » et bien embourgeoisée, depuis 30 ans, ). Il y eu pas mal de blessés sérieux, dont un qui a apparemment perdu un œil. Et voilà le scandale, surtout que beaucoup sont convaincus que l’Etat voulait donner un signe fort pour effrayer et calmer définitivement les opposants. La même nuit, sous protection des haies policière les premiers arbres ont coupés. De même très rapidement l’on a ancré une barrière grillagé dans le béton, aujourd’hui nouveau mur d’expression. Aussi l’analogie avec le moment de construction du mur de Berlin n’est peut être pas si exagéré que cela ! Depuis Octobre, ingénieurs et autre farfouillent et sondent pour voir comment ils vont pouvoir continuer les travaux. Suite a ce jeudi noir, l’Etat accepte d’arrêter une partie des travaux et de désigner un conciliateur relativement estimé des opposant (un politique retraité, Geissler, membre de la CDU). Les discussions sont en cours et il y avait l’espoir de gagner suffisamment de temps jusqu’au gel du sol (ou les travaux pourraient réellement être stoppés).Après plus d’un mois de discussion, le projet S21 a subit quelques modifications dans le sens des exigences des opposants, principalement : d’épargner les arbres bicentenaires du parc attenant à la gare et d’augmenter le nombre de quais. A priori ce politique et d’autres propagandes ont réussit à retourner « l’opinion » qui était majoritairement contre S21 et serait maintenant majoritairement pour, ce qui aurai pu (dans ce mouvement fortement légaliste) représenter un coup pour la dynamique du mouvement. Les opposants, en décembre 2010, se sont focalisés sur un fameux « stress-test » qui a demandé pas mal de semaines pour être mené. Ce test (virtuel) devait mettre la nouvelle gare à l’épreuve des heures de pointe pour voir si elle ne risquait pas de saturer. Après quelques mois « d’attente » pour effectuer le « stress test » qui devait tester virtuellement la capacité de la nouvelle gare à absorber le trafic aux heures de pointe (avec une augmentation de 20% d’ici 20 ans), test dont le résultat a été donné seulement en juillet, a été positif...

Un mouvement
qui ne désarme pas

Malgré cela le mouvement ne désarme pas. Depuis août 2010 le parc est occupé en permanence, il y a des réunions mobilisatrices dans l’agglomération quasi quotidiennement avec un point d’orgue hebdomadaire. La fameuse manifestation du Lundi et les manifestations sauvages ont été canalisées par la social-démocratie. Elles ont été transformées en une procession sur un petit kilomètre pour se rendre place du château, sous prétexte de faire là la minute de bruit (avec des sifflet, apparemment selon tradition de la région souabe), afin de mieux disloquer les manifestations. Cependant, à l’été 2011, ces manifestations sauvages se sont renouvelées quelques fois. Après le 15 juin 2011, moment ou le gouvernement de coalition vert-rose (élu depuis peu et s’étant prononcé contre le projet) a donné le feu vert au redémarrage officiels des travaux qui avaient été suspendu, il y a eut un coup de sang des manifestants du Lundi. Ils envahirent le chantier (un gros bâtiment en fait ; c’est là où s’effectue le pompage) et provoquèrent pas mal de dégâts et un flics s’est fait latter. D’ailleurs, les pertes générées par le mouvement de résistance et datant de l’été sont de 20 millions dont une grosse partie concerne les frais de police et de vigiles, et 10 millions pour ce fameux Lundi de juin 2011.

