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[État espagnol] Un petit pas vers plus d’unité entre les anarcho-syndicalistes ?

dimanche 10 juillet 2011, par OCLibertaire

Le 24 juin dernier, s’est tenue une réunion à Madrid entre 4 organisations, CNT, CGT, Solidaridad Obrera et la Coordination Syndicale de Classe (CSC).

Les trois premières organisations, qui se réclament de l’anarchosyndicalisme, ont signé une déclaration commune, la CSC ne l’ayant pas approuvé à ce jour.


Depuis plus de trois décennies (la scission CNT/CGT remonte à 1979), les relations entre les diverses organisations se réclamant de l’anarcho-syndicalisme espagnol sont marquées par des conflits (y compris sur le terrain juridique entre CGT et CNT) et de très gros désaccords politiques, d’orientation, de pratiques, de conception de l’action anarcho-syndicaliste dans l’entreprise et l’ensemble de la société. Conflits et oppositions d’autant plus âpres qu’ils se fondent sur des questions de légitimité (être chacune l’héritière exclusive de ce courant polico-syndical historique) et donc aussi d’identité. D’où des conflits où l’“autre” devient le pire ennemi, d’où des niveaux de polémique, de sectarisme rarement atteint et qui interdisait jusque là le moindre travail en commun, même ponctuellement, même le temps d’un rassemblement, d’une manifestation. Le 1er mai dernier encore, malgré les appels à l’unité lancés par SO [1], aucune manifestation commune n’avait pu être organisée à Madrid.

Les choses semblent donc commencer à bouger un tout petit peu. Depuis quelques mois, quelques appels communs ont surgi localement, notamment à Barcelone, mais là c’était avec une CNT dissidente de Catalogne (et pas l’officielle) et aussi une organisation syndicale liée à la gauche indépendantiste catalane, autour d’un appel à la grève générale. A Zaragosse des manifestations communes ont commencé à être appelées par la CGT, la CNT et d’autres organisations. Ailleurs des formes de coopération ponctuelle sont apparues. Bref, si dans certains endroits, ça bloque, dans d’autres cela semble devenir possible.

Cette dernière réunion de Madrid traduit une évolution directement liée à la situation de ces derniers mois marquée par la journée de grève générale sans lendemain du 29 septembre dernier, alibi d’une politique de pacte social de la part du syndicalisme majoritaire, et l’émergence du mouvement du 15M (dit des “indignés”) traversé par les questions sociales de toutes sortes et notamment par des appels à la grève générale, surtout depuis les manifestations du 19 juin. C’est bien ce mot d’ordre, cette perspective d’une auto-convocation et une dénonciation claire du syndicalisme de collaboration (qui dernièrement vient d’approuver la réforme des conventions collectives ouvrant la voie à plus de flexibilité et des baisses de salaires), qui se retrouvent dans le contenu de l’appel commun des trois organisations se réclamant de l’anarcho-syndicalisme.

Comme si finalement, ces organisations s’étaient rendues compte du ridicule qu’il y avait de participer chacune à ce mouvement du 15-M, mouvement hétérogène, contradictoire mais aussi “pluriel” (c’est-à-dire qui cherche de l’unité dans/avec/malgré la multiplicité ou différence), d’y défendre des positions finalement assez proches (grève générale, auto-organisation, lutte sociale et globale contre le capitalisme…) et ne pas être foutues de s’entendre sur un appel commun qui suppose quand même d’atteindre un niveau d’unité bien supérieure (dans grève générale, il y a “générale”…) que celui des seuls groupes et organisations constitués.

Ce n’est certes qu’un appel, comme il s’en écrit des dizaines chaque semaine… rien que dans l’État espagnol.
Mais il a une valeur symbolique et, au-delà de son contenu, il est le signe indéniable que les lignes commencent à bouger et accessoirement que les réalités sociales et politiques ne sont pas toujours sans incidence sur les certitudes les plus enracinées dans certains milieux militants. Bon signe !

= = = = = = Appel<br> Vers la grève générale<br>

Les organisations syndicales CGT, CNT, CSC et SO se sont réunies le 24 juin dernier à Madrid pour évaluer les réponses que nous devons opposer, par un processus de lutte coordonnée basé sur l’unité d’action et de classe, face à l’attaque sans précédent que les travailleurs et les travailleuses subissent du fait de la politique de coupes sociales et de perte de droits impulsée par le gouvernement et les institutions européennes, à la demande du patronat et des marchés.

Les différentes organisations syndicales participant à cette rencontre partagent le rejet frontal de politiques qui, avec les réformes du travail successives, les coupes dans le système des pensions, la réforme de la convention collective et les coupes sociales et dans les services publics, visent, une fois de plus, à ce que les travailleurs et les travailleuses, et les secteurs les plus fragiles de la société, payent la crise capitaliste.

