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Edito 158 Avril 2006

samedi 1er avril 2006, par Courant Alternatif


Les mouvements sociaux de résistance à la destruction de près d’un siècle d’acquis des luttes ouvrières se succèdent et s’accélèrent depuis plusieurs années. La précarité dans le salariat qui implique nécessairement la précarité dans tous les aspects de la vie touche aujourd’hui, en France, plusieurs millions de personnes. Cette précarité est encore plus massive dans certains pays européens comme l’Espagne et la Grande Bretagne. C’est l’objectif majeur du capital, de son serviteur l’Etat et ses gestionnaires élus “ démocratiquement ” par de moins en moins de “ citoyens ”. Ce n’est pas une nouveauté, c’est même un retour aux sources de l’exploitation de l’homme par l’homme.

La précarité n’est pas liée à la seule politique du gouvernement actuel. La “ gauche ” a en son temps généralisé l’usage de contrats précaires : CES, CEC, emploi jeunes, vacataires du public, etc.. En Allemagne, l’accord de “ grande coalition ” scellé le 11 novembre entre la droite (CDU) et la gauche (SPD) prévoit le passage de la période d’essai de six mois à deux ans. “ Galouzeau ” n’a donc rien inventé, si ce n’est de découper les entreprises en taille (le CNE réservé aux entreprises de moins de 20 salariés), les prolétaires en âge (le CPE) avant de tenter d’aller vers un contrat de travail unique où le patronat aurait (entre autres), comme au Royaume-Uni, la possibilité de licencier sans devoir le justifier durant les deux premières années de travail.

Le CPE n’est qu’un aspect parmi d’autres de cette attaque du système capitaliste. Mais, son contenu de classe et sa discrimination envers les jeunes ont été perçu par des millions de personnes. La méthode du “ Galouzeau de service ” qui croyait passer en force comme ses prédécesseurs en se passant même d’inviter à sa table les traditionnels partenaires sociaux, a déplu, révolté et enflammé une grande partie de la jeunesse de ce pays qui s’est très progressivement senti humilié et réduit à une marchandise.

La mobilisation s’est faite très lentement dans un contexte social global jalonné depuis des années de défaites (retraites, privatisations, délocalisations, etc.). Il ne nous restait plus qu’à nous satisfaire du rejet du traité constitutionnel de l’Europe et du pourcentage croissant des électeurs s’abstenant lors des tournées du cirque électoral. Mais la mayonnaise a monté progressivement pendant des semaines sans que le pouvoir ait eu l’intelligence de trouver des appuis réels dans la société. Même la direction de la CFDT et autres CGC, le MEDEF ont été négligé !

C’est ainsi que nous assistons à la naissance d’un véritable mouvement social qui englobe non seulement les étudiants, des lycéens, mais aussi une partie des précaires atomisés, des travailleurs, des intermittents, des chômeurs… Des jonctions intergénérationnelles ont lieu y compris, mais pas seulement, avec le bon peuple de gauche (au sens large) qui cache de plus en plus mal sa mauvaise conscience d’avoir voté Chirac contre Le Pen en 2002 (sans illusion car si c’était à refaire,... il le referait !).

Dès le départ, ce mouvement chez les étudiants ne s’est pas majoritairement restreint à la lutte contre le CPE. Il a englobé le CNE qui est passé voici quelques mois comme “ une lettre à la Poste ”, l’apprentissage à 14 ans et toute la loi sur “ l’égalité des chances ”, l’amnistie pour les lycéens condamnés l’an passé et pour les émeutiers de novembre. Puis, dans beaucoup d’AG, fut abordées toutes les lois liberticides et les projets comme celui concernant la prévention de la délinquance, l’immigration choisie, … Ce refus de la précarité par les étudiants et les lycéens fait écho aux émeutes de novembre dernier. Aujourd’hui, plus aucun jeune ne croit à cette société. Bien sûr, le “ bac + x ” s’en sortira forcément mieux, en moyenne, que le jeune sortant de l’école sans diplôme. Mais on voit des ponts s’établir de-ci de-là entre sans papiers, intermittents, précaires, jeunes des villes … et jeunes des banlieues.

Remercions “ Galouzeau ” de permettre, par son mépris social, à une nouvelle génération de jeunes d’avoir une occasion comme jamais de se politiser. Rien ne vaut une bonne grève avec occupation et blocage, des heures, des jours et des nuits d’échanges et de débats même houleux, des manifs, … pour permettre de nous armer contre le capitalisme. Plus cela dure longtemps, mieux c’est ! Nous avons rarement dans une vie l’occasion de cesser d’être raisonnables et soumis à l’ordre établi. Il faut donc la saisir, la vivre selon ses envies, ses moyens. Dans Grève, il y a Rêve !
Nous avons eu la chance que le Pouvoir ait cru, pendant plusieurs semaines, pouvoir se passer de ses partenaires sociaux qui ont été contraint d’accompagner et de suivre le mouvement. Mais les liens de la collaboration vont naturellement, dans les prochains jours, se renouer car leur “ maison France ” (ils n’osent pas encore utiliser le mot “ patrie ”) est en danger. Elle est effectivement en danger ! La trouille de la radicalisation du mouvement s’empare tout naturellement de toute la classe politique et syndicale. D’autant plus que leur dernière “ bouée de sauvetage ”, le Conseil Constitutionnel saisi par la gauche parlementaire, vient de reconnaître que cette loi est finalement conforme à la Constitution de l’Etat français ! Génial ! Nous ne pouvions espérer mieux… Après avoir contesté une loi votée, le mouvement va-t-il continuer, se développer, s’étendre quantitativement et qualitativement par une extension de ses revendications en piétinant allègrement leur parlementarisme. l’Etat veut aller à l’affrontement, allons-y ! Il a beaucoup à y perdre et nous avons tant à y gagner !

Il y a bien d’autres citadelles à prendre et à détruire avant de construire un autre monde.

O.C.L. Reims le 30/3/06

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