Plus d’un an après la question du coût est mise en exergue ; et c’est ce point qui est le plus litigieux surtout pour la grosse partie de la population non militante. En effet, même si il y a sortie du projet légalement, avec les coûts des travaux déjà effectués et l’indemnisation légale des entreprises déjà sous contrat, la facture s’élèverait déjà à un milliard. Les verts au pouvoir régional ont proposé un référendum le 27 novembre 2011. Mais là encore le procédé légale fait que le gouvernement ne peut se prononcer que sur le financement de la partie des capitaux publics (40% et 60%). La question soumise dans le Land (15 millions de personnes) était tordue et exprimée dans un langage obscur. C’était en résumé : êtes-vous OUI ou NON pour la sortie de l’état, du financement ? Après l’échec du référendum pour la sortie (58% contre) les verts ont accepté la légitimité du vote et disent vouloir cesser le mouvement d’opposition au projet. Aux dernières nouvelles concrètes sur le terrain, les mobilisations continues et la police se prépare à mieux protéger le chantier (en voulant mettre en place une équipe spéciale et installer des caméras) surtout qu’il est prévu de commencer la destruction de l’aile sud en 2012.

A suivre... A.

1 : S21 est LE projet pharaonique (son aboutissement était prévu en 2019 au plus tôt), et devait être l’énorme chantier de la région du début du XXI siècle...avec des « gênes » importantes dans la ville de Stuttgart pendant plus de 10 ans. L’objectif des bourgeois au pouvoir est d’écourter les trajets de transports ferroviaires et donc des marchandises (entre autres les énormes quantités de voitures « haut de gamme » produite dans les usines de Mercedes et de Prosche dont l’agglomération de Stuttgart est le berceau) dans la région de Stuttgart et au delà vers Paris-Budapest ; mais aussi de libérer de l’espace au centre ville, surface constructible hautement valorisable, la ville étant dans un cuvette qui limite son expansion. Il faut donc complètement chambouler les infrastructures et construire une nouvelle gars en sous-sol (l’ancienne est aujourd’hui vieillissante et en cul de sac), en construire une nouvelle à l’aéroport, ainsi qu’une nouvelle gare de triage ; mais aussi construire des dizaines de kilomètres de lignes nouvelles et des dizaines de tunnels étant donne que la région est une région de petites montagnes faisant parties des « Alpes » souabes ; la ville se trouve dans une trouée constituant une partie de la vallée du Neckar. Voilà pour l’essentiel du projet.

2 : Les manifestations du Lundi, « utilisées » pour d’autres mobilisations revendicatives (comme Hartz IV/ pack social équivalent du RSA et très encadré) ont apparemment leur origine à Leipzig en ex DDR en 1998 ou avaient lieues des prières dans une église le Lundi, souvent suivies d’une manifestation ; première manifestation ; première manifestations ouvertes ayant lieues à la fin des années 80 contre le régime stalinien Est allemand.

3 : Les opposants se matérialisent sous de multiples formes et vont jusqu’à l’inquiétude du risque qu’aurai un bagage de rouler tout seul du fait que la futur gare sera en légère pente, car on ne peut pas descendre trop bas du fait qu’en dessous il y a le tram et le train de banlieue qui occupe un niveau ! Voilà pour une petite caricature amusante !
Mais l’essentiel des arguments d’opposition tourne autour des immenses dépenses que cela nécessite (entre 3,5 milliards d’euros officiels et plus de 5 selon les estimations), argent qui serait utile selon les opposants dans des dépenses sociales. Le courant principal d’opposition a dans les cartons un projet alternatif dit K21 qui ne rompt pas avec les nécessités du Capital. Il permettrait toujours d’accélérer les mouvements mais aurait le mérite d’être beaucoup moins cher. Il engendrerait beaucoup moins de nuisances et permettrait de ne pas trop modifier le paysage urbain et nécessiterait trois fois moins de percement de tunnels ; donc pas d’enfouissement de la gare, pas de construction à l’aéroport ; un volet important du K21 serait de rénover l’ancienne gare et surtout l’élimination des croisements de voies, sources de ralentissements ; ce à quoi les « partisans » du projet rétorquent que c’est difficile de faire des gros travaux dans une gare qui est utilisée.
4 : Le 2ème et 3ème mois, il y a la présence de groupe chargés de la « désescalade des tensions » ainsi que de clowns.
5 : A priori le pompage continuait en secret, cela au nom du respect des obligations liées aux règles commerciales qui oblige l’état de dédommager les entreprises en cas d’arrêt des travaux

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