Nous partageons également la nécessité de mettre en marche une réponse commune, qui au-delà des différences, avance vers l’unité des travailleurs et des travailleuses dans la mobilisation et la lutte, en comptant sur la participation de toutes les organisations syndicales, collectifs de travailleurs et mouvements sociaux opposés à la politique de pactes sociaux et de démobilisation promus par le syndicalisme institutionnel des CCOO et de l’UGT.

Nous pensons nécessaire de lutter en rupture avec un modèle syndical, qui durant les dernières 30 années, nous a conduit à des pertes successives de droits, et qui en ce moment actuel de crise aiguë du capitalisme, a démontré sa complicité et son manque de volonté et de capacité à donner une réponse aux attaques menées contre la classe travailleuse. Un modèle syndical qui a promu un syndicalisme institutionnalisé, dépendant de l’État, visant à empêcher la mobilisation et la participation réelle de la classe travailleuses à des organisations syndicales autonomes ayant des volontés de lutte.

La réforme de la Convention collective, qui est discutée au Parlement est, outre une nouvelle et grave réduction de droits, un tour de vis supplémentaire pour essayer de contrôler la conflictualité et la lutte sociale, en consolidant le bisyndicalisme institutionnel et son rôle de gestionnaire de la crise pour les intérêts capitalistes, en taillant encore plus dans la capacité d’action des autres organisations syndicales, et la liberté syndicale des travailleurs et travailleuses.

La réunion du 24 juin est le premier pas d’un processus qui dans les prochains mois impulsera la mobilisation à partir de revendications communes, débattues et assumées par les travailleurs et les travailleuses, avec comme horizon une Grève Générale avec capacité de faire face à l’offensive actuelle et avancer vers la conquête de nouveaux droits sociaux.

Les événements apparus à partir du 15M ont rompu avec le climat de passivité antérieur et nous placent dans un scénario de mobilisation, sans précédent depuis le début de la crise, qui doit maintenant être déplacée vers les lieux de travail, en mettant les revendications sociales et économiques des travailleurs et des travailleuses au centre du débat public, en apportant à ce mouvement les outils nécessaires pour la confrontation et la lutte sur le terrain économique et du travail, en ajoutant aux exigences socio-politiques l’action concrète contre le capitalisme.

La situation exige de nous une réponse proportionnellement égale en fermeté aux mesures que nous, travailleurs et travailleuses, subissons. Pour cela nous considérons nécessaire non seulement de continuer dans les luttes syndicales que nous menons, mais de faire un pas qui rompe définitivement avec ce modèle de syndicalisme institutionnalisé et de générer un précédent dans lequel nous, les syndicats de classe, puissions commencer à battre la mesure du temps, par l’action offensive pour atteindre nos objectifs.

Madrid, 24 juin 2011

Confederación General del Trabajo (CGT)
Confederación Nacional del Trabajo (CNT)
Solidaridad Obrera (SO)

(Note : la CSC a assisté à la réunion, mais pour l’instant n’a pas souscrit au document)

[Traduction : XYZ pour OCLibertaire, reproduction vivement encouragée]

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P.-S.

Pour plus d’informations sur la crise économique et la situation sociale dans l’État espagnol, ainsi que sur les divers épisodes depuis la journée de “grève générale” du 29 septembre, notamment les tentatives d’impulser de nouvelles mobilisations au cours de l’automne et l’hiver dernier, on peut se reporter aux divers articles sur le sujet publiés dans le n°207 de février 2011 de Courant Alternatif l’intégralité de ce numéro du journal est téléchargeable ici

Le dernier numéro de Courant Alternatif (été 2011 – n° 212) actuellement en vente contient des éléments sur la dimension sociale du mouvement de protestation des “indignad@s”.

Notes

[1Solidaridad Obrera

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1 Message

  • Seconde rencontre des syndicats de classe pour la mobilisation unitaire contre le pacte social et pour la grève générale

    Les organisations syndicales Confederación General del Trabajo (CGT), Confederación Nacional del Trabajo (CNT), CO.BAS, Coordinadora Sindicalismo de Clase (CSC) et Solidaridad Obrera (SO) , se sont réunies le 29 juillet dernier lors d’une seconde rencontre dans le but de poursuivre les pas vers un calendrier de mobilisations communes, dans l’unité d’action et de classe, vers une grève générale contre les politiques de coupe sombre et de pertes de droits lancées par le gouvernement et les institutions européennes, à la demande du patronat et des marchés.

