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LE CONGRÉS DE LA CGT

lundi 1er mai 2006, par Courant Alternatif

La CGT a tenu son congrès du 24 au 28 avril à Lille. Mille délégués pour « débattre » de l’orientation de la confédération pour les trois prochaines années. Dans les faits, il s’agit bien plus de confirmer la ligne politique impliquée par son secrétaire Bernard Thibault et appuyée sur l’idéologue maison J C. Le Duigou.


Une orientation sans surprise.

Les documents d’orientation de ce 48° congrès ont été synthétisé dans un quatre pages, compilant « 25 décisions » autour de trois axes. Le syndicalisme, acteur essentiel de solidarité et de conquêtes sociales, la démocratie au cœur des enjeux de transformation du travail et de la société, et, développer l’organisation syndicale.
En lisant ces « décisions » reflets de l’idéologie maison, on en oublierait qu’il s’agit de la CGT si son sigle, maintes fois répété dans le texte ne nous le rappelait.
En réponse aux questionnements que se posent légitimement les salariés dans leur ensemble et surtout les militants de cette centrale engagés dans les luttes (salaires, licenciements, conditions de travail, voir la précarité : remise en avant, et avec force par le mouvement lycéen et étudiant dans leur lutte contre le CPE, etc) on n’y trouve qu’un verbiage indolore pour le patronat et le capital.
Pour répondre aux enjeux politiques et sociaux de notre temps, et relever les défis de la mondialisation imposés par le capital nous ne lisons dans la décision 1, qu’un vague « Solidarité placée au cœur des objectifs de la CGT.. par une action revendicative qui réponde aux aspirations individuelles des salariés, chômeurs, retraités… » ou dans la décision 2 : « déployer la CGT vers les petites entreprises …avec pour enjeu déterminant, atteindre le million de syndiqués. » Notons qu’elle revendiquait 720 000 adhérents fin 2004.


Pour un syndicalisme rassemblé.

Dans la décision 3, on y lit « le rassemblement du syndicalisme demeure un objectif essentiel.. » Le rassemblement auquel se réfère l’équipe confédérale n’est pas celui des travailleurs sur des bases de lutte de classe, celui de l’unité par et pour les travailleurs en lutte mais celui des centrales, des bureaucraties, sur des thèmes et sujets communs pour avancer dans le cadre de concertations.

Projet de rassemblement que l’on découvre dans les décisions 4 et 5 où l’intérêt, les aspirations individuelles et citoyennes l’emportent sur les revendications de classe d’intérêt collectif. Il s’agit d’un rassemblement autour d’un syndicalisme d’accompagnement entamé voici plus de dix ans et dont nous avons eu l’illustration lors du mouvement anti-CPE. Où l’ unité syndicale au sommet a soutenu le mouvement comme la corde soutient le pendu. L’heure est au rassemblement entre responsables syndicaux nationaux et européens autour de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), que l’on a pu voir à l’œuvre lors du référendum sur le traité de constitution du 29 Mai 2005.

Un syndicalisme rassemblé avec pour objectif, d’intégrer la nouvelle confédération mondiale en gestation autour de l’internationale chrétienne, sociale démocrate avec L’AFL-CIO américaine. Nouvelle confédération syndicale mondiale où se retrouveront un ramassis de collabo du capital et de réacs syndicaux dont le fond de commerce était l’anti-communisme.
Décision 6 : « Déployer des pratiques de négociations démocratiques et offensives pour en faire des moyens de progrès social » Décision 7 :« Conquérir et nourrir le nouveau statut du travail salarié par la conquête d’un ensemble de garanties individuelles et collectives »... Enterrée la lutte des classes. Ce congrès achève l’orientation d’un syndicalisme de confrontation « light » entre partenaires sociaux respectables et responsables qui fait grande place à la démocratie. Entendons par là : la négociation entre gens réalistes dans le cadre des difficultés rencontrées par la bourgeoisie et le capital français face à la mondialisation.