    Nous, les organisations syndicales citées s’engagent à concrétiser dans nos pratiques différentes et nos pratiques syndicales, dans les quartiers et sur les lieux de travail, les nécessités des travailleurs de s’opposer unitairement par la lutte aux politiques qui, avec les réformes du travail successives, les coups de ciseaux dans le système des pensions, la réforme de la négociation collective et les coupures sociales et dans les services publics, (Santé, Transport, Éducation....) prétendent, une fois de plus, que ce soit nous les travailleurs, et les secteurs les plus faibles de la société, qui payons la crise capitaliste.

    Nous appelons à rompre avec un syndicalisme institutionnalisé, subordonné et complice direct des mesures dures et agressives du gouvernement et de la patronale contre les droits et les conquêtes professionnelles acquises par la lutte d’un mouvement ouvrier combattif, qui ont entraîné des pertes successives de droits et qui démontrent leur incapacité de faire face à la crise capitaliste que nous subissons, à cause de leur institutionnalisation et de leur dépendance vis-à-vis de l’État.

    Nous croyons nécessaire d’étendre aux lieux de travail, la dynamique de mobilisation sociale générée par les assemblées sur les places et dans les quartiers, de même que l’engagement et l’entraide exprimés par le mouvement de résistance aux expulsions ou aux arrestations de travailleurs émigrants.

    Nous préparons un débat public entre organisations syndicales de classe pour le mois de septembre, qui sera retransmis sur internet (streaming). Nous envisageons aussi un appel à une journée de lutte Commune en octobre, comme (première) partie d’une série de mobilisations visant les revendications ouvrières de répartition du travail et des revenus, la défense des services publics et des droits sociaux dans la perspective d’un changement radical du système économique, le débat social et politique. [...].

    Et puisque nous y sommes une rapide analyse de la CGT-e sur la situation en Espagne

    L’économie souterraine existe, mais elle n’apparaît pas dans les statistiques officielles [...] plusieurs analyses s’efforcent d’en calculer le volume. Parmi celles-ci, celle de la Fundación de las Cajas de Ahorros <http://www.funcas.es/> (Funcas) s’appuie sur des indicateurs sur la consommation d’énergie, de capitaux et sur celui connu comme MIMIC (Multiple Indicator and Multiple Causes) pour aboutir à la même conclusion [que les autres estimations] : l’économie souterraine en Espagne représente jusqu’à 23,7 % du PIB entre 2005 et 2008 selon les projections les plus élevées réunies dans le rapport de Funcas. [...]

    Indépendamment des chiffres, l’étude constate la forte croissance de l’économie souterraine, passant de 12,5 % du PIB jusqu’à 1985 pour dépasser les 20 % à partir de 2000 avec le fort réchauffement de l’économie espagnole lié au boom de l’immobilier. Cette analyse a conduit ses auteurs à affirmer que "l’économie souterraine et la prospérité économique sont parfaitement compatibles".

    En fait, le rapport souligne que la poussée de l’économie souterraine coïncide avec la forte croissance de l’activité économique officielle, tout en ayant des divergences évidentes. Dans ce sens, si ces 30 dernières années l’économie espagnole a doublé, la souterraine a quadruplé. Cela est dû, ajoutent les responsables du texte, à la hausse de la pression fiscale, qui devient un stimulant pour les fraudeurs. Sur la période analysée, elle a augmenté de plus de 10 points en pourcentage et a atteint 35 % du PIB.

    Par sa faute, les coffres de l’État ont perdu dans la dernière décennie, quelques 32 milliards d’euros, ce qui équivaut à 5,6 % du PIB officiel et, en comparaison, presque le même pourcentage de déficit auquel s’attend cette année le gouvernement. [...]
    En plus de son volume, l’étude affirme également que jusqu’en 1984, 1,4 millions de personnes travaillaient dans l’économie souterraine. Entre 2006 et 2008, néanmoins, le chiffre est passé à 4 millions, mais il pourrait bien baisser dans le futur, si le gouvernement met en marche un plan. (El País, 01.06.11)

    Cette soupape d’échappement peut expliquer la relative passivité des 5 millions de chômeurs enregistrée actuellement. Le phénomène des indignés est une première réaction, d’envergure nationale. Jusqu’à présent c’étaient les urnes qui allaient tantôt à la droite ou à la pseudo gauche, une attitude de consommation et d’indifférence relative des électeurs visible en France dans les années 1980.

    « Grâce » au néo libéralisme, la consommation, l’éducation, la santé, le travail pour tous, la stabilité professionnelle des fonctionnaires, tout cela devient de plus en plus précaire et de plus en plus soumis aux coups de matraque, en cas de manifestations publiques.
    Le surgissement de partis ouvertement xénophobes du sud au nord de l’Europe est une tentative naïve de canaliser les mécontentements sociaux.

    L’Espagne est complètement insérée dans ce cadre européen et y réagit avec sa culture, issue de ses luttes et de son rejet des mythes de la Transition.

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