Un congrès où les débats esquiveront les désaccords ainsi que les désaveux ; Tel le débat sur le traité constitutionnel européen où le comité central national (CCN :le parlement CGTiste) avait prôné le NON désavouant B Thibault et sa clique qui siégent à la CES. Souvenons nous que ce dernier, avait attaqué et désavoué ce même CCN et son manque de démocratie. Pas un mot à ce sujet dans les textes préparatoires.

De même, l’absence de bilans et d’éventuels débats sur les réformes que la confédération a laissé entériner sans prise de position claire et nette. Telles les lois Aubry, la réforme Fillon sur les retraites ou celle de Douste-Blazy sur la SECU. Sur les perspectives de luttes à venir, un silence. Un silence qui confirme l’orientation réformiste de cette centrale et enterre une fois pour toutes le « Où va la CGT ? » La décision 12 explicite : « Le congrès revendique des droits et moyens nouveaux dans les comités d’entreprise, les CCE, comités de groupes nationaux et européens, dans l’ensemble des institutions représentatives, afin de permettre l’intervention légitime des salariés sur le choix de gestion. » Bref une orientation de co-gestion clairement définie.
L’équipe confédérale, n’hésite pas à esquiver le débat par une présentation aussi vague qu’ambiguë. Ainsi dans la décision 13 où il est écrit que « Le congrès …milite pour le plein emploi solidaire partout dans le monde… » S’agit-il de défendre le plein emploi, de lutter contre les suppressions ou les fermetures de boites ou est-il sous-entendu d’accepter les licenciements patronaux dans le privé et les suppressions de postes dans le public au nom d’un réalisme économique et national ? S’agit-il d’accepter les plans sociaux et préserver des emplois au nom de la solidarité ? Souvenons nous voici peu, lors de la lutte à la SNCM à Marseille où, pendant que les salariés luttaient contre la privatisation de l’entreprise et les suppressions de postes, B Thibault lui même à Paris, négociait l’acceptation du plan du gouvernement sans concertation et au mépris des travailleurs en lutte.
Primauté donc de la proposition et de la négociation sur les luttes, le rapport de force et l’action pour peser et gagner dans les revendications.


Où vont les militants ?

Ainsi, au long de la lecture de ce quatre page, nulle trace de Travailleurs, ouvriers, pas plus de lutte de classe que d’offensive anti-sociale menée par le patronat ou le capital contre les travailleurs. Tout au plus, des contradictions à résoudre, juste un blocage partenarial dû à un manque de démocratie dans l’entreprise. Il est vrai que depuis le 45° congrès « la socialisation des moyens de production et d’échange » effacée des statuts n’est plus à l’ordre du jour.
Un congrès où les oppositions n’auront que peu de prise. Ces oppositions diverses et éparses tenteront malgré tout de faire entendre leurs grognes et leurs critiques mais cela n’ébranlera en rien B. Thibault et son projet de « syndicalisme rassemblé ». La rigidité de De Villepin durant le conflit contre le CPE l’a remis en selle, et a conforté sa stratégie.
Ensuite, le mode de désignation des délégués ne permet pas un débat démocratique avec les délégués « mandatés » critiques ou pas. Le verrouillage est de règle. Les voix critiques n’ont qu’un droit de parole vite circonscrit, sauf pour les structures, ou bastions déjà oppositionnels.
Les oppositions sont hétéroclites et confuses. Certaines sont arc boutées sur des défenses corporatistes ou idéologico-staliniennes avec des apparatchiks se sentant menacés. D’autres oppositions lucides sur les orientations adoptées à leur corps défendant, restent ancrées dans un syndicalisme de classe, internationaliste, anti-capitaliste et se tournent vers l’avenir et l’attente d’une hypothétique reconstruction syndicale de transformation sociale.


MZ Caen le 18 04 2006

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